La Chronique Agora

Obligations, inflation et pétrole : un trio sur lequel nous ne parierions pas

** Le rendement d’un bon du Trésor US est à peine supérieur à 4%. Voilà qui nous intrigue.

* Les gens achètent des T-Bonds pour la sécurité. Les marchés des changes, qui détiennent des bons du Trésor à court terme, sont à des niveaux record. Nous comprenons quelqu’un qui voudrait détenir de l’argent dans un fonds de marchés monétaires… mais où est la marge de sécurité sur un bon à 10 ans rapportant moins que le taux d’inflation des prix à la consommation ? Même dans un fonds de marché monétaire, on perdra de l’argent lorsque le dollar chute — qu’il baisse par rapport à d’autres devises ou par rapport aux biens de consommation. Et qu’obtient-on en échange du risque ? Pas grand-chose. Le taux du T-bond à 91 jours n’est que de 1,66%.

* Actuellement, le taux d’inflation US — si l’on en croit les statistiques officielles — frôle les 5%. Acheter un bon à 10 ans plus bas d’un point de pourcentage n’est pas un investissement sûr — c’est de la spéculation, un pari sur la direction des taux à l’avenir. S’ils grimpent… la valeur des T-Bonds baissera.

* Ces derniers temps, cela commence à ressembler à un pari raisonnable.

* "La chute des prix soulage les inquiétudes sur la stagflation", titre un article du International Herald Tribune (IHT). Le pétrole a baissé de 15% environ par rapport à son sommet. Idem pour l’alimentaire. Serait-il possible que l’inflation ait atteint son sommet ? Se pourrait-il que la "guerre civile" entre l’inflation et la déflation touche à sa fin… et que la déflation soit la grande gagnante ?

* Peut-être. Ou peut-être pas.

* "La question, pour les investisseurs, est de savoir si le ralentissement des cours du pétrole et des matières premières va durer, ou s’il s’agit simplement d’un déclin temporaire causé par des augmentations trop rapides", continue le IHT. Si l’augmentation des prix ne dure pas, nous pouvons oublier tous nos préparatifs pour la lutte contre l’inflation. Nous pouvons simplement acheter des bons du Trésor US et attendre que le ralentissement actuel se termine, pas vrai ?

* Peut-être. Ou peut-être pas.

** L’inflation est environ deux fois et demi plus élevée que le taux directeur de la Fed. A l’étranger, de nombreux pays se trouvent confrontés à une inflation bien plus importante. Le taux d’inflation, en Russie, est de 14%. En Chine, il dépasse les 7%. L’inflation en Inde atteint les 12% environ. Et à Dubaï, elle est à 22%. Dubaï, au passage, est en pleine bulle. La région ne compte que 0,02% de la population mondiale — mais accueille 10% de toutes les grues de construction de la terre, et semble bien décidée à prouver au reste du monde que ses habitants sont encore plus idiots que les Américains, si c’est possible. Dubaï possède désormais le seul hôtel sept étoiles au monde… ainsi que l’immeuble le plus haut de la planète. Dans le port, on construit une série d’îles artificielles reproduisant une carte du monde.

* Les dieux doivent être en train d’observer… se préparant à donner une leçon à Dubaï. Que faudrait-il pour lui administrer un bout coup de pied dans l’arrière-train ? Une baisse du pétrole…

* Ces dernières semaines, l’or noir a baissé… et les nouvelles ont été essentiellement déflationnistes. Le S&P a baissé de 14% sur l’année. Le credit crunch continue de faire souffrir les entreprises et les investisseurs. Nous avons appris hier que Merrill Lynch annonçait 5,7 milliards de dollars de pertes. On estime que Wall Street distribuera environ 10 milliards de dollars de bonus en moins cette année. Les titres adossés aux créances hypothécaires se vendent un cinquième seulement de leur prix de l’année précédente. Et selon le FMI, "on ne voit pas la fin de la crise du crédit".

* Cette dernière commence d’ailleurs à atteindre les riches aussi, selon le Financial Times. Les défauts de paiement sur des prêts hypothécaires de qualité augmentent. Idem pour les retards de paiement pour les meilleurs clients des organismes de cartes de crédit. AMEX, qui cible les emprunteurs de bonne qualité, a vu ses revenus décliner de 37% au second trimestre.

* Pendant ce temps, les investisseurs vendent leurs actions à découvert à des niveaux record. Les professionnels pensent que les actions sont un mauvais pari. Cela met les marchés boursiers sous pression. Un rally à la hausse peut être explosif, les vendeurs à découvert devant acheter pour couvrir leurs positions. D’un autre côté, les pros ont peut-être raison ; la déflation est une grande menace pour les actions. Les amateurs ont peut-être raison aussi — ils passent aux liquidités et aux obligations.

* Les liquidités, voilà qui est probablement une bonne idée. On est protégé contre les faillites et les pertes. Et on peut se couvrir si l’inflation empire. Passer aux obligations, c’est une autre histoire. Il s’agit d’un pari contre l’inflation faisant jouer l’effet de levier. Et oui, peut-être que l’inflation est morte à jamais. Mais nous ne serions pas prêt à le parier.

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