Il faut en être bien conscient : en ce moment, le système monétaire et économique mondial ne tient plus qu’à des mots.
Ceux de Jean-Claude Trichet… de Tim Geithner… de Ben Bernanke… de Wen Jiabao… et de tous les autres. Pour l’instant, les intervenants financiers choisissent de croire aux paroles rassurantes et autres engagements formels — c’est dans leur intérêt, me direz-vous. Mais qu’arrivera-t-il lorsque même cette limite-là sera dépassée ?
Un énième plan de relance sera mis en place, bien entendu… mais l’argent qui le composera sera entièrement fictif. Il sera créé de toutes pièces. Quelle que soit la devise dans laquelle il sera libellé… il sera littéralement né "à partir de rien". Sauf s’il repose sur l’or… mais bien entendu, cher lecteur, vous savez comme moi qu’on n’y est pas encore.
A propos de plans de relance et d’effondrement financier, je vous livre ci-dessous un long extrait d’un article rédigé par Philippe Béchade pour le magazine MoneyWeek. Il donne un éclairage intéressant sur le sujet que j’abordais la semaine dernière — les différences de réaction des marchés entre l’Europe et les Etats-Unis, l’euro et le dollar.
"Quel pays affiche les besoins de refinancement les plus colossaux, si ce n’est l’Amérique elle-même ?", se demande Philippe. "Elle ne peut que se féliciter de voir la Grèce monopoliser l’intransigeance des marchés alors que la faillite de la Californie, du Texas, du Michigan, représente des enjeux financiers incomparablement supérieurs à un défaut de paiement d’Athènes : ceux-là sont à l’échelle d’une faillite potentielle de l’Espagne ou de l’Italie".
"Mais personne n’envisage que, confrontés aux mêmes difficultés que l’Europe, les Etats-Unis volent en éclats et renouent avec une situation comparable à celle qui prévalait avant le Mint Act (du 2 avril 1792) qui instituait l’adoption d’une monnaie unique — le dollar — dans les treize Etats de l’Union. Le dollar a survécu à toutes les turpitudes, y compris à la guerre de Sécession ! L’euro serait-il confronté en 2010 à des circonstances historiques encore plus terribles ?
"Certains économistes un peu provocateurs prétendent que nous assistons à un autre type de guerre tout aussi impitoyable : celle que se livrent deux superpuissances économiques pour attirer des capitaux qui leur font défaut, dans un contexte où l’épargne mondiale disponible ne permet plus de renflouer tous les pays victimes des déficits excessifs. Et dans ce contexte, ce sont les créanciers qui ont le plus à perdre, et en l’occurrence les banques occidentales dans leur ensemble ainsi que la Chine. S’agissant de cette dernière, l’essentiel de ses réserves est libellé en dollar et non en euro, et il en va de même pour le Japon et les monarchies du Golfe. De ce point de vue, l’actuelle dévaluation de l’euro par rapport au billet vert est un moindre mal".
"Pour les banques européennes, l’éclatement de l’Eurozone créerait bien plus de difficultés qu’elle n’en résoudrait. En imaginant la plus extravagante des hypothèses, les pays contraints de faire sécession — ou renonçant de leur plein gré à l’euro — resteraient endettés dans une devise bien trop forte pour espérer échapper au défaut de paiement une fois revenus à leur ancienne unité de compte".
"Une dévaluation massive par rapport au noyau dur des pays qui conserveraient un euro fort les acculerait à une faillite comparable à celle de l’Argentine en 2001. Les populations n’échapperaient pas à une effroyable cure d’austérité et seraient de surcroît victimes d’une poussée d’inflation sans précédent".
"Les banques devraient faire une croix sur un pourcentage élevé de la valeur de créances qu’elles pensaient sans risque, bien à l’abri derrière le bouclier de l’euro. Subissant de lourdes pertes et se retrouvant dans l’incapacité de prêter, elles précipiteraient à leur tour les pays dits vertueux puis les pays exportateurs dans une récession ‘à l’Argentine’."
"Autrement dit, la désintégration de la Zone euro entraînerait celle de ses principaux créanciers du secteur privé : ceux-là n’ont effectivement pas intérêt à encourager la spéculation ni à relayer les rumeurs alarmantes au-delà du point de non-retour… mais personne ne sait précisément où il se situe dans le contexte actuel !"
Des mots, disais-je, des rumeurs, des on-dit. J’espère que vous avez de l’or dans votre portefeuille, cher lecteur…
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora