La Chronique Agora

Paysans contrariens

Quelques décennies à investir dans les terres agricoles de plusieurs pays permettent d’avoir une petite idée de ce qui est rentable… Et où réaliser ses prochains achats.

Nous avons fini la semaine dernière en parlant de nos investissements immobiliers. Comme l’un de nos chers lecteurs nous le faisait remarquer, toutes ces fermes que nous possédons à travers le monde nous font perdre de l’argent.

Mais l’immobilier est notre faiblesse. Nous aimons acheter des biens immobiliers et les retaper. Et nous avons aussi l’espoir qu’un jour – peut-être – nos petits-enfants pourront revendre ces biens et en tirer un bénéfice.

Viser juste

Cela dit, nous restons prudent. Il ne faudrait pas que ces biens nous fassent perdre trop d’argent. Mais nous prenons de l’âge et, dans la dernière ligne droite de notre carrière, nous apprenons à viser juste – comment réduire les coûts… augmenter les revenus… et investir dans de meilleures terres. Globalement, nous avons presque atteint notre seuil de rentabilité !

Oui, alors que nous possédons de nombreuses terres agricoles « non rentables », nous achetons également des terres agricoles synonymes de rendement. Et c’est là que notre esprit globe-trotter nous donne au moins une perspective plus large.

Nous sommes devenus des « paysans contrariens ». Non… nous ne plantons pas à l’envers pour tromper les corbeaux. Au lieu de cela, nous achetons des terres en Argentine.

Ici, en Irlande où nous nous trouvons actuellement, nous souhaitions acquérir une ferme voisine aux enchères. Les offres n’ont cessé de monter… jusqu’à ce que le prix dépasse 20 000 $ l’hectare. Nous avons abandonné, pensant que l’enchérisseur local le voulait plus que nous. A ce prix, il est difficile de voir comment cela pourrait être rentable. Mais, comme nous, les Irlandais aiment posséder des terres. Peut-être que cela apporte un avantage psychique qui n’apparaît pas sur un compte de résultat.

Pendant ce temps, en France, dans le Poitou, la terre ne se vend qu’environ 5 000 $ l’hectare. Cela a toujours été ainsi. Et c’est toujours le cas. Le revenu locatif est d’environ 100 $ par hectare et par an – un taux de rendement d’environ 2,5%… insuffisant pour couvrir les taxes et l’entretien.

Et aux Etats-Unis ?

Aux États-Unis, dans le nord du Midwest, les tarifs de location tournent autour de 500 $ l’hectare. Les terres agricoles de l’Iowa se négocient à environ 12 000 $ l’hectare. Le retour sur investissement n’est donc qu’un peu meilleur qu’en France.

Les rendements des cultures sont importants aux États-Unis et les prix sont élevés. Les agriculteurs devraient bien s’en sortir. Le problème, c’est que les coûts augmentent également fortement. Le prix de la potasse, de l’azote et des phosphates a presque doublé l’an dernier. Le coût du carburant, des pesticides, des herbicides et des semences augmente également. L’agriculture n’est pas clairement gagnante à une époque d’inflation croissante.

Pendant ce temps, dans le nord-ouest de l’Argentine, une opportunité unique est susceptible de se présenter. Une terrible sécheresse a fait des ravages. Et quels que soient les dommages causés par la nature, le gouvernement argentin répare les dégâts.

En effet, les agriculteurs ne peuvent pas vendre leurs terres à des étrangers, ce qui réduit considérablement la demande du marché. Et même s’ils pouvaient acheter, les non-Argentins constateraient qu’ils ne peuvent rapatrier leurs bénéfices qu’au « taux officiel »… ce qui annulerait au moins la moitié de la valeur de leurs gains.

Le peso perd la moitié de sa valeur chaque année. Les pénuries de machines, de carburant et de produits chimiques tourmentent les agriculteurs gauchos désormais aux abois.

Des terrains à prix bradés

Impossible, pour le moment, de voir la lumière au bout du tunnel. Et c’est plutôt étonnant qu’il y ait un marché pour les terres agricoles en Argentine. Mais il existe bel et bien. Et les terres céréalières sont mises à l’honneur – bonnes pour le blé, le soja, le maïs ou d’autres grandes cultures – et se vendent (dans la province de Salta) à environ 2 000 $ l’hectare, soit une remise de 80% par rapport aux prix américains.

Les rendements des cultures sont inférieurs à ceux des États-Unis. Mais il en va de même pour la dépendance aux engrais et aux pesticides.

Cela laisse, selon nous, les Argentins dans une position de force parmi les producteurs mondiaux à bas coûts. Ces dernières années, les rendements pour les investisseurs ont oscillé entre 5% et 10% (sans compter l’appréciation du capital des terres agricoles).

En tout cas, notre objectif est modeste. Nous cherchons seulement à gagner assez pour couvrir les pertes de nos autres entreprises agricoles argentines. Ensuite, nous pourrons transmettre nos fermes à nos enfants la conscience tranquille ; au moins, ce cadeau ne sera pas un fardeau.

Nous retournerons dans la pampa en mars… pour observer la situation de plus près – restez à l’écoute pour en savoir plus.

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