La modification de la constitution américaine afin que la représentation des Etats tienne compte de leur population diminuerait le poids des Etats conservateurs.
A ma plus grande surprise, la résistance à Trump persiste malgré ses échecs. Je m’attendais à ce qu’elle se serve de tous les outils à sa disposition, mais pas à ce qu’elle s’acharne aussi longtemps ou de façon aussi agressive.
A un moment donné, je pensais que la résistance accepterait sa défaite de 2016 et se tournerait vers les élections de mi-mandat avec de nouveaux visages et de nouvelles idées politiques. Il y a bien de nouveaux visages, mais les idées politiques sont les mêmes : un mélange d’augmentation des impôts, de frontières ouvertes et de renforcement de la réglementation. Les élections de mi-mandat ont donc pris la tournure d’un référendum national plébiscitant le maintien de Trump versus le retour de Nancy Pelosi.
Pour l’instant, la résistance poursuit ses activités, mais Trump fait de même.
Le Sénat compte 51 sièges républicains et 46 démocrates (3 sont vacants). Il reste donc républicain, ce qui était assez facile à anticiper. Le scénario selon lequel les démocrates contrôleraient le Sénat était fortement improbable (nous avions exposé nos calculs à nos abonnés fin octobre). De fait, les investisseurs ont fait leurs calculs aussi et étaient assez sereins en attente du résultat.
En ce qui concerne la Chambre des représentants, c’est une toute autre histoire. La totalité des 435 sièges était remise en jeu.
Précédemment, les républicains contrôlaient la Chambre par 236 sièges contre 193 pour les démocrates, dont six sièges vacants qui ont été attribués. Pour prendre le contrôle de la Chambre, les démocrates devaient donc rafler au minimum 23 sièges aux républicains.
La grande majorité des sondages et des experts prédisait une victoire démocrate à la Chambre.
J’ai toujours pris les sondages et prévisions des médias avec des pincettes : d’une part, parce que la plupart des grands instituts de sondage sont associés à des chaînes de télévision telles qu’ABC, NBC, au Washington Post, au New York Times et autres, penchant lourdement en faveur des démocrates. D’autre part, parce qu’ils basent leurs sondages sur de petits échantillons, ce qui élargit les marges d’erreur.
Au final, les démocrates ont bel et bien gagné la Chambre des représentants, mais avec seulement cinq sièges d’avance sur le minimum nécessaire pour obtenir la majorité. La victoire n’a donc pas été écrasante, et s’est jouée à un fil (ce que nous redoutions en effet : ces élections ont été extrêmement serrées).
Cependant, les choses risquent de changer radicalement.
Avec Nancy Pelosi à la tête de la Chambre, Adam Schiff président du Comité du Renseignement, et Maxine Waters présidente du Comité des services financiers, la Chambre s’engagera frénétiquement dans des enquêtes, auditions, citations à comparaître et autres actions uniquement destinées à écarter Trump de la présidence et à paralyser son gouvernement. La plus notoire de ces mesures sera la procédure de destitution visant Donald Trump.
Elijah Cummings exigera les déclarations d’impôt des sociétés de Trump, ainsi que ses déclarations personnelles, dans le cadre d’une vaste enquête sur les soupçons de blanchiment d’argent russe par des entités appartenant à Trump. Trump résistera certainement, en invoquant le Privilège de Secret d’Etat (« executive privilege« ). Cela créera une animosité durable et engendrera des invectives ainsi que des procès qui pourraient finir devant la Cour Suprême.
Toute décision de la Cour Suprême suscitera des demandes de récusation de Kavanaugh et fera resurgir les diverses allégations le concernant, ainsi que les enquêtes y afférant. La destitution du juge Kavanaugh pourrait d’ailleurs se dérouler parallèlement à celle de Donald Trump.
Conséquence : le rôle de la Cour Suprême serait discrédité et une rupture interviendrait entre les branches exécutives et législatives du gouvernement, ce qui provoquerait la pire crise constitutionnelle depuis le Watergate.
Les démocrates progressistes ont des intentions encore plus radicales que les enquêtes et destitutions décrites ci-dessus. Ils veulent déchirer la Constitution telle qu’elle existe à l’heure actuelle, en considérant que l’Amérique devrait être une démocratie « pure et simple » au lieu de la république qu’elle a toujours été.
Les démocrates sont en faveur du renforcement du nombre de juges à la Cour Suprême afin de nommer des partisans du social-libéralisme ; d’un nombre de sièges sénatoriaux proportionnel à la population (au lieu de deux par Etat) ; de l’intégration de Puerto Rico et du District de Columbia en tant qu’Etats (pour augmenter les sièges démocrates au Sénat) ; de l’abolition du Collège des Grands Electeurs ; et d’un mandat limité pour les juges de la Cour Suprême… entre autres mesures radicales réécrivant la Constitution sans passer par une convention constitutionnelle en bonne et due forme.
Selon le système actuel, lors des élections présidentielles, les électeurs votent pour un nombre spécifique d’électeurs de leur Etat, lesquels doivent ensuite attribuer tous leurs votes à un candidat ou à l’autre, en fonction du parti que les électeurs ont choisi.
Selon le plan Démocrate, le Collège des Grands Electeurs serait supprimé et les présidents seraient élus au suffrage universel, comme en France. Cela signifie que New York et la Californie domineraient la politique nationale, et que les républicains ne pourraient quasiment plus remporter une élection présidentielle.
Voilà la réponse des démocrates à la victoire de Trump en 2016.
Ezra Klein, dans un article paru récemment sur Vox, met le doigt sur ces intentions cachées :
« Il n’est pas difficile d’imaginer une Amérique où les républicains remportent régulièrement l’élection présidentielle bien qu’ils aient rarement la majorité des votes de la population, où ils contrôlent aussi bien la Maison Blanche que le Sénat, alors qu’ils remportent rarement plus de votes que les démocrates, où leur domination à la Cour Suprême n’est pas remise en question, et où tout ce pouvoir est utilisé pour étayer un système de redécoupage des circonscriptions électorales et de lois votées en faveur du financement de campagne par les entreprises, d’exigences strictes concernant l’identité des électeurs et de législations antisyndicales, qui affaiblissent encore plus les performances électorales des démocrates.
Cette description peut paraître étrange, mais elle représente tout simplement le monde dans lequel nous vivons à l’heure actuelle, et part du principe que cela va persister.
Regardez en Caroline du Nord, où les législateurs républicains tentent de modifier la Constitution de l’Etat pour avoir plus de pouvoir sur les élections et les tribunaux. Regardez au Wisconsin, où les républicains de l’Etat ont redécoupé les sièges de la circonscription pour que les démocrates ne puissent pratiquement plus reprendre le contrôle. Regardez Citizens United qui, selon des études, a boosté de 5% les performances électorales des républicains aux élections parlementaires. Regardez en Géorgie, où le candidat républicain au poste de Gouverneur est également secrétaire d’Etat et se livre à une purge électorale visant à favoriser sa victoire. »
Lorsque Klein évoque les « lois en faveur du financement des campagnes électorales par les entreprises », il omet de citer les décennies de campagnes de financement pro-syndicats qui ont précédé l’affaire Citizens United.
Lorsqu’il évoque les « exigences strictes concernant l’identité des électeurs », il omet les décennies de double-votes et de votes illégaux provenant de repris de justice et d’électeurs décédés.
Lorsqu’il évoque le redécoupage des circonscriptions, il omet les manipulations semblables qui ont eu lieu dans le Maryland, par exemple, où la ville de Baltimore a été découpée afin de fournir des votes démocrates aux banlieues communautaires qui, ensuite, élisent des démocrates.
Ces incohérences ne gênent pas Klein. Ce qu’il veut souligner, c’est que tout ce qui ne relève pas du suffrage universel favorise les républicains et doit donc être contré.
Le fait que la Constitution américaine ait été conçue pour éviter le suffrage universel direct au niveau national ne résiste pas au zèle de Klein.
David Leonhardt, du New York Times, a réalisé une analyse semblable, fondée sur l’article initialement publié par Klein :
« Premièrement, les Etats-Unis n’ont jamais traversé une période prolongée avec une minorité démocrate au pouvoir : c’est-à-dire une période interminable où une minorité de citoyens ayant reçu le droit de vote ont détenu le pouvoir sur la majorité.
Deuxièmement, le parti actuellement au pouvoir grâce à une minorité d’électeurs – les républicains – ne se contente pas simplement d’appliquer la loi. Il tente de changer ces lois afin de conserver le pouvoir. Il empêche certains citoyens (habituellement ceux qui ont la peau sombre) de voter, et modifie les lois relatives au financement de campagne.
Ce deuxième point conduit directement à un troisième : Les lois régissant notre pays ont été souvent modifiées, au cours de ces 230 et quelques années. Le nombre d’Etats a plus que triplé. Les femmes, les Afro-américains et les jeunes de 18 ans, entre autres, ont obtenu le droit de vote. En tout, la Constitution a été modifiée 27 fois. »
On pourrait imaginer que le fait d’avoir donné le droit de vote aux femmes, aux Afro-américains et aux jeunes de 18 ans serait plutôt un progrès. Mais pour Leonhardt, ce n’est que le prélude au suffrage universel direct permettant d’élire le président, et la fin du Collège des Grands Electeurs.
Les intentions des démocrates ont été mises à nu par des chroniqueurs tels que Klein et Leonhardt, même si très peu de politiciens les ont exprimées en public. Si les démocrates remportent la Chambre des représentants, ces intentions ainsi que d’autres projets radicaux, sortiront sous forme de lois ou de demandes de modification de la Constitution.
Les démocrates espèrent surfer sur cette plateforme radicale pour remporter la victoire lors de l’élection présidentielle de 2020.
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