▪ Les médias, les professionnels de la finance, les forums boursiers étaient uniformément haussiers mardi soir. L’indice VIX en a profité pour inscrire un plancher historique de 13,5 durant quelques minutes, avant de revenir au contact des 14,5. Cela traduit un niveau de confiance — et même d’invulnérabilité — des marchés tout à fait exceptionnel.
De façon à peine surprenante, les indices ont corrigé de 1,2% en Europe dès le lendemain, mas pas Wall Street. C’est comme si le S&P ne pouvait pas se contenter de retracer ses sommets de début avril (1 420 points) et devait se laisser aspirer par son zénith historique de fin octobre 2007.
▪ Un S&P en octobre 2007, ça ressemblait à…
A l’époque, le S&P évoluait au-delà de 1 500 points, il reflétait une croissance mondiale supérieure à 4,5% (avec une Chine qui carburait à 11% )… un PIB américain en hausse de +3,7%… des anticipations de hausse des bénéfices de 50% à l’horizon 2012 pour les valeurs vedettes du Dow Jones.
Aujourd’hui, le S&P évolue de 5 ou 6% en deçà de ses sommets de décembre 2007. Si nous réintégrons le versement des dividendes depuis cette époque, les marchés américains évoluent d’ores et déjà au-delà des records absolus de juin ou d’octobre 2007 !
Et nous entendons quotidiennement de beaux esprits nous affirmer qu’aux niveaux actuels, les actions américaines ne sont pas chères. Ils en veulent pour preuve des rendements obligataires quasi nuls, et qui devraient le rester encore très longtemps.
Il est vrai qu’un rendement de 1,5% sur les actions américaines comparées à des taux de prise en pension négatifs dans de nombreux pays, c’est Byzance.
Partant de ce genre de raisonnement, même à 5 000, le S&P ne serait toujours pas cher et bien plus rentable que des Schatz (bons du Trésor allemand) à deux ans !
Par rapport à zéro, n’importe quel rendement légèrement positif apparaît infiniment plus attractif.
Une consolidation de Wall Street ne constituait même pas un sujet de conversation mercredi soir. Les indices américains ont en effet ignoré la morosité des places européennes pour terminer stables.
▪ Retour sur une image d’Epinal
Nous avons préféré utiliser notre chronique de mercredi pour brosser un petit portrait de la Chine en décalage avec les images d’Epinal qui circulent dans les salles de marché et certains articles de presse qui présentent ce pays comme le nouveau paradis du shopping de luxe.
Savent-ils — comme nous avons pu le constater — que les Chinois sont beaucoup plus nombreux aux Galeries Lafayette du boulevard Haussmann que dans n’importe quel centre commercial dédié aux marques occidentales de Shanghai ou Pékin ? Et ce constat est encore pire dans les » villes moyennes » de deux à huit million d’habitants.
Savent-ils que dans la plupart des malls climatisés des beaux quartiers et des belles avenues, les vendeurs sont plus nombreux que les clients potentiels ?
▪ Une statistique chinoise en nette baisse
Nous refermons cette parenthèse pour enchaîner sur une statistique qui ne nous a absolument pas surpris : le PMI manufacturier chinois établi par HSBC au mois d’août est ressorti à 47,8.
Il ressort en nette baisse par rapport à juillet où il était de 49,3 ; c’est le neuvième repli consécutif que l’on observe. Il s’agit là d’une série noire sans précédent depuis 2008. Cet indicateur ravive symétriquement les espoirs des opérateurs de voir la banque centrale chinoise agir pour soutenir son économie.
Mais Pékin ne peut plus orchestrer le même genre de plan de relance massif qu’en 2009, ni par injection directe de 450 milliards de dollars de cash, ni par un soutien massif au crédit immobilier, car le pays vit désormais sous la menace de l’éclatement d’une gigantesque bulle immobilière.
Certes, les économistes sont convaincus que le gouvernement n’hésitera pas à racheter aux banques locales les centaines de milliers (car cela se joue à cette échelle) de logements invendus pour se transformer en plus grand loueur résidentiel de la planète.
Une telle stratégie sauverait instantanément l’Espagne, il lui a juste manque juste 2 500 à 3 000 milliards de dollars de réserves de cash pour intervenir dans l’urgence.
▪ L’Espagne, un nouveau cas d’urgence pour l’Europe
C’est l’Espagne toute entière qui est devenue un cas d’urgence pour l’Europe. Nul ne doute plus qu’elle appellera Bruxelles au secours mais chacun sait bien que cela équivaudra à une mise sous tutelle économique du pays… et Madrid n’est pas pressé de pratiquer un hara-kiri politique.
