Un responsable de la Fed nous affirme que, comme dans les années 1990, la politique monétaire actuelle va permettre une période de prospérité dans un avenir proche.
James Bullard, le président de la Fed de Saint Louis, est une fausse valeur ; un usurpateur qui se fait passer pour un penseur rigoureux. C’est un pur penseur de surface. Il glisse à la surface des choses en se donnant des apparences d’analyste des profondeurs.
C’est un pur anglo-saxon qui pratique non pas la pensée logique, mais la pseudo-pensée empirique avec assimilations, comparaisons inadéquates, fausses similitudes. Bien sûr, il trompe ses collègues, les médias et les sots qui pratiquent la même forme de pensée.
Les analyses de Bullard n’ont aucun point de départ dans le réel. Dès ses premières phrases, on voit qu’il marche sur la tête.
Je ne l’ai jamais entendu s’interroger sur la question centrale de la dérive monétaire américaine : comment en est-on arrivé là ? Pouvait-on y échapper ? Où se trouve le nœud des situations de crise qui se succèdent ? Dans le monde de l’économie productive, dans le monde de la finance, dans le monde de la gestion monétaire ?
Y avait-il une alternative ?
Les événements qui se succèdent avec gravité et intensité sans cesse croissante sont-ils aléatoires, la faute à pas de chance, ou bien sont-ils produits par la nécessité ? Je veux dire par la nécessité cette évidence que, quand le vin a été tiré, il faut le boire ; quand on a fait sortir le génie de la bouteille, on ne peut plus le faire rentrer ; quand on a dépensé, il faut payer l’addition.
Les choses pouvaient elles être autrement ? Quel est le poids respectif de la mutation historique du régime capitaliste vers la financiarisation et celui de la volonté et de l’avidité des riches et de leurs complices.
Non, avec Bullard, tout est suspendu dans les airs de la parole, de la fausse référence et des faux arguments.
Ecoutons-le, il vient de nous débiter un monument de stupidité, le 20 juin dernier :
« C’est vrai que nous avons beaucoup bougé – mais nous avons beaucoup bougé à partir d’un niveau très bas. J’aime faire allusion au resserrement de 1994 aux Etats-Unis… Le resserrement de 1994 était de 300 points de base en un an – y compris un mouvement de 75 points de base en novembre 1994. Cet épisode de resserrement a provoqué des perturbations cette année-là, en 1994.
Cependant, j’ai toujours pensé que l’on préparait l’économie américaine à une performance exceptionnelle dans la seconde moitié des années 1990. Le PIB réel des Etats-Unis a augmenté rapidement au cours de cette période ; c’est à ce moment-là que vous avez eu les meilleurs marchés du travail que vous ayez vus dans l’après-guerre aux Etats-Unis. Et, donc, beaucoup de bonnes choses se sont produites dans la seconde moitié des années 1990, et j’espère que nous pourrons encore obtenir quelque chose comme ça cette fois. »
Les commentaires de Bullard concernant 1994 et la fin des années 1990 méritent une réfutation.
En clair, il nous explique que la dernière vraie hausse des taux est intervenue aux Etats-Unis en 1994. Certes, admet-il, elle a provoqué des perturbations, mais ce sont ces perturbations qui ont préparé une performance exceptionnelle de l’économie américaine dans la seconde moitié des années 1990.
Une année charnière
Sans scrupule, Bullard essaie de nous faire avaler que les perturbations actuelles vont préparer une période d’expansion et de prospérité exceptionnelle, rien que cela.
L’année 1994 est une année charnière dans l’histoire financière. C’était le dernier véritable resserrement de la Fed – et cela a causé « quelques perturbations » c’est le moins que l’on puisse dire : il y a eu la grande explosion du marché obligataire et des produits dérivés.
Ces perturbations auraient dû produire des effets dévastateurs. Elles auraient dû faire éclater la bulle des fonds spéculatifs et la bulle de la spéculation à effet de levier.
Mais cela ne s’est pas produit.
