La Chronique Agora

La divergence dans la politique monétaire soutient toujours le dollar… mais pour combien de temps encore ?

dollar - dette US

▪ C’est à peine si les marchés financiers discutent encore des prévisions dominantes pour 2016 : la divergence dans la politique monétaire des deux côtés de l’Atlantique et du Pacifique se poursuivra. Alors que la Fed a déjà fait un premier pas vers une normalisation de la structure des taux d’intérêt, la BCE et la Banque du Japon poursuivent leur politique monétaire ultra-expansive.

D’un côté les taux montent… des deux autres, ils restent près de 0%. Par conséquent, les traders s’attendent à de gros mouvements financiers de l’euro et du yen vers le dollar et, logiquement, les positions longues en dollar ont considérablement augmenté aux dépens des positions courtes en euro. Il est d’ailleurs surprenant que le taux de change n’ait pas déjà atteint la parité.

Les Etats-Unis sont l’économie la plus fortement endettée du monde

C’est que l’examen des relations commerciales et des relations débiteurs/créanciers dans le monde donne une vision des choses très différente. Les Etats-Unis sont l’économie la plus fortement endettée du monde, la position nette d’investissement à l’étranger continue de baisser et atteint déjà 7 000 milliards de dollars dans le rouge par rapport au reste du monde. Autant dire que le dollar aurait déjà dû subir une dévaluation, et que les carry traders prennent de gros risques. On peut s’en rendre compte à la lecture des nouvelles publications publiées par le BEA.


Cliquez pour agrandir les graphiques

▪ Une économie qui est loin d’être exemplaire
La dette extérieure nette des Etats-Unis devient de plus en plus un problème fondamental. Les nouvelles statistiques du BEA montrent que, fin du troisième trimestre 2015, les Etats-Unis affichent une dette extérieure nette de 7 270 milliards de dollars (graphique de gauche), alors qu’elle n’était que de 6 743 milliards de dollars trois mois auparavant.

A ce stade, les Etats-Unis ont, dans le monde, plus de dettes (ligne jaune) que d’actifs (ligne bleue). L’investissement à l’étranger s’élève à 23 312 milliards mais le montant des passifs est de 30 582 milliards de dollars. Les fluctuations mineures sont dues principalement à la variation des parités. Depuis le début 2008, le montant net du passif vis-à-vis de l’étranger a sextuplé, ce qui en fait l’économie la plus endettée au monde… et avec ça, le dollar américain est loin d’être un refuge sûr !

Le présumé rôle des Etats-Unis comme moteur de l’économie mondiale n’est pas évident, au moins au regard du commerce extérieur

Le présumé rôle des Etats-Unis comme moteur de l’économie mondiale n’est pas évident, au moins au regard du commerce extérieur. Une économie où la dette publique est la plus élevée au monde, qui a le plus fort déficit du compte courant et la dette extérieure la plus élevée du monde ne peut pas être une économie "exemplaire".

Sur les marchés des changes, une monnaie avec de tels fondamentaux inspirerait la méfiance, surtout si elle se mettait à s’apprécier par rapport aux autres monnaies.

Devant la menace de dévaluation, les marchés demanderaient un taux d’intérêt supérieur par rapport à d’autres monnaies avec de meilleurs fondamentaux, cette prime servant à compenser le risque de dévaluation.

Bien sûr, il y a beaucoup à dire sur l’euro, mais le rapport dette publique/PIB est inférieur à celui des Etats-Unis, la balance commerciale est en excédent, et l’investissement à l’étranger équilibre, à peu près, la dette extérieure. Comme le montrent les nouveaux indicateurs avancés, la croissance laisse à désirer et les marchés du travail doivent être améliorés dans les deux régions.

Ainsi, nous nous approchons en 2016 d’une situation ou les marchés de devises ne considéreront plus les prévisions sur l’évolution des taux d’intérêt comme le facteur d’influence le plus important sur les taux de change ; elles seront remplacées par les prévisions sur les données fondamentales de l’économie. Ensuite, c’est ce qui justifiera l’écart d’intérêts servis entre deux monnaies, censé protéger contre une dévaluation. C’est surtout dans la seconde moitié de 2016 que la divergence entre la politique monétaire des Etats-Unis et celle de la Zone euro sera moins importante qu’actuellement prévu.

▪ Conclusion
A l’heure actuelle, les cambistes sont presque tous longs en dollar US et courts en euro car la plupart anticipent une hausse des taux d’intérêt aux Etats-Unis et une continuation de la politique des taux d’intérêt zéro de la BCE dans la Zone euro. Ces positions présentent un haut niveau de risque car elles ne tiennent pas compte des fondamentaux.

Une hausse significative des taux d’intérêt américains et une politique vraiment restrictive de la Fed ne sont pas imminentes pourtant. Sur les marchés des devises, les contrats pariant sur une dévaluation de l’euro et sur une réévaluation du dollar atteignent un niveau record. Le dollar américain n’est pas "un refuge sûr" ! Les placements en titres américains sont un investissement risqué. Les données fondamentales indiquent une parité dollar/euro à 1,20 d’ici un an.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile