La Chronique Agora

Plus de réseau !

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▪ « Plus de réseau ! »

Périodiquement, ce cri éploré retentit par nos bureaux, repris de pièce en pièce par des rédacteurs effarés, des webmasters consternés, des éditeurs éplorés. C’était le cas hier matin.

Il faut savoir que « plus de réseau », ça signifie pas de consultations de journaux sur Internet, pas de cours de Bourse en direct, pas de liaison avec les bureaux à l’étranger… et pas de possibilité d’envoi de votre Chronique.

Panique à bord. C’était à douter de la véracité des affirmations de Bill, pour qui Internet, finalement, ne sert pas à grand-chose

Paralysés, mes collègues se sont égaillés dans le couloir ou rassemblés à la machine à café ; ils sont allés s’en griller une sur le balcon ou ont profité de la situation pour régler quelque problème « en direct », au lieu de passer par l’e-mail.

Votre correspondante, quant à elle, en a profité pour s’isoler un peu du bruit de l’actualité du monde et rédiger ces quelques lignes à votre adresse. Je m’amuse toujours de constater à quel point il suffit de peu pour bouleverser tout le fonctionnement d’une organisation pourtant — à peu près — bien rodée.

Et je m’amuse à peu près autant de constater que, quelques dizaines de minutes plus tard, un nouveau mode de fonctionnement a surgi. L’atmosphère, après l’ébullition du début d’incident, est redevenue studieuse.

Puisqu’il n’y a pas de réseau… « je vais relire ceci », « j’en profite pour régler tel dossier de fond », « voyons-nous pour discuter de cette nouvelle idée », ou, dans le cas de votre correspondante, « je vais rédiger la Chronique de demain, tiens, ce sera toujours ça de fait ! »

▪ Il y a des limites à ce système, bien sûr — j’aurai beau rédiger toutes les Chroniques du monde, si notre plate-forme d’envoi n’est pas remise sur pied, je ne pourrai pas vous les faire parvenir. Mais quand même…

… prise d’un accès d’optimisme, je me suis dit que cette situation représentait assez bien (en plus petit bien entendu) le fonctionnement de l’humanité. Une crise — économique, géopolitique, naturelle — survient.

C’est l’affolement, la désorientation voire la colère ; ce qu’on pourrait appeler la phase aiguë. Elle est grave, indéniablement. Il se produit des catastrophes ; des gens se retrouvent sur le pavé, des entreprises font faillite, des bâtiments s’écroulent. Il arrive qu’il y ait des morts, parfois par millions.

Puis on s’adapte. De nouveaux modes de fonctionnement surgissent. Ils entraînent de nouvelles idées, de nouvelles industries. Un nouveau modèle se dégage lentement du chaos… et la vie continue.

C’est un peu le genre de leçon que j’ai parfois envie de rappeler à nos banquiers centraux, dirigeants politiques et autorités économiques. Par simple pitié, en partie : ce doit être positivement épuisant, de soutenir ainsi le monde à bout de bras. Ils doivent être lessivés. « Laissez aller un peu les choses », ai-je parfois envie de dire. « Ca va s’arranger tout seul ».

Surtout, comme l’expliquait Bill mercredi, les crises et les corrections « éliminent les erreurs… le bois mort… les entreprises faibles… les investisseurs peu doués… les maladroits… et les mutations malheureuses. Ce qui survit est mieux adapté aux conditions actuelles ».

Sans oublier le fait que « rien n’empire éternellement — ce qui devait arriver ‘tôt ou tard’ finit par arriver. Et ce n’est pas joli-joli. En fait, plus on a repoussé et nié la correction, moins c’est joli ».

Actuellement, des choses établies depuis des décennies et que l’on pensait définitivement acquises sont en train d’être bouleversées. De grandes tendances de fond se mettent lentement en place. Ce ne sera pas facile, ce sera peut-être violent… mais vous pouvez être certain d’une chose : ce ne sera pas la fin du monde. Il émergera quelque chose de nouveau — et de plus vigoureux.

Tout comme le fait que, si le réseau ne réapparaît pas aux Publications Agora, je trouverai bien le moyen de vous envoyer cette Chronique. Par pigeon voyageur, peut-être ?

Meilleures salutations,

Françoise Garteiser
La Chronique Agora

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