La Chronique Agora

Point après la crise japonaise : les niveaux à surveiller sur le Dow Jones

Ne soyons pas trop impatients d’investir

Bonjour,

▪ Après la chute historique du Nikkei, qui a entraîné celle des marchés américains et européens, faisons le point sur l’un des indices le plus scruté au monde : le Dow Jones. Regardons tout d’abord la situation de long terme avec ce graphique en données hebdomadaires :

 

▪ Un peu de recul : une correction était attendue… mais pas de cette ampleur
Tout d’abord, soyons clairs. Depuis la fin janvier (et surtout la mi-février), je voyais un risque de correction significatif sur les indices, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe.

Sur le Dow Jones, nous étions en haut d’un canal ascendant, comme vous le voyez sur ce graphique. L’indice est allé buter sur la résistance horizontale majeure à moyen terme, à 12 700 points, correspondant aux anciens plus hauts de février 2007 et plus bas d’août 2007. Nous serions donc peut-être, d’après la théorie elliottiste, en fin de vague 5, initiée depuis 2009.

Sur le CAC ou le S&P, nous avions également une figure de type biseau ascendant caractéristique de cette vague.

La correction s’est mise en place en février : tous les éléments techniques étaient réunis comme je vous le disais dans mon billet du 21. Une première vague de correction à court terme sur les indices américains et européens s’est donc ainsi mise logiquement en place jusqu’à lundi dernier. Pour autant, à ce moment-là, un rebond à court terme commençait à apparaître avec des éléments concordant sur les indices.

Sans les événements exceptionnels au Japon, et surtout les développements du risque de catastrophe nucléaire à partir de mardi, nous aurions probablement eu un rebond sous forme de pullback contre l’ancien biseau ascendant sur le CAC ou le S&P. Le scénario à moyen terme était pour moi limpide. Sauf que, sur le court terme, il était impossible d’envisager une baisse si rapide (et sans rebond technique !) de l’indice japonais puis des indices US et européens.

▪ La force des indices américains
Contrairement à l’indice japonais ou au CAC, ce qui me frappe le plus, c’est l’impressionnante force (relative) des indices américains (et notamment du Dow Jones) par rapport à ses principaux homologues.

Là où le Nikkei a quasiment testé ses plus bas de 2009 et où le CAC a presque retracé la progression depuis novembre 2010, les indices américains continuent à donner des signes de force en restant au-dessus de leurs plus hauts d’avril 2010 (l’équivalent des 4 080 points sur le CAC !).

On peut s’en étonner : les deux géants économiques japonais et américains ont de forts liens. Nos indices européens ne surréagissent-ils pas un peu ? Regardons le Dow Jones en graphique journalier pour tirer cela au clair :

▪ Dans l’immédiat : mini-rebond dans une configuration négative
Comme vous le voyez, la correction récente a été à peu près deux fois moins importante que sur nos indices européens. Le Dow Jones ne teste pas du tout les mêmes niveaux mais les enjeux n’en sont pas moins importants.

Désormais, la configuration est négative à moyen terme tant que nous sommes sous les 12 700 points (ou sous les récents plus hauts à 12 390 points). Le RSI confirme d’ailleurs cette idée et reste sous le niveau des 41, à la fois ancien support oblique et horizontal qui constitue désormais une résistance stratégique.

Mais, à court terme, nous sommes revenus en bas de canal, ce qui veut dire que vous devez vous attendre à un petit rebond.

– 11 450 points : pour un rebond court terme
L’indice américain est revenu proche des 11 450 points — le premier niveau de support significatif à court terme. Il correspond aux anciens plus hauts de novembre 2010, et pourrait permettre un rebond important du marché à court terme.
– 11 250 points : niveau majeur à surveiller 
Juste au-dessous, on trouve les 11 250 points, ancien plus haut d’avril 2010. Ce niveau est proche du bas de canal en cours depuis juillet 2010 (support majeur donc) et de la moyenne mobile à 144 jours qui avait bien fonctionné en février 2010. Ce niveau est donc triplement important, et c’est le niveau à surveiller. Il sera déterminant pour confirmer la nature de la correction en cours à moyen terme.

