La Chronique Agora

Pour être investisseur, il faut être flexible

▪ Certains investisseurs commettent beaucoup d’erreurs qui les empêchent de devenir riches grâce à leurs investissements. En 2011, je pense qu’une erreur en particulier fera plus de mal que les autres. On pourrait la résumer par cette phrase : "les généraux livrent leur dernière bataille".

Au gré de mes voyages, j’ai eu l’occasion de rencontrer beaucoup d’investisseurs qui, malgré une chute de plus de 50% du marché entre son plus haut en octobre 2007 et son plus bas en mars 2009, attendent toujours un krach du marché. Ils ont raté l’un des plus importants mouvements haussiers de l’histoire de la planète parce qu’ils regardaient en arrière alors qu’ils auraient du regarder vers l’avant.

Je connais des gens qui croient encore que le marché immobilier va se crasher. Pourtant les prix immobiliers ont déjà chuté de 30% par rapport au plus haut national. L’immobilier est à présent plus abordable qu’il ne l’a jamais été en l’espace d’une génération.

Je connais des gens qui se refusent encore à acheter une valeur technologique, même si la bulle technologique a éclaté et a atteint son plus bas il y a huit ans ; ou qui ne songent même pas à posséder une action brésilienne parce qu’ils ont perdu de l’argent lorsque le Brésil a traversé une forte crise dans les années 1990.

Ces personnes ne sont pas stupides. La plupart d’entre elles réussissent bien dans leur domaine respectif. Mais même les gens intelligents restent entêtés dans leurs idées… qui deviennent obsolètes — et peu rentables– alors que le monde qui les entoure évolue.

Cela me rappelle le vieux dicton de Mark Twain à propos d’un chat et d’un poêle : "il ne s’assiéra pas une nouvelle fois sur un poêle brûlant — ce qui est bien", écrit Twain, "mais il ne s’assiéra plus, non plus, sur un poêle froid".

▪ Durant les vacances, je suis tombé sur un article très intéressant à ce sujet intitulé "Stratégie d’investissement", écrit par Barton Biggs en janvier 1977. Biggs fut pendant 30 ans un stratégiste renommé chez Morgan Stanley. Plus récemment, il a écrit un excellent ouvrage sur l’investissement intitulé Hedgehogging, dont je recommande la lecture. Il s’agit d’une sorte de discours de bonne année destiné aux gestionnaires financiers qu’il dirige.

Il commence par évoquer toutes les expériences qu’un investisseur accumule tout au long de sa carrière — même lors d’une carrière courte, de 10 ou 15 ans. Biggs écrit : "il a eu sa part de succès et de nez cassés ; ses fonds sont sans cesse faussés par des fluctuations et il a obtenu les bénéfices qu’il pouvait avoir en suivant à la hausse ou à la baisse les repères du marché un nombre incalculable de fois".

Comme le dit le proverbe : "l’expérience est un peigne que la vie vous donne une fois que vos cheveux sont tombés". Plus sérieusement, cette expérience est importante, en particulier s’il vous reste quelques cheveux sur le crâne. L’expérience vous permet de sentir les habitudes du marché, ses humeurs et ses conventions. Vous possédez des connaissances sur certaines de ses industries et valeurs. Et vous avez probablement appris pas mal sur vous-même, comme par exemple sur votre tolérance au risque.

Mais cette expérience s’accompagne également d’idées-crampons qui s’accrochent à vous.

Biggs explique cela fort bien :

"Le problème est que lorsqu’on accumule de l’expérience, on acquiert également des préjugés vis-à-vis des secteurs et des valeurs parce qu’on y a perdu de l’argent. Il est facile… de devenir un bigot de l’investissement, avec un esprit fermé sur beaucoup de sujets… Un esprit neuf, ouvert aux opportunités, sans préjugés, est essentiel pour bien investir dans un environnement où la seule constante, la seule règle inéluctable est le changement et la rotation sectorielle. Par définition, il ne peut y avoir de secteur ignoré par l’investissement".

Pour résumer, un investisseur ne devrait jamais dire jamais, comme dans les phrases "je n’achèterai jamais une valeur immobilière", ou bien "je n’achèterai jamais les actions d’une compagnie aérienne". Biggs qualifie ce genre de pensée de "paresse pure et simple". Il y a un temps et un lieu pour tout.

Je sais que je dois beaucoup travailler pour cultiver un esprit ouvert à l’investissement, sur tout ce qui peut l’être. J’essaie de changer en même temps que le marché. Je ne veux pas être un de ces types qui répètent inlassablement la même chose chaque année même si le marché a clairement évolué.

Le monde change et vos visions doivent changer avec. Ne vous entêtez pas. Comme le dit Biggs : "réussir en investissement est comme faire du vélo — soit vous continuez à avancer, soit vous tombez".

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