La Chronique Agora

Petite histoire des hallucinations de ces trois dernières décennies

** David Fuller a raison. Ce que nous observons en réalité, c’est le déclin des Etats-Unis d’Amérique… de leur devise… de leur base de capitaux… et de leur compétitivité dans l’économie mondiale.

* Les politiciens peuvent essayer d’ouvrir de nouvelles lignes de crédit à des familles ne parvenant plus à joindre les deux bouts ; ce qu’ils font en fait, c’est leur donner la corde pour se pendre. Le vrai problème, c’est que les salaires américains n’ont pas suivi le rythme de l’inflation ; en d’autres termes, l’Américain moyen n’est plus aussi riche qu’il l’était. Il ne peut que faire semblant d’être riche… en échangeant une plus grande partie de son temps de loisir contre des dollars… et en empruntant. Or ces deux "mécanismes pour tenir le coup", comme les appelle Robert Reich, sont désormais épuisés. A présent, le moment est venu de se balancer au bout de la corde.

* Ces 30 dernières années, les Américains pensaient être au sommet du monde. Tout le monde le disait. Et logiquement, cela aurait dû être le cas. C’était après la révolution Reagan, avec l’économie la plus moderne et la plus capitaliste au monde… avec les dernières technologies, avec les meilleurs cerveaux du monde, les meilleures écoles, et avec Wall Street veillant à "allouer le capital" de la meilleure des manières possibles. Si les travailleurs ne pouvaient pas avancer dans cette économie, ils ne pouvaient avancer nulle part. C’est du moins ce que croyaient les gens.

* Mais le capitalisme est une jungle, disons-nous sans arrêt, et non un zoo. Il laisse les animaux s’engraisser — uniquement pour qu’ils finissent dévorés par des animaux encore plus affamés.

* Dans les bureaux de la Chronique Agora, il était distrayant d’écouter les vanités et les prétentions des gardiens du zoo. A la fin des années 80, ils ont annoncé leur triomphe sur le communisme, apparemment inconscients du fait que leurs plus grands rivaux potentiels venaient de se libérer de leur boulet. A peine 20 ans plus tard, la Chine et la Russie sont déjà des concurrents considérables. Les réserves de devises étrangères de la Chine, par exemple, sont près de 20 fois supérieures à celles des USA. Et à présent, si le Géant Rouge décide de se débarrasser de ses dollars, l’économie américaine subira une crise majeure… qui pourrait la paralyser.

* Ensuite, vers la fin des années 90, les rêveurs crurent avoir trouvé la formule magique. Les Etats-Unis n’avaient plus besoin d’épargne, dirent les experts, parce que désormais, les technologies de l’information nous permettent de créer de la richesse en utilisant du capital "virtuel"… du capital cérébral. "Ils transpirent ; nous pensons", déclara l’un des génies, comme si les Russes et les Chinois ne pouvaient pas penser. Et si cette idée n’était pas assez hilarante en elle-même, Ed Yardeni continua en disant qu’il existait une toute nouvelle espèce humaine — ceux qui  comprenaient cette importante nouvelle vérité… ceux qui "pigeaient". Ceux qui "ne pigeaient pas" étaient destinés à mordre la poussière, dit-il. Nous sommes heureux d’avoir été dans le camp des laissés-pour-compte.

* Plus tard, une fois que la bulle des dot.com eut explosé, une autre hallucination se développa. Selon elle, l’ingénierie financière sophistiquée, combinée à une gestion macroéconomique éclairée, avait rendu les krachs boursiers et les récessions obsolètes. Les génies se mirent au travail avec leurs ordinateurs, prouvant que ces contrats dérivés si complexes (qu’ils vendaient) étaient complètement à l’épreuve des balles. Il ne leur arrivait de problème que tous les 36 du mois. "On parle là d’événements sigma 25", dirent-ils, comme s’ils comprenaient ce dont ils parlaient. A peine trois ans plus tard, le 36 du mois est arrivé.

* C’était vraiment amusant à regarder, ce spectacle. Et ce n’est pas terminé.

** La semaine dernière, le Dow a encore grimpé. Richard Russell, qui entretient la flamme de la Théorie de Dow, déclare que le marché ne pointe plus vers la déflation… mais l’inflation.

* Bien entendu, le prix de l’or indique l’inflation depuis longtemps. Il a grimpé également. Et en Europe aussi, l’inflation fait les gros titres — elle est à un sommet de 24 ans. En France, par exemple, beaucoup de gens pensent que l’euro n’est qu’un vaste complot visant à augmenter les prix ; ils veulent le retour du franc. Sur un mur de Paris, hier, nous avons vu la complainte des citoyens : "Euroshima", était-il écrit.

* Quant à l’inflation des prix à la consommation en Chine, elle atteint près de 7% ; on dit que c’est "la dernière exportation chinoise".

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