Un rebond est donc probable sur le Dow Jones dans cette zone des 11 250/11 450 en direction au minimum des 12 000 points. Ce niveau désormais résistance sera important à surveiller à court terme. En cas d’échec à dépasser ce niveau, vous jouerez le repli jusqu’au bas du canal. Si on arrive à le dépasser, nous irions sans doute tester les 12 390 points, avec à la clé probablement un échec et une reprise de la correction.

Depuis quelques semaines, nous sommes dans un marché beaucoup plus volatil, et cela pourrait être le cas pendant de long mois.

Cela n’empêchera donc pas les rebonds — qui seront tout aussi violents que les vagues de baisse. Je vous recommande de rester prudent dans ce marché, même si il devrait y avoir de nombreuses opportunités pour le trader de court terme !

Si vous voulez discuter de tout cela, sachez que je serai présent au Salon de l’Analyse Technique vendredi 25 et samedi 26 sur le stand Agora/MoneyWeek.

Première parution dans le Billet du Trader du 21/03/2011.

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Des cygnes noirs… des cygnes blancs… et de grands oiseaux moches et méchants

Bill Bonner

 

▪ Le temps est magnifique, à Paris. Le soleil brille. Les gens sont de retour sur les terrasses de cafés. Les arbres et les fleurs commencent à bourgeonner et s’épanouir. Le début du printemps à Paris peut être délicieux… ou horrible. Le touriste avisé met un bon pull et un manteau… et espère qu’il n’en aura pas besoin.

Se préparer au pire, espérer le meilleur, telle est notre devise non-officielle, à la Chronique Agora.

Warren Buffett est le dernier en date à suivre notre Transaction de la Décennie — au moins la moitié. Warren aime le côté « achat ». Achetez le Japon, dit-il. C’est bon marché.

Mais attention, Warren : le yen n’est pas donné. Vous pourriez gagner sur les actions… et perdre sur la devise.

Voilà pourquoi nous avons couvert les deux côtés, dans notre Transaction. Achetez les actions japonaises, vendez les obligations japonaises. Et préparez-vous à attendre.

La recommandation de Warren est typiquement positive et optimiste. Il pense que le pire est passé au Japon. Il espère… et attend… des temps meilleurs. Les actions japonaises sont une bonne affaire, dit-il. Vous en avez pour votre argent. Les choses vont s’améliorer.

Notre point de vue n’est pas exactement cynique, mais selon nous, les désastres ne sont pas terminés au Japon. Nous nous préparons pour le prochain.

« Quoi donc ? » nous a demandé un collègue français stupéfait. « Ils ont eu le plus grand séisme de tous les temps… le plus grand tsunami de tous les temps… et un désastre nucléaire. Qu’est-ce qui pourrait arriver de plus… une météorite géante ? »

▪ Notre ami Nicholas Taleb a fait passer le terme « cygne noir » dans le langage courant. Ils sont très nombreux, dernièrement : on est encore en train de se remettre des émotions causée par un cygne noir qu’un autre est déjà en train de vous becqueter l’arrière-train. Il semble y en avoir tout un vol.

Un journaliste a récemment demandé à un célèbre analyste : « quels cygnes noirs voyez-vous à l’horizon ? » Les lecteurs de la Chronique reconnaîtront tout de suite l’absurdité d’une telle question. On ne peut pas anticiper un cygne noir. Il ne se présente pas comme un problème possible à l’horizon. On ne peut pas le voir. Il arrive plutôt comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, un problème qu’on était très loin d’imaginer.

A présent, le monde entier perd son temps à chercher d’autres cygnes noirs dans les roseaux.

Ils feraient mieux d’examiner les plumes des oiseaux immaculés qui se trouvent devant nous. Ce sont des imposteurs. Ce sont des faux. Ce sont des répliques de cygnes blancs. En réalité, ce sont des cygnes gris assez laids… avec un sale caractère et une propension à de soudains accès de violence.

Que voulons-nous dire par là ?

Très bonne question, merci de l’avoir posée.

