La Chronique Agora

Les obligations et le dollar US, un dangereux abri contre la crise de la dette souveraine

▪ Les gros peuvent être surprenants. Ils ne bougent pas très vite, mais ils peuvent être très agiles, intellectuellement parlant.

C’est comme ça qu’était G.K. Chesterton. Lawrence Lindsey, ancien assistant de George W. Bush en matière de politique économique, semble l’être aussi. Lent à se déplacer peut-être… mais d’un esprit très rapide.

Dans le Wall Street Journal, Lindsey livre des pensées qui pourraient venir directement de la Chronique Agora. Il note d’abord que les problèmes budgétaires auxquels est confronté le gouvernement américain sont plus vastes qu’on le déclare en général. Les taux de croissance ont été surestimés, dit-il, tandis que les coûts des intérêts et les déficits ont été largement sous-évalués. Lorsqu’on tient compte de suppositions plus réalistes, on se retrouve avec plus de 4 000 milliards de dollars de « coûts budgétaires » supplémentaires sur les quatre prochaines années. Il conclut :

« Sous-estimer la situation budgétaire de long terme ne date pas d’hier à Washington. Mais les chiffres n’ont jamais été si élevés ». »Il est impossible d’augmenter assez les impôts pour couvrir ces problèmes. Les propositions d’imposition des plus riches faites par l’administration Obama permettent de lever environ 700 milliards de dollars, moins d’un cinquième des suites budgétaires de l’excès de croissance économique projetée dans leurs prévisions ».

« Seule une sérieuse réduction des dépenses de long terme dans le domaine des avantages acquis peut commencer à attaquer le problème de la dette et des déficits du pays. Nos élus ne devraient plus être crédibles lorsqu’ils cachent le besoin de réformes sociales derrière des suppositions budgétaires et économiques optimistes. Même si nous devrions tous espérer un accord qui réduit les dépenses et augmente le plafond de la dette afin d’éviter une faillite possible, les investisseurs obligataires ne devraient pas se faire d’illusions ».

« Selon les politiques gouvernementales et les projections économiques actuelles, ils devraient bien plus s’inquiéter du retour de leur principal dans 10 ans que d’un délai potentiel à court terme concernant le paiement de leur coupon en août ».

▪ Les actions ont regrimpé. Le pétrole aussi, un peu. L’or est resté à 1 500 $. Toujours aucune direction claire.

Mais la direction du marché obligataire, ces derniers mois, était à la hausse. Voilà qui semble en contradiction directe avec les propos de M. Lindsey. Le QE2 est en train de prendre fin. Tout le monde le sait. La Fed était le plus grand consommateur de dette US au monde — achetant, certains mois, deux fois plus de dette que le gouvernement n’en émettait. Maintenant que le programme d’achat de la Fed prend fin, les obligations ne devraient-elles pas baisser ?

Si l’économie coule comme nous l’attendons, Lindsey passera pour un idiot — pendant un temps. C’est-à-dire que la Grande Correction va s’intensifier, plutôt que de disparaître. Les rendements obligataires chuteront, ils n’augmenteront pas. Les prêteurs gagneront de l’argent à mesure que les prix des obligations grimpent, tandis que les actions, l’emploi, les matières premières, les maisons et quasiment tous les actifs chuteront.

Les gens diront :

« Vous voyez, tout le monde veut du dollar US. Tout le monde veut acheter la dette du Trésor US. C’est la seule chose fiable. La dette n’est pas le problème ; le problème, c’est la croissance. C’est pourquoi nous avons besoin du QE3 ».

Tel est probablement le piège que M. le Marché est en train de tendre. La Grande Correction se traduira en mauvaises nouvelles pour les investisseurs — sauf pour ceux qui ont mis leur argent dans des dollars US « sûrs »… et dans la dette du Trésor américain. Les investisseurs transféreront progressivement de plus en plus d’argent hors des actifs « risqués » et vers les obligations américaines. M. le Marché pourra alors déclencher son piège. Comme le prévoit Lindsey, c’est à ce moment-là qu’ils cesseront de s’inquiéter des plafonds de dette et des discours sur les budgets du Congrès. C’est alors qu’ils réaliseront qu’il est trop tard. C’est alors que les rendements obligataires grimperont en flèche, tandis que les prix des obligations chuteront. C’est alors que les investisseurs regretteront d’avoir prêté de l’argent à Washington.

Dans combien de temps est-ce que ça se produira ? Si seulement nous le savions. Mais Bill Gross, célèbre pour avoir vendu ses obligations US, pourrait se révéler avoir eu des années d’avance.

Ensuite, M. le Marché — ce petit farceur — pourra rire à s’en tenir les côtes. Tous ces gens qui ont essayé de sortir du risque… en passant au dollar et aux bons du Trésor US… se prendront une volée de bois vert.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile