La Chronique Agora

Pas de normalisation monétaire sans catastrophe (3/5)

Le rapport in Gold We Trust que nous épluchons évoque tout ce qui pourrait interrompre fâcheusement la normalisation monétaire en cours et ranimer l’or.

Ronald-Peter Stöferle et Mark J. Valek (S&V) estiment que c’est avant tout la hausse arrogante des marchés actions qui a joué contre le cours de l’or au cours des 12 derniers mois. Je vous propose aujourd’hui de voir quels scénarios les deux Autrichiens considèrent à même de déclencher la hausse du cours du métal jaune.

L’année passée, S&V avaient passé en revue les différents risques qui planaient sur l’économie mondiale en les classant entre cygnes noirs, cygnes gris et cygnes blancs. On ne retrouve pas de telle taxinomie cette année.


La fin de l’économie Boucle d’or, ses conséquences sur le dollar et sur l’or

L’économie Boucle d’or fait référence au conte des frères Grimm. Ses tenants pensent qu’il existerait une politique économique et monétaire de juste mesure qu’une administration serait capable de piloter.

S&V misent au contraire sur le fait que la Fed ne parviendra pas à mener à bien sa politique de normalisation jusqu’à son terme. Pour eux, le cycle de croissance économique actuel a très peu de chances de survivre à une augmentation des taux courts et à la réduction de la taille du bilan de la Fed.

« La question centrale à laquelle nous sommes actuellement confrontés est celle-ci : qu’arrivera-t-il au dollar américain si le scénario actuel de Boucles d’Or est remis en question, que des inquiétudes au sujet d’une récession apparaissent et que la Fed doit inverser le resserrement de sa politique monétaire ? »

Les dernières périodes de faiblesse du dollar ayant causé la hausse du métal jaune, il y a fort à parier que le demi-tour qui s’ensuivrait au niveau de la politique monétaire américaine aurait naturellement toutes les chances de « déclencher une accélération du prix de l’or. »

S&V voient dans la guerre commerciale que mène l’administration Trump un autre facteur de dépréciation du dollar US. Comme l’a déclaré Steven Mnuchin à Davos,

« De toute évidence, un dollar plus faible nous est favorable pour le commerce et les opportunités. »

Les neuf forces poussant dans le sens d’une récession

S&V ne dressent pas moins de neuf causes qui finiront par faire mentir les prévisions de croissance éternelle:

Depuis 1971 et l’abandon de l’étalon or, une diminution de l’écart des taux a toujours annoncé une récession :

S&V évoquent d’autres signaux comme la faiblesse des actions de General Electric qui sont « représentatives de la vieille économie », la faiblesse de la configuration technique des FANG ou encore le ratio or/platine qui pointe vers une récession (la demande de platine étant essentiellement industrielle) lorsqu’il approche les 100%. Voyez où en était ce ratio au 29 mai…

Pour eux, la conjonction en 2017 de la première année de baisse du dollar depuis cinq ans et de l’appréciation concomitante « de l’or, de l’argent, des métaux industriels […] et bien sûr des matières premières énergétiques » […] et de Wall Street « est caractéristique d’un boom gonflé par la dépréciation [du dollar]. Nous considérons cette situation comme un exemple classique d’un marché baissier imminent sur le dollar, le coup de feu de départ que la majorité des investisseurs n’a pas encore entendu « .

Comme le fait apparaître ce tableau, l’or exprimé en dollars US se comporte très bien au cours des récessions américaines.

De l’or, mais où acheter et quoi, vous demandez-vous ? Nous vous conseillons cette pièce qui possède des caractéristiques bien précises et font qu’elle profite d’une fiscalité exceptionnellement douce même en France. Découvrez-la ici.


Le niveau d’endettement ne va pas aider la Fed à normaliser sa politique

S&V font une remarque lourde de sens au sujet des prévisions du CBO dont je vous parlais ici. Voici ce qu’ils écrivent :

« Il est important de noter que les prévisions du CBO reposent sur des hypothèses très positives, en particulier sur le fait que le CBO a basé son modèle sur des années non récessionnistes. Ainsi, de notre point de vue, le déficit budgétaire sera probablement significativement plus élevé dans les dix prochaines années que ne le prévoit le CBO. »

Merci à S&V de s’être infligé la lecture des austères rapports de ces fonctionnaires américains, ce qui nous montre qu’il ne faut en aucun cas s’en remettre les yeux fermés aux conclusions de ces derniers !

Avec une dette publique américaine qui devrait atteindre les 33 851 Mds $ en 2028 (soit une multiplication par six en 10 ans), les auteurs citent l’analyste et investisseur Kevin Muir :

« Si nous continuons à enregistrer des déficits à un tel rythme, nous devrions réfléchir au fardeau de la dette que nous allons laisser à Keith Richards » !

Le déficit budgétaire tel qu’anticipé à horizon 10 ans ramènera les Etats-Unis à une situation qu’ils n’ont connue qu’une seule fois au cours de leur histoire, celle de la période 2009-2012. La différence étant que « c’était une phase où la Fed absorbait près de 500 Mds $ de dettes par an avec son QE. Désormais, nous sommes en mode QT, ce qui rend la situation actuelle beaucoup plus délicate. » La question est donc : « dans quelles proportions le déficit américain explosera-t-il suite à la prochaine récession ? »

Pour ce qui est de la dette des ménages, voici où en sont les Etats-Unis.

S&V font également mention de l’augmentation du taux de défaut sur les cartes de crédit et de la baisse du taux d’épargne des ménages américains que j’avais déjà évoquée ici.

 

Voilà de quoi s’interroger sur la nature de la reprise économique américaine et sur la capacité de la Fed à mener à bien son plan de normalisation sans déclencher de récession…

Sans pour autant parler de krach obligataire, S&V estiment que le marché obligataire haussier, en particulier aux Etats-Unis, « pourrait lentement arriver à sa fin ».

Les auteurs citent Warren Buffett :

« Les placements libellés dans une devise donnée comprennent les fonds monétaires, les obligations, les hypothèques, les dépôts bancaires et d’autres instruments financiers. La plupart de ces investissements basés sur les devises sont considérés comme «sûrs». En vérité, ils sont parmi les plus dangereux des actifs. Leur bêta peut être nul, mais leur risque est énorme. »

Il n’y a pas que dans les colonnes de La Chronique Agora qu’on le dit !

Nous verrons très prochainement la position de S&V vis-à-vis des marchés actions.

 

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