La Chronique Agora

Plus grave qu’une récession ?

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L’effondrement du marché immobilier américain pourrait-il faire passer l’économie de la récession à… quelque chose de bien pire ?

Le Daily Mail s’interroge :

« L’Amérique est-elle au bord d’un effondrement des prix du logement ? Les prix pourraient s’effondrer de 20%, et les biens immobiliers sont actuellement surévaluées de 72%, selon un expert.

Boise (Idaho), Charlotte (Caroline du Nord) et Austin (Texas) sont les trois régions les plus surévaluées des Etats-Unis, selon Moody’s Analytics.

Moody’s a constaté que 183 des 413 plus grands marchés immobiliers régionaux du pays sont ‘surévalués’ de plus de 25%.

En cas de récession, les prix des logements dans ces 183 régions pourraient chuter de 20%, selon Moody’s.

S’il n’y a pas de récession, ils chuteront tout de même de 10 à 15%, estiment les analystes, faisant écho à d’autres experts.

L’inventaire du marché est à son plus haut niveau depuis avril 2009, les vendeurs luttant pour se débarrasser de leurs biens en raison du renchérissement des prêts hypothécaires. »

La semaine dernière, les investisseurs ont été surpris par le ton direct et lucide des remarques de Jerome Powell à Jackson Hole. On aurait presque pu croire que le patron de la Fed avait retrouvé la raison :

« La désinflation réussie de Volcker au début des années 1980 a fait suite à de multiples tentatives infructueuses de réduire l’inflation au cours des 15 années précédentes. Une longue période de politique monétaire très restrictive a finalement été nécessaire pour endiguer l’inflation élevée et commencer à ramener l’inflation aux niveaux bas et stables qui étaient la norme jusqu’au printemps de l’année dernière. Notre objectif est d’éviter ce résultat en agissant maintenant avec détermination… » 

Powell nous dit – haut et fort – qu’il a l’intention de « faire comme Volcker ».

Nous nous attendions à ce qu’il dise cela. Et nous ne le croyons toujours pas.

Boucler la boucle

Au bout du compte, la Fed finira par céder sous la pression des demandes de « pivot » vers une politique monétaire plus souple. Mais c’est encore loin dans l’avenir ; aujourd’hui, nous examinons où pourrait se situer « l’impulsion ».

Rappelez-vous, c’est « l’inflation ou la mort ». Depuis les années 1990, les marchés – et l’économie – sont tombés sous le charme de l’économie vaudou de la Fed. Elle a tout gonflé, avec ses taux d’intérêt ultra-bas, sur des périodes ultra-longues. Aujourd’hui, alors que les prix à la consommation augmentent de manière embarrassante, la Fed est obligée de se positionner comme étant un combattant résolu, presque héroïque, de l’inflation.

C’est un rôle assez simple à interpréter pour Powell et ses consorts ; pour l’instant, ils peuvent combattre l’inflation sans faire de victimes. L’emploi reste à des taux élevés. Les actions ont encore de la valeur. Les taux d’intérêt restent bas, l’obligation du Trésor à 10 ans ne rapportant que 3,2% (soit environ 5% de moins que l’inflation). Et les maisons se vendent toujours à des prix proches de leurs sommets.

Jusqu’à présent… tout va bien.

Mais il faut tenir compte de la dette de 90 000 Mds$. Il suffit d’augmenter le coût moyen de détention (dont le taux d’intérêt) d’un seul point de pourcentage pour que le coût pour les débiteurs s’élève à 900 Mds$ supplémentaires par an.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, alors que le bilan de la Fed diminue (la Fed achète moins d’obligations… c’est-à-dire qu’elle fait du QT, ou quantitative tightening), elle continue de prêter aux banques à des taux bien inférieurs à l’inflation des prix à la consommation. Cette situation est essentiellement « inflationniste », car elle encourage les gens à emprunter. Ce n’est qu’en amenant les taux de prêt au-dessus du niveau de l’augmentation des prix à la consommation que la Fed peut contrôler l’inflation.

Avec l’indice des prix à la consommation actuellement de 8,5%, cela signifierait des taux d’intérêt d’environ 10%. S’ils étaient appliqués à l’ensemble de la dette en cours, cela coûterait à l’économie 9 000 Mds$ par an, soit plus d’un tiers du PIB américain total. Cela ne risque pas d’arriver.

Ce qui peut arriver, cependant, c’est que l’augmentation progressive des taux d’intérêt de la Fed plonge l’économie dans une récession plus profonde. Les gens cessent alors d’acheter, les entreprises font faillite, des emplois sont perdus et les prix chutent.

Le plus probable est que nous voyions les deux converger – la hausse des taux de la Fed venant à la rencontre de la baisse des prix à la consommation –, nous laissant avec des taux d’intérêt réels positifs (supérieurs à zéro après inflation).

Mais attendez… ce n’est pas tout.

Des cordes dans les mains

La Fed intensifie également son programme de QT, réabsorbant une grande partie des liquidités qu’elle a injectées dans l’économie. Elle a commencé ce mois-ci à faire disparaître près de 100 Mds$ par mois. En d’autres termes, au lieu d’acheter des obligations, la Fed va les vendre (ou laisser expirer les obligations existantes).

Et c’est ici que la lutte contre l’inflation devient une lutte pour survivre. C’est là que la douleur commence vraiment à se faire ressentir… et que la Fed commence à avoir peur pour elle-même. Car, si la Fed n’achète pas d’obligations américaines, qui le fera ?

Et, si moins d’acheteurs se présentent aux enchères des obligations du Trésor, les prix des obligations vont chuter… et les rendements obligataires vont augmenter. Puis, si les rendements du Trésor augmentent, les taux hypothécaires augmenteront aussi. Bientôt, des foules se formeront – en ligne, ou sur Pennsylvania Avenue, de propriétaires, d’actionnaires, de politiciens, de médias – avec des cordes à la main et Jay Powell en ligne de mire.

Sans la Fed pour acheter des obligations (fournissant plus de liquidités et de crédit…), les emprunteurs devront dépendre des véritables épargnants. Mais le taux d’épargne n’a cessé de baisser depuis la panique du Covid et se situe aujourd’hui autour de 5% – soit moins de 1 000 Mds$ par an. Le gouvernement américain est toujours en déficit et prévoit pour sa part d’emprunter plus de 1 000 Mds$ pour l’exercice 2022.

Vous pouvez faire le calcul. Si toute l’épargne disponible est engloutie par le gouvernement fédéral, les entreprises privées, les collectivités locales et les prêteurs hypothécaires seront privés de crédit.

Ce qui va se passer est quelque chose que nous n’avons pas vu depuis de nombreuses années – une guerre d’enchères, pas pour les maisons… pas pour les actions mêmes… pas pour l’essence… mais pour le crédit qui sera rare.

En effet, la Fed fait au marché américain du crédit ce que les Russes font au marché européen du gaz : couper les approvisionnements. Le prix du crédit va augmenter. Les taux hypothécaires vont augmenter. Les prix de l’immobilier vont baisser… et l’ensemble de l’économie va basculer dans une récession plus profonde.

Nous verrons alors de quoi est réellement fait Jay Powell.

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