▪ Encore et encore, l’Europe résout ses problèmes de dette… et à chaque fois, ils ne sont pas résolus du tout.
Les rendements obligataires italiens sont à nouveau à la hausse. La Grèce négocie quant à elle un défaut de paiement. Ils veulent éviter un défaut avoué et bruyant… ils le masquent donc en affirmant qu’il est « volontaire » ou « doux ». Mais ils ne peuvent déguiser le fait que la Grèce a des factures qu’elle ne peut pas payer. Le 20 mars, elle doit trouver 14,4 milliards d’euros, suivis par des millions d’autres au cours des mois qui suivent. C’est plus de 6% du PIB national. Comme si les Etats-Unis devaient payer 1 000 milliards de dollars.
D’où va provenir l’argent ? De la Banque centrale européenne ? Du FMI ? Des Allemands ? Peut-être. Mais petit à petit, même les magiciens de la planche à billets commencent à comprendre que ce problème ne peut être résolu à l’aide de pansements et de renflouages. La Grèce a trop de dettes. Environ 100 milliards d’euros d’entre elles devront disparaître, sans quoi le pays ne sera plus jamais solvable.
Dans le magazine allemand Der Spiegel :
« En ce qui concerne la Grèce, il est clair que c’est sans espoir. Mieux vaudrait que le pays abandonne enfin l’euro et transforme ses dettes étrangères en drachmes, plutôt que de mendier sans arrêt de nouvelles aides ».
Les renfloueurs et les renfloués sont en plein débat pour essayer de découvrir qui va encaisser les pertes. C’est un peu comme un divorce. Si tout le monde accepte de coopérer, les choses se passeront à peu près correctement. Si non, ce pourrait être un désastre. Les disputes qui s’ensuivraient pourraient mettre à bas non seulement la dette grecque, mais aussi la dette de l’Italie, de l’Espagne… et même de la France.
Dans tous les pays de l’OCDE, les ratios dette publique/PIB atteignent en moyenne 100%. Ce qui les rend tous vulnérables. S’ils ont des recettes fiscales se montant à 20% du revenu, ça signifie qu’un quart de leurs revenus doit être utilisé pour couvrir la dette. Si les taux d’intérêt ne grimpent pas, ils peuvent tenir. Mais s’ils ont en plus des déficits plus grands que leurs taux de croissance, la situation est sans espoir.
Aux Etats-Unis, par exemple, le déficit — en termes de PIB — augmente trois fois plus rapidement que l’économie sous-jacente.
Déjà, la majeure partie des grandes banques d’Europe et des Etats-Unis sont probablement insolvables. Sans le soutien artificiel des autorités, elles seraient sans doute incapables de survivre à une crise. Le problème, c’est que les autorités n’ont pas de vrai soutien à leur apporter. La plupart des pays du monde développé sont insolvables aussi. Ils peuvent se débrouiller pour l’instant… mais ne survivraient pas à une vague de ventes sur leurs obligations.
Le grand espoir des autorités, c’est de parvenir à empêcher la crise — en fournissant beaucoup de cash aux banques… qui utilisent une bonne partie de l’argent pour acheter les obligations des autorités. Plus ils peuvent retarder le jour du jugement, plus ces débiteurs auront de chances de se débarrasser de leurs problèmes par la croissance.
Mais la dette pèse sur la croissance. Lorsque les niveaux dette/PIB passent au-dessus des 90%, la croissance décline rapidement.
Et ce n’est pas tout… Même avant que la dette ne devienne un tel problème, la croissance avait déjà commencé à disparaître du monde développé. Il n’y en a pas eu au Japon ces 20 dernières années… et quasiment aucune croissance réelle pour le secteur privé américain depuis 10 ans. En Europe, l’histoire est à peu près la même. Quant aux Etats-Unis, toutes les gloires de la technologie, du capitalisme, de l’ingénierie financière et de la démocratie n’ont pas été capables d’ajouter un seul sou au salaire horaire du travailleur moyen depuis 40 ans.
Pourquoi ? Personne ne le sait exactement. Nous avons une hypothèse en deux parties :
▪ 1. La zombification
Le processus de déclin a été décrit par le professeur Mancur Olson, de l’université du Maryland. Les intérêts spéciaux et les lobbyistes parviennent à pervertir le système politique de manière à obtenir des faveurs pour eux-mêmes. Ces dons et ces privilèges coûtent de l’argent et diminuent la production. L’économie devient progressivement moins dynamique et moins capable d’augmenter la richesse.
Un autre professeur, Meghnad Desai, de la London School of Economics, déclare que le capitalisme occidental est devenu « gériatrique ». « Le capitalisme dynamique, avec son énergie, son innovation et sa soif pure de croissance, est passé à l’est », dit-il.
Une économie gériatrique et zombifiée ne peut pas produire de croissance réelle.
▪ 2. Le déclin marginal de l’utilité du pétrole
L’économie moderne est le fruit du pétrole. Mais les machines consommant du pétrole qui rendent l’économie si productive ont quasiment toutes été inventées avant notre naissance, et mises en service, dans les pays développés, après la Deuxième Guerre mondiale. Depuis les années 70, les améliorations des machines ont été incrémentielles… et n’ont pas été suffisantes pour compenser la hausse des coûts du pétrole.
Si ces hypothèses sont correctes, il n’y aura pas de croissance significative dans le monde développé avant que les zombies ne soient jetés dehors… et/ou que de nouvelles avancées technologiques augmentent radicalement la productivité.