La Chronique Agora

Le PIB ? Ne lui faites plus confiance… (1/2)

Le PIB est généralement considéré comme une mesure fiable de la santé d’une économie… à tort ! Voici pourquoi.

En cherchant à tout mesurer, les économétriciens nous ont offert un cadeau empoisonné : le Produit national brut (PNB) et le Produit intérieur brut (PIB), ce dernier étant le plus utilisé de nos jours, alors que le premier est démodé.

Bien qu’il existe différents moyens de le mesurer, le PIB est généralement considéré comme un instrument de mesure de la demande globale, qui regroupe les dépenses des ménages, les dépenses publiques, les dépenses d’investissements et les exportations nettes.

Le guide de la Banque d’Angleterre explique qu’il s’agit d’un outil pour mesurer la taille et l’état de santé d’une économie. De façon similaire, le Bureau d’analyse économique des Etats-Unis explique que « le taux de croissance du PIB constitue l’indicateur le plus utilisé pour évaluer l’état de santé global de l’économie d’un pays ».

Une erreur cruciale

Bien que le PIB mesure la taille de l’économie, c’est une erreur de le décrire comme un outil pour en évaluer l’état de santé.

La théorie économique et les preuves empiriques sont claires sur ce sujet : une économie où la dépense publique prédomine n’est pas une économie saine en comparaison à une économie où les dépenses privées prédominent ; pourtant ces deux modèles économiques peuvent générer le même niveau de demande globale.

Lorsque Gordon Brown était chancelier de l’Echiquier, en Grande-Bretagne à l’aube du nouveau millénaire, il parvenait régulièrement à annoncer des chiffres de croissance du PIB supérieurs à ce qu’avaient prévu les économistes indépendants. Mais en décortiquant les chiffres, on pouvait s’apercevoir que ce n’était pas le résultat d’une bonne santé du secteur privé, comme tout le monde le présumait, mais d’une hausse plus rapide que prévue des dépenses de l’Etat.

Il faut par conséquent différencier les évolutions du PIB de l’état de santé réel de l’économie, ou plus précisément, comprendre que les évolutions du PIB ne nous disent rien quant à l’amélioration ou la régression du niveau de vie de la population.

Qu’est-ce que le PIB en réalité ?

Le PIB n’est qu’une somme des transactions comptabilisées, l’équivalent (bien que moins précis) à l’échelle nationale du chiffre d’affaires d’une entreprise.

Nous pouvons pousser le raisonnement plus loin. Supposons qu’il existe une quantité fixe de monnaie en circulation dans l’économie : cela implique que les exportations nettes doivent être égales à zéro, puisque les flux nets de devises constituent la contrepartie du déséquilibre de la balance commerciale. La répartition du PIB entre les dépenses privées, les dépenses publiques et l’investissement pourrait donc s’ajuster librement sans influer sur le niveau global du PIB.

En supposant qu’il n’y ait pas de fluctuations du ratio entre les transactions comptabilisées dans le PIB et les transactions non comptabilisées ou exclues du PIB, dont une économie est toujours constituée, l’ensemble des agents économiques, sur toutes les différentes catégories du PIB, disposeraient d’un montant total fixe à répartir entre leurs différents postes de dépenses.

Il n’y aurait ni augmentation ni réduction du PIB, bien que l’impact de ces dépenses sur les conditions de vie de la population puisse s’améliorer ou se détériorer au fil du temps.

En réalité, la situation est rendue plus compliquée par l’importance des transactions exclues du PIB. Les échanges d’actifs financiers et de produits d’occasion en sont par exemple exclus.

L’influence des banques centrales

Mais pour le moment, restons-en à l’hypothèse selon laquelle il n’y aurait pas de mouvements entre le PIB et les transactions qui en sont exclues.

Maintenant, supposons que la banque centrale décide d’augmenter la quantité de monnaie en circulation. Cette monnaie supplémentaire viendrait alimenter à la fois des transactions incluses dans le PIB et des transactions qui en sont exclues. L’ampleur de l’augmentation de ces deux catégories est simplement proportionnelle à la quantité de monnaie injectée.

En d’autres termes, étant donné que le PIB est la somme des transactions comptabilisées, il augmentera exactement du montant de monnaie supplémentaire dépensée sur les biens et services qui sont inclus dans les statistiques. En dehors des distorsions exclusivement liées à l’absorption de la nouvelle monnaie dans l’économie, il y aura davantage de monnaie dépensée pour la même quantité de biens.

Par conséquent, après une période d’ajustement, chaque unité monétaire permettra d’acheter en moyenne une plus faible quantité de biens.

Nous pouvons le démontrer à l’aide de la loi de Say, qui stipule qu’au travers du processus de division du travail, nous nous spécialisons chacun dans les domaines où nous sommes les meilleurs afin de pouvoir acquérir les choses dont nous avons besoin ou que nous désirons.

Attention aux devises !

La monnaie n’est qu’un moyen pour nous d’échanger notre propre production contre des biens de consommation, en nous permettant d’évaluer et de comparer entre eux les biens.

A cet égard, la quantité de monnaie en circulation et son pouvoir d’achat sont sans importance vis-à-vis de sa fonction première d’intermédiaire des échanges.

On peut également démontrer ce principe d’une autre manière : les consommateurs en Europe, en Inde ou en Amérique utilisent des devises locales différentes afin de faciliter la division du travail. Qu’il s’agisse d’euros, de roupies ou de dollars n’a aucune importance, du moment que cette devise est acceptée comme intermédiaire des échanges.

Par conséquent, une augmentation du PIB ne reflète pas l’état de santé réel d’une économie, mais seulement la quantité de monnaie supplémentaire imprimée puis injectée dans cette économie.

Pour ceux qui chercheraient à estimer quel a été l’impact de cette nouvelle monnaie sur le montant des transactions comptabilisées dans le PIB au cours d’une période de temps donnée, tout ce que vous avez à faire est de mesurer la différence entre les chiffres les plus récents du PIB et les chiffres précédents, après les avoir ajustés en fonction de la variation des exportations nettes.

Nous verrons la suite dès demain.


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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