Pour sauver l’Espagne, il faudra également que la BCE obtienne le feu vert pour imprimer de l’euro sans limite et sur une période indéterminée (cela pourrait durer jusqu’en 2015 ou 2016).
Cela se ferait via le MES ou tout autre mécanisme de rachat de dettes souveraines conçu dans le même esprit mais Allemands, Néerlandais et Finlandais y restent farouchement opposés.
▪ Planche à billets ou explosion ?
Alors l’alternative semble très simple : ou Angela Merkel et la Bundesbank acceptent que la BCE fasse tourner la planche à billets à la vitesse de la lumière dès cet automne, soit la Zone euro explose avant le 12 décembre 2012 comme s’y attendent les apocalyptiques.
De notre point de vue, si Angela mange son chapeau, elle perdra les prochaines élections, l’euro ira au tapis ET la Zone euro explosera de toute façon d’ici deux ans.
Alors pourquoi s’être infligé tant de souffrances, s’être enfoncé dans la récession et le chômage de masse s’il était si simple de tout résoudre dès le printemps 2009 en imprimant de la fausse monnaie, comme le firent sans état d’âme les Américains ?
Parce que du point de vue allemand, imprimer trois euros pour obtenir entre 1,5 et 2 euros de PIB supplémentaire (comme aux Etats-Unis), c’est courir à la catastrophe… Et cela ne résout de surcroît aucun des problèmes d’écart de compétitivité entre le nord et le sud de l’Europe.
Cela risque au contraire de les aggraver puis de contaminer les pays qui pratiquent une gestion équilibrée, avec au final une dégradation de la notation de la dette et une hausse non maîtrisable des coûts de refinancement en cas de nouvelle crise systémique dans la Zone euro.
Certains stratèges seraient-ils convaincus que l’Allemagne n’autorisera pas la BCE à faire tout ce dont rêvent les marchés depuis le 25 juillet dernier… et qui justifiait les 16% gagnés depuis lors ?
Car Paris affichait rapidement 0,85% de hausse jeudi matin et renouait avec les 3 500 points. Mais la vapeur s’est rapidement inversée avec de mauvais indicateurs d’activité flash PMI (sixième mois de contraction en Allemagne), et le CAC 40 perdait jusqu’à 1,3% lors de la réouverture de Wall Street.
Soutenu en fin de parcours par quelques rachats techniques, Paris ne perdait plus que 0,85% à 17h35 mais l’écart par rapport aux plus hauts du jour reste important (il reste proche de 2%).
Cette évolution négative des cours déroute les investisseurs les plus optimistes qui avaient repris espoir dans la poursuite du cycle haussier du fait des minutes de la Fed, jugées très encourageantes lorsque l’on décrypte le texte publié hier soir.
▪ La Fed va-t-elle faire quelque chose ?
Il apparaît qu’une majorité des collègues de Ben Bernanke se déclarait favorable à de nouvelles mesures d’assouplissement monétaire. Un front minoritaire reste opposé au recours à la planche à billets, mais le diagnostic d’une croissance trop faible et qui risque encore de ralentir aux Etats-Unis est sans ambiguïté : la Fed va » faire quelque chose « .
Mais que peut-elle faire qu’elle n’aurait jamais fait quand les indices boursiers américains sont au plus haut… pas seulement depuis quatre mois mais bien depuis quatre ans ?
La fin de cette journée de jeudi a été marquée par une poursuite du repli du dollar sous les 1,25 euro : il chutait de 0,5% supplémentaire, jusque vers 1,2580.
Alors que Wall Street se montrait sceptique jeudi soir, les cambistes semblaient de nouveau croire à un geste de la Fed, lequel pourrait être détaillé lors du sommet de Jackson Hole vendredi prochain.
▪ L’or est à surveiller
Mais le phénomène qu’il va falloir surveiller de près ces prochains jours, c’est le réveil de l’or qui a refranchi avec autorité et détermination la résistance des 1 640$ l’once : sa progression (3,6% à 1 672$) s’avère en effet supérieur au repli du dollar (-1,8% contre euro) sur la semaine écoulée.
S’agit-il d’un grand réveil ?
Bien peu nombreux sont les stratèges à se poser la question : ils sont bien trop obnubilés par la détermination de la date à laquelle l’Espagne appellera l’Europe au secours !