Prenez le « QE2 », par exemple… qui nage en rond… avec une toute nouvelle couche de peinture blanche. Voici ce qu’en dit Bloomberg :

« Durant son témoignage, Bernanke pourrait montrer à Ron Paul comment le QE2 fonctionne sur les marchés. La prochaine fois que le président de la Réserve fédérale Ben S. Bernanke apparaîtra devant le Congrès US, voici quelques aides visuelles qu’il pourrait utiliser pour montrer à ses détracteurs que l’assouplissement quantitatif fonctionne : l’indice boursier Standard & Poor’s 500 a grimpé de 18% depuis qu’il a déclaré, le 27 août dernier, que de nouveaux rachats d’actifs pourraient être nécessaires. La prime sur les obligations à risque et rendement élevés s’est réduite à 5,16 points de pourcentage, contre 6,81 auparavant, selon des données de Bank of America Merrill Lynch. Les attentes d’inflation ont grimpé de 44,4%. Le taux de chômage a chuté à son niveau le plus bas en près de deux ans. Voilà qui devrait en remontrer à l’affirmation de Sarah Palin, candidate à la vice-présidence républicaine en 2008, selon laquelle cette ‘expérience dangereuse’ ne ‘réparerait pas les problèmes économiques par magie’. »

Peut-être que Bloomberg fait de l’ironie. Ou peut-être pensent-ils vraiment que le QE2 est un grand succès. Mais la hausse des attentes d’inflation n’est pas nécessairement une bonne chose.

Oui, les actions sont en hausse. Oui, il en va de même pour les junk bonds. Injectez 100 milliards de dollars par mois, vous ne pouvez que vous attendre à ce qu’il arrive quelque chose. Mais ce que nous voyons, c’est une augmentation de la spéculation — et quelques rebonds sur le sol dur d’une Grande Correction. Eh oui, le chômage tel que mesuré par le département de l’Emploi US est revenu à son niveau le plus bas « en près de deux ans ». Mais 2009 n’était pas franchement une bonne année pour l’emploi. Il y a toujours sept millions d’emplois en moins aux Etats-Unis aujourd’hui qu’avant les débuts de la Grande Correction en 2007.

Pas d’emplois, pas de revenus. Pas de revenus, pas d’achats. Pas d’achats, pas de vraie croissance dans l’économie de consommation.

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La radioactivité des taux portugais et irlandais explose : une évacuation des lieux s’impose

Philippe Béchade

 

▪ Mardi matin, nous avons assisté très tôt à la fantastique accélération haussière du Nikkei en seconde partie de séance ainsi qu’à une envolée de 4,5% de la Bourse de Tokyo. Nous avons cru que l’opérateur de la centrale de Fukushima avait annoncé l’amorce d’un lent mais salutaire refroidissement des réacteurs.

Une toute petite amélioration de la situation, une légère baisse du taux de contamination auraient effectivement pu justifier l’amélioration du « sentiment » des investisseurs. Mais les heures qui ont suivi ont hélas démenti ce genre d’espoir.

Il ne restait, pour expliquer le rebond des actions japonaises, que des raisons plutôt techniques. Nous pensons notamment à des achats de rattrapage après un week-end de trois jours (célébration de l’équinoxe) ou encore des débouclements de positions vendeuses en fin de journée. Ce qui a créé une sorte de corner qui ne préjugeait en rien d’une poursuite du mouvement mercredi matin.

▪ L’emballement à la hausse n’était pas de mise à la reprise des cotations en Europe. En effet, les indices avaient fini par poursuivre sur leur lancée de lundi, gagnant 0,5% supplémentaire. Juste de quoi permettre au CAC 40 ou à l’Euro Stoxx 50 de tester d’importants seuils de résistance technique (moyenne mobile à 100 jours, effacement de 50% des pertes subies entre le 18 février et le 18 mars).

La seconde partie de séance fut moins glorieuse. Wall Street prenait rapidement le chemin de la consolidation — un scénario plutôt classique après trois séances de forte hausse, dont 1,5% la veille.

A la mi-journée, les indices américains reculaient de 0,4% en moyenne. De nombreuses firmes industrielles ou technologiques vont être impactées par le ralentissement des exportations de composants automobiles et électroniques en provenance du Japon.

Même genre d’écarts à Londres et Francfort (-0,5%) ainsi qu’à Paris (-0,3%) tandis que Madrid et Milan clôturaient en hausse symbolique. L’Euro Stoxx 50, quant à lui, s’est effrité de 0,2%.

Rien d’inquiétant à première vue. D’autant que les volumes de titres échangés continuaient de se contracter. Le VIX — l’indice du stress associé au S&P — a reculé de 2%, jusque sur le seuil des 20 (contre 31,5 il y a très exactement une semaine).

Mais voilà, nous ne partageons pas la sérénité des commentateurs qui voudraient nous convaincre que les marchés ont presque fini de digérer le drame japonais et l’intervention militaire en Libye. Si une normalisation était perçue comme imminente, nous n’assisterions pas à une remontée en flèche du pétrole (2%) qui rejoint ses plus hauts annuels à 105 $.

▪ Tout semble se compliquer sur le plan politique au Moyen-Orient. Des dissensions se manifestent au sein de la coalition internationale, y compris au sein de la Ligue Arabe, concernant les moyens et les objectifs poursuivis. Sans compter l’épineuse question de l’autorité chargée d’assurer la coordination des forces en présence.

Chacun y va apparemment de son bombardement. Américains, Canadiens, Anglais, Français et Belges se relaient de jour comme de nuit dans le ciel libyen. Mais il n’y pas vraiment de pilote aux commandes de cette force multinationale. Qui décide de quoi en dernier ressort ?

Ces incertitudes ont commencé à saper la confiance affichée par les marchés mardi. D’autant que l’affaire libyenne occulte d’autres situations tendues en Syrie et au Yémen.

▪ Et que dire de la Côte d’Ivoire ? Le président Gbagbo mobilise de nouveaux partisans qui présentent toutes les caractéristiques de milices prêtes à en découdre dès que le signal de la guerre civile à outrance sera envoyé. Le premier producteur au monde de cacao pourrait devenir un enfer où plus aucun acheteur occidental n’osera s’aventurer.

Encore un drame humain affectant plusieurs ethnies et qui pourrait se transformer en guerre affectant une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest et de la zone subsaharienne. Toutes les cartes géopolitiques valables en 2010 pourraient être complètement rebattues d’ici 2012 dans un vaste quart nord-est du continent africain. C’est sans précédent depuis 50 ans !

Dans l’immédiat, c’est la centrale en perdition de Fukushima qui continue de mobiliser l’attention des marchés. Elle reste victime d’épisodes de surchauffe alarmants des réacteurs et continue de rejeter des fumées radioactives qui sont désormais emportées vers le sud (Chiba ou Tokyo). Les autorités sanitaires nippones mettent une nouvelle fois en garde concernant l’agriculture et la pêche.

▪ Le seul véritable rayon de soleil dans cette actualité plutôt sombre provient de l’accord sur l’extension du Fonds de soutien aux pays en difficulté de la Zone Euro, le MES. Mais il ne rentrerait pleinement en vigueur qu’en 2013. Or c’est la période 2011/2012 qui peut poser problème.

Comble de malchance, le taux des emprunts d’Etat irlandais à deux ans s’est envolé soudainement mardi, allant jusqu’à frôler la barre des 10% (9,88% contre 8,95% la veille). Ce résultat est la suite d’une rumeur démentie selon laquelle la banque Allied Irish Banks (AIB) n’aurait pas honoré un paiement d’intérêts sur sa dette.

Histoire de ne pas être en reste, les taux portugais à 10 ans grimpaient à 7,34% contre 7,25% lundi soir. Ils ont atteint en séance un nouveau plus haut historique depuis l’entrée du pays dans la Zone euro. Il faut se souvenir que le franchissement du seuil des 7% avait suffi aux marchés pour considérer que la Grèce était au bord du défaut de paiement, il y a presque un an jour pour jour.

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Ne soyons pas trop impatients d’investir

Chris Mayer

 

▪ En 1992, je suis tombé sur un petit livre intitulé The Art of Contrary Thinking [« L’art de la pensée contraire », NDLR.] écrit par un homme dont je n’avais jamais entendu parler, Humphrey B. Neill. Je n’avais que vingt ans à l’époque mais ce livre m’a fortement marqué. Aujourd’hui encore je possède cet ouvrage et je le ressors et le feuillette lorsque je sens que je ne peux plus faire face à la pression de l’opinion des masses.

