La Chronique Agora

Le piège de la démocratie

Argentine, Javier Milei, élection

Politique, géopolitique, mégapolitique… et allons voir comment les élections se déroulent, au pays des gauchos…

« Un régime démocratique ne peut pas perdurer en tant que gouvernement. Il subsiste jusqu’au moment où la majorité découvre qu’elle peut se voter des largesses, aux dépens du Trésor public. Dès ce moment, la majorité élit toujours les candidats qui promettent le plus de cadeaux, avec pour conséquence la démocratie croulant sous le poids d’une politique fiscale immodérée, toujours suivie par une dictature, puis par une monarchie. »
~ Alexander Fraser Tytler (1747 – 1813)

Politique, géopolitique, mégapolitique…

En Argentine, la politique est au centre de l’actualité récente – avec un test historique de la démocratie elle-même.

En Ukraine, le « jeu » géopolitique apporte du bonheur à bien peu, des profits à quelques-uns, et de la misère à beaucoup.

Et, aux Etats-Unis, la mégapolitique coule l’empire.

Aujourd’hui, nous allons jeter un œil à la politique, au pays des gauchos.

Nous admettons avoir un préjugé. Nous avons une affection particulière pour l’Argentine et y habitons une partie de l’année. Et quelle expérience ! Chaque politique ridicule… chaque programme idiot – les Argentins les ont tous essayés.

Démocratie : test, test…

En plein milieu du mois d’août, nous avons appris que le peso argentin était en train de chuter à nouveau face au dollar, alors que la banque centrale du pays a augmenté son taux directeur à 118% ! Mais il reste sous le taux d’inflation, estimé à 120%.

Quoi de neuf ? L’inflation est une vieille histoire. C’est grâce à l’inflation que l’élite se transfère à elle-même du pouvoir et de la monnaie – bien plus que ce qu’elle peut obtenir par les impôts et l’emprunt.

Mais comme l’inflation nuit au citoyen lambda… et que le citoyen lambda est finalement celui qui triomphe lors d’une élection… la démocratie nécessite un degré de fraude normalement jamais vu en monarchie ou n’importe quelle forme d’autocratie. Cette année, en Argentine, nous sommes témoins d’un test important.

Nous savons que l’inflation peut être arrêtée. Paul Volcker l’a fait en 1980. Mais Volcker n’a pas été élu. Le pic d’inflation n’a atteint que les 13%. Et la dette publique ne s’élevait qu’à 1 000 Mds$.

Même dans ces conditions, le succès a été obtenu de justesse. Volcker a poussé le taux directeur de la Fed à 20%. Les politiciens et activistes ont hurlé à la mort. Ils ont exigé la démission de Volcker et quelqu’un a brûlé une effigie de lui sur les marches du Capitole. Ils affirmaient qu’il détruisait l’économie.

Ronald Reagan venait d’être élu président ; il ne referait face aux électeurs que quelques années plus tard. Il a soutenu Volcker et l’objectif a été atteint.

Aujourd’hui, ce scénario est presque inimaginable. La dette fédérale est de près de 33 000 Mds$. Les foyers, entreprises, investisseurs et le gouvernement lui-même – tous sont dépendants de taux d’intérêt bas. Et aucun des deux principaux candidats à la prochaine présidentielle – Biden ou Trump – ne se positionne en faveur d’un retour à des budgets équilibrés ou une monnaie « solide ».

Dieu merci, les masses sont faciles à confondre. Elles pensent que l’inflation est causée par la « cupidité » des capitalistes, la « déstabilisation des chaînes d’approvisionnement » ou des producteurs étrangers – les Chinois !

Mettre le feu à la banque

Mais après de nombreuses années, ces raisons perdent en attraction… et les électeurs commencent à soupçonner que ce sont les politiciens eux-mêmes qui sont coupables. C’est alors qu’un mouvement pour les faire perdre leur poste en élisant quelqu’un d’autre prend forme… et que d’entreprenants politiciens promettent des réformes.

