Retraites, CICE… l’un des principaux enjeux de ces réformes, c’est leur financement. Mais qu’est-ce qui coûte vraiment un « pognon de dingue » à l’Etat ?
En marge du débat sur les retraites où l’enjeu financier des « grands équilibres » se joue à 10 ou 12 Mds€ près (et encore, ce ne sont que quelques scénarios parmi d’autres), les aides d’Etat aux entreprises – comprenez, les grandes, celles qui sont cotées en Bourse – donnent le vertige.
Des économistes opposés à la réforme des retraites citent des montants qualifiés de « pognon de dingue » distribués chaque année aux grandes entreprises, ce qui leur permet d’optimiser leur bilan et de gâter leurs actionnaires avec des dividendes plus généreux.
Il est difficile de démontrer l’inverse, mais reconnaissons que ces « aides » compensent en partie des prélèvements fiscaux et sociaux qui sont les plus élevés du monde.
Un montant difficile à chiffrer
Dans d’autres pays, la moindre avidité de l’Etat permet de réaliser plus de bénéfices, et donc de la redistribuer aux actionnaires sans que personne n’y voie matière à polémique ; donc attention aux « postures » dictées par un tropisme anticapitaliste très ancré dans l’intelligentsia française.
Combien d’aides – que nous qualifierons de « compensatoires » – les entreprises défendues par le Medef (les très petites ne le sont pas, et mollement par la CGPME) ont-elles perçu en 2020 et 2021 ?
Alors que Bercy est capable de chiffrer à l’euro près le montant du déficit du régime des retraites mois par mois, nos énarques ne sont capables de produire aucun chiffre quand il s’agit des entreprises.
Le dernier évoqué du bout des lèvres – 140 Mds€ – date de l’époque où Édouard Philippe était encore Premier ministre, ce qui remonte à presque trois ans (rien sous Castex).
France Stratégie publiait une estimation proche dans un rapport datant de 2020 : 139 Mds€ par an « d’aides à la production des entreprises en France ».
L’actuel ministère de l’Economie et des Finances ne veut en revanche rien communiquer, au motif que « les chiffres sont trop difficiles à articuler » : cliquez ici pour lire la suite.
L’actuel ministère de l’Economie et des Finances ne veut rien communiquer, au motif que « les chiffres sont trop difficiles à articuler » : admirez ce faux fuyant sémantique !
Les médias se sont donc emparés d’une étude commanditée par l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) auprès du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé).
Leurs estimations ont été publiées le 7 octobre dernier et elles évoquent un montant d’au minimum 157 Mds€ en 2019, soit près d’un tiers du budget de l’Etat (31%) et plus de deux fois le budget de l’Education nationale.
Gagnants et perdants de la fiscalité
Dans le détail, les entreprises bénéficient d’une réduction de 61 MdsE de dépenses fiscales, qui comprennent toutes les niches à destination des entreprises et les baisses d’impôts récentes dont elles ont pu bénéficier – principalement l’impôt sur les sociétés et la TVA.
Ensuite, 64 Mds€ d’économies de dépenses « socio-fiscales », qui sont notamment constituées des niches sociales et des baisses de cotisations patronales. Enfin, s’y ajoutent 32 Mds€ de subventions directes de l’Etat et des collectivités locales.
C’est ensuite aux ménages et aux services publics de se serrer la ceinture.
Aucun retour en arrière ne se profile : Bruno Le Maire promet la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) d’ici 2024, soit 8 Mds€ d’« impôts de production » en moins, après 10 Mds€ déjà supprimés dans le cadre du budget 2021… ce qui se rapproche beaucoup des sommes qui manquent pour équilibrer les retraites.
C’est donc la double peine pour le citoyen qui ne bénéficie lui d’aucune subvention, la suppression de la taxe d’habitation étant largement compensée par la hausse des impôts locaux, la flambée du coût de la collecte des ordures ménagères et la hausse des tarifs du mètre cube d’eau.
Si on rajoute les 15% de hausse des prix de l’électricité à compter du 1er janvier et la multiplication par 10 de la facture pour nombre d’artisans qui ont dû jeter l’éponge en 2022, les grands perdants sont bien les petits contribuables et les grands gagnants les entreprises qui ont l’oreille de Bercy.