▪ Le Sage d’Omaha expliquait dans le magazine Fortune pourquoi les obligations sont dangereuses :
« Les investissements basés sur une devise donnée comprennent des fonds monétaires, des obligations, des prêts hypothécaires, des dépôts bancaires et autres. La plupart de ces investissements sont considérés comme ‘sûrs’. En réalité, ils font partie des actifs les plus dangereux. Leur beta est de zéro, mais leur risque est énorme ».
« Au cours du siècle dernier, ces instruments ont détruit le pouvoir d’achat des investisseurs dans de nombreux pays alors même que leurs détenteurs continuaient de percevoir le versement des intérêts et du principal. Ce résultat consternant se reproduira toujours. Les gouvernements déterminent la valeur ultime de la devise, et les forces systémiques les pousseront parfois à graviter vers des politiques qui produisent de l’inflation. De temps à autre, de telles politiques échappent à tout contrôle ».
« Même aux Etats-Unis, où le désir d’une monnaie stable est solide, le dollar a perdu pas moins de 86% de sa valeur depuis 1965, date à laquelle j’ai pris la direction de Berkshire. Il ne faut pas moins de 7 $ actuels pour acheter ce qu’un 1 $ permettait d’acquérir à l’époque. Par conséquent, une institution affranchie d’impôts aurait eu besoin d’un intérêt de 4,3% annualisés sur ses investissements obligataires au cours de la période simplement pour maintenir son pouvoir d’achat. Ses gestionnaires se seraient fait des illusions s’ils avaient considéré cet intérêt, même partiellement, comme du ‘revenu’. »
« Pour les investisseurs qui paient des impôts comme vous et moi, la situation est bien pire. Sur la même période de 47 ans, le renouvellement continu des bons du Trésor US a produit 5,7% par an. Cela semble satisfaisant. Mais si un investisseur individuel payait des impôts sur le revenu personnel au taux de 25% en moyenne, ce rendement de 5,7% n’aurait rien rapporté en termes de revenus réels. L’impôt sur le revenu visible l’aurait dépouillé de 1,4 point du rendement annoncé, et l’impôt invisible de l’inflation aurait dévoré les 4,3 points restants. Notez que l »impôt’ implicite de l’inflation était plus de trois fois supérieur à l’impôt sur le revenu explicite, dont notre investisseur pensait pourtant qu’il était son principal fardeau […] ».
« Les taux d’intérêt élevés, en revanche, peuvent dédommager les acheteurs du risque inflationniste auquel ils sont confrontés avec les investissements libellés en devises — et il est vrai qu’au début des années 80, les taux y parvenaient très bien. Les taux actuels, en revanche, ne parviennent absolument pas à compenser le risque de pouvoir d’achat pesant sur les investisseurs. Actuellement, il faudrait mettre une étiquette ‘attention, danger’ sur les obligations ».
« Dans les conditions actuelles, par conséquent, je n’aime pas les investissements basés sur les devises ».
Buffett continue en expliquant pourquoi il n’aime pas l’or non plus. Il souligne que depuis 1965, le rendement total de l’or (sans tenir compte de l’inflation) était de 4,455%. Mais le rendement total sur les actions était plus élevé, à 6,072%.
La différence entre les deux, c’est que l’or est un investissement « stérile », déclare Buffett. Pas les actions.
Il a raison. L’or n’est utile pour la protection de votre pouvoir d’achat que lorsque le système monétaire est en danger. Quasiment tout le reste du temps, vous vous en tirerez mieux avec les actions… les entreprises… les terres agricoles ou tout autre actif productif.
Voilà pourquoi Buffett préfère actuellement les actions. Et c’est pourquoi nous préférons actuellement l’or.
Buffett abandonne volontairement la protection de l’or pour obtenir le potentiel de hausse des actions. Nous abandonnons volontairement le potentiel de hausse des actions pour obtenir la protection de l’or.
Qui a raison ?
Seul l’avenir nous le dira. Nous pensons que l’avenir nous dira que Buffett a raison… à court terme. Mais nous ne passerons quand même pas aux actions. Parce que le risque est trop élevé de voir l’avenir nous donner raison.
En d’autres termes, l’issue la plus vraisemblable… pour autant que nous puissions en juger… est que le monde financier se traînera plus ou moins dans la même direction que celle qu’il suit actuellement. Peut-être pendant de nombreuses années. L’or, déjà cher en termes de pouvoir d’achat, pourrait stagner… voire n’aller nulle part. Après tout, nous sommes toujours dans une Grande Correction. Tant que nous suivons les pas du Japon, il n’y a pas de raison précise de voir l’or grimper.
▪ Un pari sur l’improbable
Mais nous ne parions pas sur l’issue la plus vraisemblable. Nous parions sur l’issue qui est sous-évaluée. Celle qui a le plus de chances de rapporter… ou de nous éclater à la figure. Selon nous, les investisseurs n’estiment pas encore à leur juste valeur les risques de catastrophe financière, de guerre ou de révolution.
Nous avons appris il y a quelques jours que des centaines de milliers de Grecs étaient descendus dans la rue. « Les émeutiers brûlent des bâtiments », rapportait Bloomberg.
Parallèlement, il ne se passe guère de jours sans que nous entendions parler d’une attaque imminente sur l’Iran.
Les économies développées empruntent de l’argent à deux ou cinq fois le taux de croissance de leur PIB.
Et les plus grandes banques centrales de la planète n’arrêtent pas d’imprimer de l’argent.
Peut-être que Buffett aura raison. Peut-être que les 47 prochaines années seront comme les précédentes. Mais ça ne nous semble pas être un pari très sain. Toutes les conditions importantes sont complètement différentes — voire carrément opposées.
Rappelez-vous des années 1965 à 2012. Elles n’étaient pas parfaites. Mais elles n’étaient pas si mauvaises. Les Etats-Unis étaient la première puissance mondiale… et ils grimpaient encore. Ils étaient créditeurs nets du reste du monde. Ils étaient les premiers exportateurs d’énergie. Ils étaient les plus grands investisseurs de la planète. Leurs habitants gagnaient de plus en plus d’argent — en termes réels. La dette du gouvernement et de consommation, en tant que pourcentage du PIB, était à peine un cinquième de ce qu’elle est aujourd’hui.
Bien entendu, tout n’était pas rose. Les Etats-Unis s’enfonçaient dans une guerre coûteuse et perdue d’avance. Cela mènerait à de grosses factures à payer dans les années 70… et à des temps difficiles. Mais dans l’ensemble, les meilleurs jours des Etats-Unis étaient encore à venir.
Aujourd’hui ?
Aujourd’hui, les marchés émergents se développent bien plus vite… et grignotent les parts de marché des Etats-Unis. Ces derniers sont profondément endettés. Des secteurs majeurs ont été zombifiés. Plus de la moitié des électeurs dépend de l’argent du gouvernement. Le capitalisme américain dégénéré et sa démocratie gériatrique ne peuvent s’adapter aux défis qui les attendent. Et le travailleur moyen n’a pas vu son salaire augmenter depuis l’administration Johnson. En 1965, les Etats-Unis étaient en route pour la gloire. En 2012, ils vont peut-être en enfer.
Mais qui sait ? Peut-être que Buffett aura raison.
Tout de même… nous nous en tiendrons à notre formule.
Achetez de l’or durant les creux. Vendez les actions durant leurs rebonds.