La Chronique Agora

Les parasites mènent les marchés à un krach majeur

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Les investisseurs passifs écrasent désormais les investisseurs actifs. En cas de forte baisse, il n’y aura plus assez d’acheteurs pour freiner la tendance.

Le free-riding est l’un des plus anciens problèmes qui se pose, sur les plans économique et de la société en général. En résumé, le free-riding consiste à tirer parti d’une situation économique sans valeur ajoutée. Le meilleur exemple est celui d’un parasite : le parasite suce le sang de son hôte pour survivre, mais ne contribue en rien à son bien-être.

Tenez, prenons une image. Imaginez quelques parasites qui vivent sur un éléphant ; c’est gênant mais plutôt inoffensif. Mais tôt ou tard, ils se passent le mot et de nouveaux parasites arrivent. Au bout de quelques temps, les parasites commencent à affaiblir l’éléphant, mais ce dernier vit toujours. Finalement, un point critique est atteint : il y a tellement de parasites qui pompent le sang de l’éléphant, qu’il meurt. A ce stade, les parasites meurent, eux aussi. C’est une question d’avantage à court terme par opposition à la pérennité à long terme. Les parasites ne pensent qu’à court terme.

Un conducteur qui se sert de l’autoroute sans payer le péage ou les taxes est un free-rider. C’est également le cas des investisseurs qui s’approprient les analyses d’un courtier sans ouvrir un compte ni payer ses honoraires de conseil. En fait, les problèmes de free-riding surgissent dans presque toutes les entreprises humaines. L’astuce, c’est de limiter le plus possible le nombre de free-riders afin qu’ils ne saturent pas le service fourni au point de le détruire sans s’être acquitté de leur juste part.

Les plus grands free-riders du système financier sont les dirigeants de banques tels que Jamie Dimon, le PDG de J.P. Morgan. Aux Etats-Unis, les engagements bancaires sont garantis par le FDIC à hauteur de 250 000 $ par compte. Au-delà, ils sont garantis implicitement par la politique du « trop gros pour faire faillite » menée par la Réserve fédérale. Les grandes banques peuvent réaliser des swaps et autres contrats de dérivés hors bilan, sans fournir les fonds propres correspondant au risque de marché que cela implique. La Fed a maintenu des taux d’intérêt proches de zéro pendant des années afin d’aider les banques à réaliser des gains en empêchant leurs emprunteurs de profiter de taux d’intérêt bas.

En réunissant le tout (et j’en passe), on obtient des milliards de dollars de profits, et d’énormes salaires et bonus pour les dirigeants tels que Dimon. En quoi ces PDG contribuent-ils au système ? En rien. Ils s’y installent comme des parasites et en tirent parti sans rien offrir en retour. Considérant toutes ces subventions fédérales accordées aux banques, un animal de cirque pourrait tout aussi bien être PDG de J.P. Morgan, et les profits resteraient les mêmes. C’est l’essence même du comportement de parasite.

Le parasitisme des investisseurs passifs

Pourtant, il existe un autre problème de parasitisme, qui touche les marchés mais est plus difficile à cerner, et encore plus dangereux que les free-riders aux commandes des banques : le problème de l’investisseur « actif » par opposition à l’investisseur « passif ».

L’investisseur actif procède lui-même aux recherches et vérifications portant sur ses investissements, s’appuie sur un conseiller en investissements ou sur un fonds commun de placement qui réalise ses propres études et analyses. L’investisseur actif fait des choix, prend des risques, et s’avère vital pour la « découverte des prix » sur les marchés boursiers. L’investisseur actif peut gagner ou perdre de l’argent (en général, un peu des deux), mais dans tous les cas, il gagne son argent en ayant réfléchi à ses investissements. L’investisseur actif contribue aux marchés tout en tentant d’y gagner de l’argent.

Un investisseur passif est un parasite. L’investisseur passif achète simplement un fonds indiciel, attend et savoure le spectacle. Comme les marchés grimpent, essentiellement, l’investisseur passif gagne surtout de l’argent mais ne contribue en rien à la découverte des prix.

Jack Bogle, de Vanguard Investments, vante haut et fort les bienfaits de l’investissement passif. Il affirme que l’investissement passif est supérieur à l’investissement actif car il coûte moins cher, et parce que les managers actifs ne parviennent pas à « battre le marché ». Bogle incite les investisseurs à acheter et conserver des fonds passifs et à ignorer les fluctuations de marché.

Mais il y a un problème : ce que Bogle conseille est une stratégie de parasite. Les investisseurs passifs payent moins de frais alors qu’ils profitent de la découverte des prix, de la liquidité et des impulsions dans un sens ou dans l’autre que donnent les investisseurs actifs. Les investisseurs passifs font du free-riding sur le dos des investisseurs actifs qui travaillent dur, à l’image des parasites qui se nourrissent de la vigueur de l’éléphant.

Or, que se passe-t-il lorsque les investisseurs passifs sont plus nombreux que les investisseurs actifs ? L’éléphant commence à mourir.

Le graphique suivant l’illustre. Depuis 2009, plus de 2 500 milliards de dollars de capitaux ont été investis dans les fonds offrant des stratégies passives, alors que 2 000 milliards de dollars ont quitté les fonds offrant des stratégies actives. Les investisseurs actifs, qui font leur travail et contribuent à la liquidité du marché ainsi qu’à la découverte des prix, sont de moins en moins nombreux. Le nombre d’investisseurs passifs augmente rapidement. Les parasites commencent à accabler l’éléphant.

 

Cette situation est dangereuse car ce sont les investisseurs actifs qui portent le marché à bout de bras, lorsqu’il est soumis à des tensions. Si les marchés chutent rapidement, les investisseurs actifs identifient des titres qu’ils décident d’acheter – ou pas. Si les marchés flambent « en mode bulle », les investisseurs actifs peuvent décider d’encaisser leurs gains et de sortir du marché. Dans tous les cas, c’est l’investisseur actif qui agit comme un frein, lors des mouvements de hausse ou de baisse extrêmes.

Les investisseurs actifs jouent un rôle semblable à celui de ces anciens spécialistes du NYSE, qui devaient vendre lorsque tout le monde voulait acheter, et acheter lorsque le tout le monde commençait à vendre, afin de préserver l’équilibre des carnets d’ordres et la stabilité des marchés.

Les investisseurs passifs profitent peut-être bien du free-riding, actuellement, mais ils peuvent s’attendre à un choc lorsque le marché cèdera, comme il l’a fait en 2008, 2000, 1998, 1994 et 1987. Lorsqu’il s’effondrera, les gérants de fonds passifs seront forcés de vendre des actions afin de coller à l’indice. Ces ventes feront baisser le marché encore plus et contraindront les gérants passifs à vendre encore plus. Cette dynamique s’autoalimentera et accélèrera le krach de marché.

Les investisseurs passifs chercheront des investisseurs actifs susceptibles « d’entrer en jeu » pour acheter. Mais il ne restera plus d’investisseurs actifs, ou du moins pas assez pour que cela change quelque chose. Le krach de marché s’apparentera à un train lancé à pleine vitesse et qui n’a plus de freins.

[NDLR : Pour anticiper les gros mouvements de marché, Jim Rickards a mis au point un outil d’analyse inédit. Découvrez ici sa puissance et surtout comment le mettre à profit pour engranger des gains sur les marchés.]

 

 

 

 

 

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