La Chronique Agora

Peak Water, quand l’urbanisation met l’eau en danger

▪ En 2030, la demande mondiale en eau douce sera supérieure de 40% aux réserves fiables et accessibles.

Les besoins en eau de la planète explosent du fait de l’augmentation de la population mondiale, de nos habitudes alimentaires, de nos modes de vie ou encore de l’inten­sification de nos activités économiques… et en même temps, l’approvisionnement et les ressources en eau douce et potable se font de plus en plus rares. A tel point que certains annoncent franchement le Peak Water, semblable au Peak Oil.

Alors que personne n’envisage un instant se passer d’eau, Etats, collectivités locales, chercheurs et entreprises travaillent à des solutions pour résoudre ce problème d’approvisionnement en eau douce. D’ici à 2025, les municipalités vont ainsi investir 480 milliards de dollars dans leur réseau de distribution d’eau. Encore une fois, les solutions aux grands enjeux mondiaux sont, pour nous, synonymes d’opportunités… mais j’y reviendrai très prochainement.

En attendant, voici quelques données sur ce problème de plus en plus crucial pour nos sociétés.

▪ L’eau, une ressource très demandée
Les besoins en eau sont généralement analysés à la lumière des trois principaux utilisateurs :

– L’agriculture : 70% de la consommation mondiale d’eau douce.
– L’industrie : 20%.
– Les ménages : 10%.

En 1950, la consommation annuelle et mondiale d’eau douce atteignait 1 500 km3. Actuellement, elle est de 4 500 km3 et, d’ici 2050, elle dépassera les 6 300 km3.

Plusieurs raisons à cela :

– Nous sommes de plus en plus nombreux (la popula­tion mondiale, je vous le rappelle, devrait passer de six à neuf milliards d’individus d’ici à 2050).
– Nous consommons de plus en plus d’eau, aussi bien indi­viduellement « qu’à cause » du développement écono­mique — notamment dans les pays émergents.

▪ Abondante… mais rare
Malgré l’apparente abondance d’eau sur Terre — l’eau douce et encore plus l’eau potable — sont des denrées rares.

Un petit rappel de chiffres pour commencer : 97% de l’eau de la planète est salée. Sur les 3% qui sont potables, 2% sont « inaccessibles » ou presque puisque sous forme de glace (banquises, glaciers…). Seul 1% de l’eau de la planète est douce et liquide. Douce, ce qui ne veut pas dire potable car sous l’effet de la pollution, une partie de cette eau devient chaque année non-potable.

Ces dernières années se sont donc multipliées les craintes d’épuisement des ressources d’eau potable. 1,6 milliard d’individus, soit près d’un quart de la population mondiale, vivent déjà dans des pays en pénurie d’eau, c’est-à-dire dans lesquels la demande est supérieure aux réserves. La situation ne devrait pas s’améliorer puisqu’en 2030, c’est presque la moitié de l’humanité qui vivra dans des zones en pénurie d’eau.

Première conséquence de cette pénurie, la baisse inquié­tante de la production dans les pays en situation de stress hydrique. L’exemple du Moyen-Orient est particulièrement parlant à ce sujet. Entre 2003 et 2009, sur une zone qui recouvre les bassins versants du Tigre et de l’Euphrate (une partie de la Turquie, de la Syrie, de l’Irak, l’Iran et l’Azer­baïdjan), la disparition d’eau a atteint 143,6 km3, le volume d’eau contenu dans la Mer Morte. Une perte qui est due à l’assèchement des sols et à l’évaporation des lacs, étangs et autres réservoirs — et surtout à la surexploitation des nappes phréatiques.

Alors que la demande va augmenter, d’ici 2030, à 6 900 milliards de m3 par an, ces besoins seront supérieurs de 40% aux ressources en eau prouvées et facilement accessibles.

▪ Les villes, symboles de ces besoins grandissants en eau
L’urbanisation galopante joue aussi un rôle important dans cet accroissement de la demande en or bleu et en outre concentre toutes les grandes tendances qui contribuent à l’accroissement de la consommation mondiale en eau.

Aujourd’hui, plus de la moitié des habitants de la planète (3,5 milliards d’individus) vivent en milieu urbain, un pour­centage qui bondira à 70% d’ici 2050. Or qui dit ville dit utilisation importante d’eau puisque l’urbanisation (et encore plus l’accession à la classe moyenne) signifie souvent un meilleur confort et une meilleure hygiène qui passent par l’eau courante, l’installation de sanitaires, etc.

A la consommation des particuliers s’ajoute celle des infras­tructures publiques et des différents services offerts par les villes (hôpitaux, administrations, restaurants et commerce), et l’entretien et la mise en place de loisirs gourmands en eau (parcs, fontaines, piscines et bassins, etc.).

Les urbains consomment plus de tout : d’énergie (via les moyens de transports individuels ou collectifs, le chauffage ou la climatisation, les appareils électriques, etc.), de nour­riture, de produits manufacturés, d’eau…

Ainsi aux Etats-Unis, la consommation moyenne est de 400 litres par jour et par personne ; elle est entre 100 et 200 litres en Europe et que de 20 à 60 litres dans les pays dans lesquels l’accès à l’eau courante est anecdotique.

Vous l’aurez compris, l’équation est simple : la demande en eau explose, les ressources sont limitées et tendent même à se réduire. Il faut donc trouver des solutions… et vite.

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