La Chronique Agora

Les pays de l’Eurozone déçoivent les marchés dans leur gestion de la dette

▪ Cet automne 2011 fait passer au-dessus de nos têtes une véritable escadrille de « cygnes noirs ». Il y a eu le record de onze séances de repli consécutif du CAC 40 de 22 juillet au 11 août… Il y a eu la chute de 30% sans aucun rebond de plus de 10%… Il y a eu le plus gros écart de performance entre Wall Street et Paris en six mois depuis la création du CAC 40… Et voici que les indices des Etats-Unis enregistrent leur plus longue série de baisses à l’approche de Thanksgiving depuis 1930.

Wall Street a enchaîné quatre replis sur quatre la semaine dernière. Surtout, la place américaine aligne sept séances consécutives de baisse, avec un Nasdaq à -0,75%, tandis que le S&P et le Dow Jones en sont à -0,2%.

Nous redoutions que cette série noire n’entame le moral des consommateurs. Toutefois, il faut croire que les épargnants américains ont fait leur deuil de leurs placements boursiers ; ils préfèrent apparemment noyer leur désillusion dans les bousculades (parfois meurtrières) qui ont marqué le début de la période des soldes dans les centres commerciaux américains.

Wall Street en revanche commence à s’inquiéter des attaques spéculatives que ses propres banquiers orchestrent contre les dettes souveraines européennes. Goldman Sachs invite ouvertement ses clients à rester à l’écart de l’euro sous toutes ses formes.

▪ Une stratégie que beaucoup d’opérateurs s’empressent de suivre, constatant que l’Allemagne reste sourde aux menaces de dislocation de l’Eurozone. Il n’a échappé à personne qu’en Italie comme en Espagne, les niveaux des taux longs sont en train de franchir le point de non-retour. Rome est parvenu à refinancer 10 milliards d’euros mais à tout près de 8% (sur des échéances de six mois à deux ans), une situation carrément intenable.

L’euro a chuté sous les 1,345 $ dès mardi puis s’est replié jusque vers 1,3330 vendredi. Cela traduit bien cette défiance vis-à-vis de l’incapacité des dirigeants européens à mettre en oeuvre une riposte face à la campagne de dénigrement menée par les pays anglo-saxons.

Le comble de l’ironie, c’est que l’Angleterre — au bord de la faillite — fait désormais figure de « refuge ». Le rendement des Gilts à 10 ans tombe sous celui des Bunds allemands alors que la Banque d’Angleterre monétise la dette britannique à tour de rotatives… ce qui inclut des centaines de milliards de créances pourries héritées de Northern Rock, Lloyd’s TSB et autres Royal Bank of Scotland — sans parler de l’exposition à la dette irlandaise.

Les marchés ont été consternés par le mini-sommet de Strasbourg jeudi et la réaffirmation qu’aucune réforme du statut et des missions de la BCE ne sortira du sommet du 9 décembre. Par conséquent, les cambistes ont jeté l’éponge vendredi, ce qui pourrait préfigurer une décrue de l’euro en direction des 1,30 $, affirment les chartistes.

Si tel était le scénario, il y aurait clairement péril en la demeure pour les places boursières européennes : elles s’en sortiraient bien si les planchers annuels étaient préservés !

▪ Peut-être les protagonistes du sommet de Strasbourg se sont-ils rendu compte que la situation pourrait vite devenir incontrôlable. Ils tentaient ce week-end d’allumer un contre-feu par le biais d’un article publié dans le Welt am Sonntag ce dimanche. Il serait question de la mise sur pied d’un nouveau pacte de stabilité et de croissance conclu entre une liste réduite de pays jouant un rôle majeur dans l’Eurozone et qui permettrait d’éviter d’attendre une réforme des traités qui pourrait prendre plus d’un an si tout se passe bien… et le double si quelques pays formulent des objections justifiées.

La chancelière allemande et le président français pourraient dévoiler dès cette semaine les contours d’un nouveau plan de lutte contre la crise de la dette. Ce serait l’une des conditions posée par la Banque centrale européenne pour intervenir de façon beaucoup plus massive sur les marchés.

▪ Est-ce que des rumeurs allant dans ce sens circulaient déjà en Europe vendredi après-midi (elles n’ont manifestement pas traversé l’Atlantique vu la rechute du Nasdaq) ? Toujours est-il que Paris en terminait sur une hausse de 1,25% après plus de six heures de suspense à proximité d’un nouveau seuil de rupture moyen terme.

L’indice CAC 40 s’est redressé jusque vers 2 870 points. Cependant, la hausse s’est enrayée à ce niveau, de la même façon que jeudi et mercredi — l’ex-support du mois d’août et de mi-septembre se transformant en résistance. Une clôture à 2 867 points a réduit la perte hebdomadaire à 4,7% contre pratiquement -7% vendredi matin vers 10h30. Le mois de novembre reste néanmoins perdant de 12%, un des pires bilans mensuels de la décennie.

▪ La couleur de la toile de fond conjoncturelle semble vouloir se confondre avec une flaque de goudron par une nuit sans lune. D’après la dernière enquête de l’INSEE publiée vendredi, la confiance des ménages s’est à nouveau dégradée en France en novembre, l’indicateur synthétique du mois en cours s’établissant à 79 points, son plus bas niveau depuis février 2009, au pire de la récession post-Lehman.

En cours de soirée vendredi, Fitch a dégradé une nouvelle fois la note du Portugal. Les deux autres agences menacent de s’en prendre à la notation de la Belgique (qui serait enfin parvenue à se doter d’un gouvernement ce dimanche)… mais également du Japon, où la consommation et les prix sont repartis à la baisse en octobre, en raison notamment du repli des coûts des transports et des offres culturelles.

Cela ressemble à une plaisanterie, parce que le problème, c’est les 230% d’endettement du pays — ce qui équivaut au taux cumulé de la France, de l’Allemagne et de l’Espagne.

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