C’est la première chose que notre Bullard oublie : il n’y a pas eu de dégâts dévastateurs et d’éclatement de bulle, car les entreprises parrainées par le gouvernement (ou GSE), Fannie Mae et Freddie Mac, ont explosé leurs bilans de 150 Mds$ (un montant sans précédent à l’époque). Elles ont assuré la liquidité et le dernier recours, et en ont payé le prix, comme elles se sont rendues insolvables ! Elles se sont autodétruites en réalisant ces « QE » de l’époque.
Leurs achats massifs d’un assortiment d’instruments de crédit, essentiellement des opérations de QE avant la lettre, ont été essentiels pour contenir la crise et renflouer la communauté des spéculateurs à effet de levier. Un puissant backstop de liquidité a été mis en place en 1994. Il n’y a pas eu de transmission des effets négatifs de la hausse des taux de 1994, car ce sont les GSE qui ont été envoyées au casse-pipe et qui y ont abandonné leur santé.
Ce tour de passe-passe a permis toutes les dérives qui ont suivies, et qui sont loin de pouvoir s’analyser comme de la prospérité puisque ce sont des étapes vers la descente aux enfers de la fin des années 1990.
Ce qui a permis les bulles suivantes
Sans le filet de sécurité du GSE de 1994 et sans le plan de sauvetage mexicain, les bulles des « Tigres asiatiques » n’auraient pas été portées à des extrêmes catastrophiques.
Il n’y aurait pas eu d’effondrements spectaculaires de la Russie et de LTCM en 1998, et donc pas de renflouements et de folles relances monétaires qui ont alimenté la périlleuse dynamique spéculative d’éclatement de la bulle de 1999 des dot-com.
L’effondrement des valeurs « technologiques » a ensuite déclenché des mesures de relance de la Fed par le biais de l’immobilier, et une bulle du financement hypothécaire en a résulté.
Sans l’imbécilité qui a fait jouer aux GSE en 1994 le rôle de pourvoyeur ultime de liquidité, le rôle de backstop, la situation se serait assainie et on aurait évité toute la cohorte sinistre et la dégringolade systémique de 2008.
Contrairement à ce que prétend Bullard, 1994 n’a pas déclenché une vague de prospérité, mais une descente aux enfers, une vague de spéculation, de bulles et de faux remèdes qui ont débouché sur les crises de 1998, 1999, les dot-com et la ruine du Nasdaq (-83%) !
La grande crise financière de 2008 qui a suivi a vu la première salve de QE. Le bilan de la Fed était de 400 Mds$ en 1994, il a terminé 2007 à environ 900 Mds$, a dépassé les 2 000 Mds$ en 2008, a atteint 4 500 Mds$ en 2014, puis a grimpé à près de 9 000 Mds$ dès la fin mars, cette année.
Contrairement aux affirmations soit idiotes soit mensongères de Bullard, beaucoup de choses troublantes ont commencé dans la seconde moitié des années 1990 et sont depuis devenues fatales. C’est là que nous sommes entrés dans l’impasse pour ne plus en sortir.
Bullard – qui espère remplacer Powell en 2024 – est une fausse valeur, comme tous les clowns qui se succèdent à ce poste.
De plus, 1994 a été le début d’un marché obligataire haussier historique et prolongé, qui a été à la base d’une inflation épique du prix des actions et du marché des actifs en général. Le tout accompagné d’un accommodement monétaire sans précédent axé sur le marché et non sur les banques.
Plutôt que la « performance exceptionnelle » de la seconde moitié des années 1990 dont parle Bullard, je parie sur des effondrements en cascade et une instabilité aiguë.
Bullard a besoin de se recycler – que dis-je, de se reprogrammer – et d‘apprendre à penser juste. Il y a l’histoire imaginée – la sienne –, l’histoire réelle – celle qui apparaît au niveau des apparences – et enfin la vraie histoire – celle de la nécessité des faits qui s’enchainent inéluctablement quels que soient les discours et les mensonges.
On retrouve au niveau de la finance, l’économie, la monnaie la même incapacité anglo-saxonne que celle qui se manifeste en ce moment à l’occasion de la guerre d’Ukraine.
« Nous sommes un empire, nous créons notre propre réalité, et c’est aux autres de s’adapter ! »
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]