La Chronique Agora

Poker menteur sur les marchés

** Hourra pour Topolanek !

* Vous n’avez jamais entendu parler de lui ? Nous non plus avant hier matin. Mais dans les journaux — sur la première page du Financial Times, notamment — nous avons découvert deux choses extraordinaires. Topolanek est le Premier ministre de la République tchèque (et, incidemment, le président de l’Union européenne). Et il a une carte routière extrêmement précise.

* "Les Etats-Unis répètent les erreurs des années 30", dit-il, "avec des plans de relances très larges, des tendances et des appels protectionnistes, la campagne ‘Achetez américain’ et ainsi de suite. Toutes ces étapes, leur combinaison et leur permanence, tracent un chemin vers l’enfer".

* Nous avons dit la même chose. De nombreuses fois. Mais nous sommes surpris de voir le président de l’économie la plus grande et la plus riche du monde — l’Europe — l’affirmer aussi. Ca nous a fait drôle… bizarre… comme si nous n’étions pas seul au monde, finalement… comme si nous avions un ami. Et un ami haut placé.

* Enfin, il était haut placé cette semaine. Il a été victime d’un vote de censure du Parlement tchèque mardi… ce qui a causé un certain émoi à Bruxelles. Personne ne sait comment fonctionne le gouvernement central européen — et certainement pas les Européens.

* Pour autant que nous puissions en juger, cependant, c’est un système plus sain que celui des Etats-Unis. La présidence tourne… chaque pays membre ayant droit à six mois de présidence. Si bien que lorsque le président de l’Union européenne dit quelque chose, on peut l’ignorer ; il sera parti avant que les choses tournent au vinaigre.

* Pendant ce temps, la Banque centrale européenne semble être du même avis que son président.

* Alors que d’autres banques centrales impriment toujours plus de devises pour aider à renflouer leurs économies, la BCE semble à peine y prêter attention. Contrairement aux banques centrales de Grande-Bretagne, du Japon et des Etats-Unis, elle n’a pas abaissé ses taux jusqu’au zéro… et elle n’imprime pas d’argent. L’économie sortira de la crise plus rapidement si la banque reste ferme dans ses objectifs long terme d’argent sain et de taux d’intérêt stables, déclare le président de la BCE, Jean-Claude Trichet.

* Eh bien… hourra pour Trichet aussi !

** Aux Etats-Unis, les renflouages louches se succèdent plus vite que les présidents européens. Mais ils deviennent de plus en plus malins — et cachent de mieux en mieux leur jeu.

* L’idée derrière les programmes de renflouage est toujours la même — mettre les pertes sur le dos de quelqu’un qui ne les mérite pas.

* Evidemment, les cambrioleurs enjoignent de ne pas poser de question ; c’est une urgence nationale ! Mais lorsque les cambriolés — les contribuables — voit ce qu’on fait réellement avec l’argent des renflouages, ils s’énervent un peu. Les cambrioleurs ont donc trouvé un nouveau plan — un partenariat public/privé qui permet de faire croire que le secteur financier aide à se renflouer lui-même. Enfin, les autorités vont amener le secteur privé à leur botte… et forcer les gens qui ont causé la crise à nous aider à en sortir. Désormais… les investisseurs et le gouvernement travailleront ensemble, en toute égalité, pour résoudre ce problème. Si vous y croyez, c’est que vous êtes Tom Friedman. Qui est un crétin.

* Inviter les investisseurs à participer semble une bonne idée sur le papier, mais que se passe-t-il vraiment ? Les pertes sont les pertes. Pourquoi les investisseurs en voudraient-ils une part ?

* Bien entendu, ils n’en voudraient pas… sauf si on les payait.

* Le public en a assez des renflouages. Les autorités ont donc déguisé le dernier en date en plan d’investissement. Les lumpen-pigeons sont invités à imaginer que les capitalistes vont désormais aider à résoudre le problème qu’ils ont causé, comme on pouvait le lire dans la presse française. Ils se font des illusions en croyant que les investisseurs vont acheter de leur plein gré des positions perdantes… et en faire, d’une manière ou d’une autre, des positions gagnantes. "Gagnant… gagnant… gagnant" — c’est ce qu’ils aimeraient croire.

* Sauf que dans le cas présent, on joue au poker. Pour chaque gagnant, il y a un perdant. Et le gros joueur qui vient d’entrer dans la partie est un véritable rêve pour tous autres les joueurs. Il est presque infiniment riche et infiniment stupide. Avant que la soirée ne se termine, les investisseurs l’auront plumé.

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