Généralement, le candidat « réformiste » n’est qu’un arnaqueur de plus. Mais les électeurs ne font pas la différence. Donald Trump, par exemple, n’est pas un vrai réformateur. Mais il prétend en être un à la télévision, et cela suffit à beaucoup d’électeurs.

Les vrais réformateurs, en revanche, sont un danger pour l’élite.

Au Niger, le président élu semble avoir menacé le pouvoir de sa garde présidentielle. Alors le général en charge l’a assigné à résidence.

Au Pakistan, voici les dernières nouvelles provenant de The Cradle :

« Dans un développement judiciaire étonnant le 5 août, une cour d’Islamabad a rendu un verdict significatif contre l’ex-Premier ministre pakistanais Imran Khan. La cour l’a déclaré coupable d’une sérieuse défaillance dans ses responsabilités, en particulier le fait qu’il n’a pas déclaré la vente de cadeaux d’Etats dans ses déclarations de revenus et d’actifs.

Par conséquent, le politicien populaire et ex-star du cricket a été condamné à 3 ans de prison, et a été par ailleurs interdit de se présenter à une élection pour une période de 5 ans supplémentaire. »

Mais retournons en Argentine, avec Javier Milei. Il a cinq chiens auxquels il a donné des noms d’économistes. Il jouait de la guitare dans un groupe de rock’n’roll. Et, désormais, il déclame des discours incendiaires, proposant de mettre le feu à la banque centrale et de se débarrasser du peso une bonne fois pour toute.

Une alliance fructueuse

Nous avons une entreprise de recherche financière à Buenos Aires. Là, comme en France ou aux Etats-Unis, nous publions des idées et opinions qui ne vont pas dans le sens de la presse mainstream. Alors qu’il ne faisait que débuter sa campagne improbable, Milei nous a contacté. Nous – ou plutôt notre PDG local – l’a présenté à l’ex-président argentin Mauricio Macri. Cela pourrait ressembler à une alliance fructueuse.

Milei propose de supprimer les aides sociales, d’alléger le poids de l’armée et de couper les dépenses gouvernementales pour atteindre un niveau soutenable – l’exact opposé que ce que les masses supportent généralement. Et pourtant, durant l’élection primaire du 13 août dernier, il a étonné les observateurs avec une victoire. TIME :

« Le populiste d’extrême droite Javier Milei a renversé l’establishment politique argentin en obtenant le plus grand nombre de voix lors d’une élection primaire destinée à choisir les candidats pour l’élection générale d’octobre, dans une nation malmenée par les troubles économiques.

Milei, un admirateur de l’ex-président américain Donald Trump, affirme que la banque centrale argentine devrait être abolie, pense que le changement climatique est un mensonge, caractérise l’éducation sexuelle comme une ruse pour détruire la famille, croit que la vente d’organe humains devrait être légalisée et veut rendre plus facile la détention de pistolets.

Avec les résultats d’environ 92% des bureaux de votes pris en compte, Milei a obtenu environ 30% du total des voix, selon les résultats officiels. Les candidats de la principale coalition d’opposition, Ensemble pour le changement, a obtenu 28% des voix tandis que la coalition gouvernementale, Union pour la patrie, en a obtenu 27%.

Lors d’une célébration au quartier général de son mouvement, Milei a promis de mettre ‘fin à la caste politique parasitique, corrompue et inutile qui existe dans ce pays’.

‘Aujourd’hui nous avons fait le premier pas vers la reconstruction de l’Argentine’, a-t-il ajouté. ‘Une Argentine différente est impossible avec toujours les mêmes personnes.’ »

Whoah !

Ce n’était qu’une élection primaire. Les politiciens vétérans, leurs reporters de compagnie et leurs hommes de mains ont des moyens de garder les réformateurs à l’écart. Mais l’élection mérite d’être surveillée. Les masses exigent généralement d’obtenir des choses sans rien dépenser. Les politiciens qui promettent cela sont élus. Ceux qui disent la vérité sont battus. Ou pire.

Est-ce qu’une démocratie populaire pourra un jour s’échapper du piège que M. Tytler décrivait plus haut ? Nous verrons bien.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile