La Chronique Agora

Le politique doit-il vouloir votre bien ?

Benoit Hamon - être heureux - twitter tweet

La première fois que je me suis retrouvé dans un isoloir, c’était pour les législatives de 2002. Comme je voulais le bien de mes concitoyens et que je pensais à ce titre être dans le camp des gentils, j’ai glissé dans l’urne un bulletin qui affichait le nom d’un candidat soutenu par Jean-Pierre Chevènement. Pour moi, l’équation gauche = camp du bien était à l’époque un axiome incontestable.

Deux ans plus tard, j’ai débarqué à Sciences-Po Strasbourg où, après une hypokhâgne au Lycée du Parc, je me suis retrouvé avec pas mal de temps libre. C’est à cette époque que j’ai commencé à lire beaucoup de blogs.

Les libéraux ne veulent pas votre bien

I like your style tient une très bonne place dans la kyrielle des pépites de la blogosphère qui ont contribué à ébranler mes convictions d’alors. J’ai mis un certain temps à comprendre le sens du slogan qui figurait sur le bandeau du blog :

Plusieurs années avant que je ne découvre les auteurs classiques, je découvrais le libéralisme sans le savoir. Cette philosophie politique ne prétend effectivement pas faire de vous un homme heureux. Il s’agit simplement de vous donner les moyens de le devenir alors que l’État a pour rôle de garantir votre liberté, charge à vous d’en assumer la responsabilité, c’est-à-dire les conséquences de vos actes.

Libéralisme et constructivisme social

A l’opposé de cette philosophie, on trouve des partis politiques et des associations qui eux, savent ce qui est bon pour vous et veulent vous modeler, voire vous construire à l’image de leur idéal. Ces constructivistes sociaux pullulent en particulier à l’extrême gauche et à la gauche du spectre politique mais… ils sont également très présents à sa droite et à son extrême droite.

Ainsi, du côté de la France Insoumise de monsieur Mélenchon, on prétend être « les descendants des gentils, des doux, des solidaires, des préoccupés des autres ». Comme on se préoccupe vraiment de vous, on vous invite à participer à la rédaction du programme du Champion. A lire la « Synthèse des 1 600 premières contributions programmatiques », on comprend que l’exercice tient lieu de lettre au Père Noël pour plus de 18 ans.

Voici donc l’hypothèse d’Olivier Besancenot définitivement confirmée.

Quel est l’objectif annoncé ? Rien de moins que de faire de vous un homme heureux filant des « jours heureux ». Si la recette qui permet d’arriver à un tel résultat vous est inconnue, je vous la donne en mille : une dose de Mélenchon le matin, une dose de Mélenchon le soir et un petit tour de « péniche insoumise » pendant trois jours, et vous ne manquerez pas de retrouver « le goût du bonheur » !

Si ce discours vous semble un peu trash, accrochez-vous parce que vous n’avez encore rien vu. A côté de Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon passerait presque pour quelqu’un de sérieux. La stratégie du candidat du Parti socialiste pour la présidentielle reposait sur le principe suivant : en refusant de voir l’inquiétante réalité telle qu’elle est, le futur en deviendra désirable.

Autrement dit, en fermant les yeux et en y pensant très fort, Benoît Hamon nous promet que la réalité peut se soumettre à nos fantasmes, nous rendant alors « invincibles ». C’est seulement à ce moment-là que « battra le cœur de la France » (un autre élément de langage du PS), c’est-à-dire que les Français seront véritablement heureux.

Quoi dire ? A part que l’équipe de campagne de Benoît Hamon me donne l’impression d’avoir testé la légalisation du cannabis sur elle-même, je ne vois pas trop… Je me permettrais simplement de leur rappeler ce propos de l’écrivain américain de science-fiction Philip K. Dick : « la réalité, c’est ce qui ne disparait pas quand on arrête d’y croire. »

Jusqu’où l’État s’immiscera-t-il dans votre vie privée ?

Ces tweets restent des déclarations très générales, mais on pourrait décliner pléthore d’exemples précis. J’avais évoqué dans un précédent article les velléités des Jeunes socialistes à réguler votre sexualité pour que vous vous en trouviez plus heureux.

Benoît Hamon, lui, avait pour ambition lors de la campagne présidentielle de « fabriquer un citoyen sportif » sur la période 2017-2022.

Mais cela bien sûr, c’est pour votre bien : « la fabrique du citoyen sportif que je porte dans mon projet peut être un facteur de réussite scolaire, de lutte contre le décrochage et un vecteur de cohésion sociale favorisant l’engagement citoyen. » Dans la vision socialiste, le citoyen est trop irresponsable pour prendre en charge l’éducation sportive de ses enfants, l’État se doit d’intervenir.

Où se situe la limite ? Parfois, on se le demande vu que l’État, au travers de ses représentants élus et autres présidents d’université, vous dit même pour qui voter.

Incapable de prendre en charge votre forme physique, vous ne vous imaginiez tout de même pas qu’ils allaient vous laisser penser que vous êtes en mesure de voter en citoyen responsable ? Vous voilà définitivement infantilisé…

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