Si vous ne connaissez pas Neill, vous allez avoir une bonne surprise. Il était le genre de penseur de l’investissement qui se fait toujours trop rare. Né en 1891, Neill est décédé en 1977 à l’issue d’une longue croisade contre l’uniformité de la pensée. Il a eu une vie bien remplie. Ancien soldat dans l’armée américaine, il participa à la traque du révolutionnaire mexicain Pancho Villa. Plus tard, il servit comme lieutenant sous les ordres du général John « Blackjack » Pershing lors de la Première Guerre mondiale. En ce qui nous concerne, sa plus grande contribution fut en tant que père de l’opinion contrarienne.

Neill exerçait son métier loin de Wall Street. Il vivait dans une vieille ferme du XVIIIe siècle dans le hameau de Saxtons River, dans le Vermont. Elle appartenait à sa famille depuis 1828. A proximité, il possédait une vieille grange où s’entassaient des piles entières de livres et de journaux économiques. C’est dans cette campagne isolée, au bord d’un petit ruisseau, qu’il méditait sur les marchés du jour et notait ses pensées à l’intention des abonnés de sa newsletter, Neill’s Contrary Opinion.

Voici comment il débute une lettre, écrite seulement 10 mois après le krach de 1929 :

« J’écris en ce moment à l’ombre d’un érable vieux de 125 ans et peux voir au travers de ses branches épaisses les verts pâturages qui s’étendent au-delà. Une délicieuse maison, vieille d’un siècle et une grange à proximité apportent d’une certaine façon une philosophie tranquille et une perspective apaisante sur les problèmes de Wall Street. On a besoin de régulièrement s’éloigner afin de se rendre compte que les fluctuations de marché ne sont pas les choses les plus importantes dans la vie ».

Neill choisit comme nom de plume « The Vermont Ruminator » (le Penseur du Vermont), en référence à son passage préféré dans l’oeuvre de Charles Dickens Les papiers posthumes du Pickwick-Club. Tout comme Neill, M. Pickwick aimait « méditer sur l’étrange mutabilité des affaires humaines ».

Le principal objectif de Neill était d’amener ses lecteurs à remettre en question le consensus. Impitoyablement, il recherchait les hypothèses incontestées, étudiait ce qui était pris pour acquis et renversait les conventions. Il se méfiait des foules, parce que l’histoire financière regorge de manies et de krachs qui ne peuvent avoir lieu que lorsque beaucoup de personnes se mettent à boire à la même bouteille. Comme il l’écrivait :

« Dans la mesure où il est impossible de prévoir avec précision les réactions de la foule, il est intéressant d’examiner l’opposé de ce qui apparaît probable. La foule s’est tellement trompée, tellement de fois… qu’il est essentiel d’examiner le côté insoupçonné de toutes les questions et de toutes les prévisions ».

Dans son livre et ses lettres, Neill accumulait les preuves, citant des prévisions qui s’étaient révélées fausses au final et des exemples historiques de la folie des foules. Il aimait fouiner dans les vieux livres et partager les idées de penseurs encore plus obscurs sur le comportement des foules, citant les travaux de Gustave Le Bon, Gabriel Tarde et d’autres. La plupart des gens sont prompts à se conformer et réticents à se différencier. Neill voulait renverser cette tendance.

Une longue liste de sommités et de poids lourds de Wall Street ne jurèrent que par ses conseils. Neill écrivit sa dernière lettre en décembre 1974, à 84 ans. Il est parti sur une note optimiste, annonçant la fin du marché baissier qui avait réduit le cours des actions de moitié. A l’époque, il fallait être cinglé pour professer une telle opinion. Mais il avait raison. En 1975, le S&P 500 a augmenté de 54%. Il n’y en a plus beaucoup comme ce vieux Neill.

▪ « Investors Intelligence signale dans ses enquêtes d’opinion 52,2% de haussiers ; ils ne sont que 22,3% dans le camp baissier », observe l’économiste David Rosenberg. En revanche, en août dernier, juste au moment où le marché était sur le point de s’engager dans un mouvement à la hausse important, les sondages menés par Investors Intelligence montraient qu’ils n’étaient que 29,4% de haussiers et 37,7% de baissiers. Clairement, le sentiment haussier reste prédominant. Ceci n’est pas un signal constructif pour l’ensemble du marché.

En même temps, les risques macro-économiques et géopolitiques augmentent. Par conséquent, aujourd’hui ce pourrait être le bon moment pour mettre un peu de cette pensée contraire en action et se montrer prudent. Ne soyons pas trop impatients d’investir notre argent frais.

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