La Chronique Agora

Les obligations à 100 ans de SNCF Réseau : une absurdité de plus…

▪ Les sujets d’absurdité économique et financière ne manquent pas depuis quelques mois pour ne pas dire depuis quelques années.

– Valorisations d’actifs déconnectées de leurs fondamentaux.
– Création monétaire qui ne correspond pas à du crédit ; dans une économie qui fonctionne normalement, le système bancaire crée de la monnaie contre du crédit mais détruit cette monnaie au fur et à mesure du remboursement de ce même crédit.
– Taux d’intérêt négatifs, ce qui est difficilement imaginable. Le taux d’intérêt doit être compris entre une limite basse (mais positive), celle qui est telle que l’épargnant ne perde pas dans l’opération et une limite haute, celle qui permet à l’entreprise d’emprunter et d’investir sans perte ; ce qui revient à dire que la limite supérieure n’est rien d’autre que le taux de rentabilité du capital investi.

▪ Une nouvelle absurdité de notre environnement économique et financier : l’investissement sur un horizon de 100 ans
Nous avons, en effet, appris cette semaine que SNCF Réseau (ex Réseau Ferré de France) venait d’émettre de la dette… à 100 ans. Certes, le montant émis est faible (25 millions d’euros) et il s’agit plus d’un placement privé sur mesure pour les "besoins" d’un investisseur institutionnel que d’une émission obligataire proprement dite.

Ce genre d’opération préfigure peut-être une nouvelle "race" d’obligations

Mais ce genre d’opération préfigure peut-être une nouvelle "race" d’obligations. Nous avons déjà expliqué les risques des obligations d’Etat avec la naissance de nouveaux types de produits : titres subordonnés avec des rémunérations de plus en plus aléatoires (indexation sur la "croissance" ou sur les performances budgétaires) ; titres zéro coupon avec capitalisation des intérêts et remboursement du capital à échéance très lointaine (le retour des rentes perpétuelles en quelque sorte).

A première vue, tout le monde y trouve son compte.

Pour certains émetteurs (nous pensons plus particulièrement à des Etats ou des organismes publics, para-publics voire supranationaux), il s’agira de repousser leur insolvabilité aux calendes grecques.

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Pour certains investisseurs, il s’agira d’aller chercher du rendement sur des classes d’actifs de plus en plus risquées ou sur des maturités de plus en plus longues parce que les actifs prétendus les plus sûrs comme les emprunts d’Etat continuent à offrir des rendements toujours faibles ; or, personne ne voit comment ces rendements pourraient remonter avec les actions non conventionnelles passées, présentes et futures des banques centrales.

Pour la petite histoire, l’émission de SNCF Réseau à 100 ans ressortait à 2,78% à 100 ans. Franchement, qui peut assurer sur un horizon aussi long que ce risque est correctement rémunéré ? Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui la probabilité de défaut à un an d’une signature notée AA comme SNCF est de 0,02% qu’il faut en déduire (comme certains le font sur les marchés financiers) que cette probabilité est de 2% à 100 ans ou encore 0,02 défaut tous les 100 ans et deux défauts tous les 10 000 ans.

Quand bien même le risque de crédit serait correctement rémunéré, la rentabilité financière d’un investissement à 2,78% sur 100 ans est loin d’être assurée — sauf à ce que l’inflation moyenne sur les 100 ans qui viennent reste inférieure à 2,78%. Naturellement personne ne peut anticiper quoi que ce soit en la matière. Autant d’incertitudes et de paris qui témoignent du caractère hautement "spéculatif" d’un tel investissement.

▪ Jusqu’où va le long terme ?
L’investissement à très long terme se justifie-t-il ? Certains vous répondront que oui en mettant en avant que certaines institutions disposent de ressources très stables. Ce type de raisonnement nous dérange profondément pour au moins deux raisons :

– Dans le cadre d’une gestion de bilan raisonnable et sécurisée, les ressources considérées comme les plus stables et les plus pérennes subissent des risques de liquidité : elles ne sont pas immédiatement vendables.

– Certes les institutions sont "immortelles" (à la faillite et à la restructuration près) mais les responsables des institutions qui investissent sont "mortels". C’est un peu comme si un dirigeant en exercice achetait des produits financiers structurés avec un rendement assuré et bonifié sur une période de court terme (celle où il aura des comptes à rendre) tandis que la période de risques futurs est transférée : à la collectivité ou aux autres dirigeants.

Où est la responsabilité à 100 ans ?

Où est la responsabilité à 100 ans ?

Les investisseurs, quelle que soit leur expertise, leur expérience et leur professionnalisme, ont été et sont durant l’exercice de leurs fonctions protégés par ce que l’on a appelé le put Greenspan (Fed 1998-2006) puis le put Bernanke (Fed 2006-2014) et aujourd’hui le put Draghi (BCE depuis 2014), le put Kuroda (Banque du Japon depuis 2013). Et peut-être demain les puts Yellen et Carney si la Fed et la Banque d’Angleterre sont contraintes courant 2016 de revenir à des politiques d’assouplissement quantitatif (faisant ainsi plus qu’annuler les premiers relèvements de taux directeurs).

Pourquoi employer cette terminologie de put ? Lorsque vous êtes vendeurs de put sur un actif financier à un niveau de prix déterminé, cela signifie que vous pariez sur l’impossibilité que son prix descende en dessous de ce niveau. Le put des banquiers centraux est donc une assurance implicite mais inconditionnelle de la banque centrale de racheter à ce niveau. Les crises financières sont sans cesse repoussées dans le temps parce que les marchés sont persuadés que les politiques monétaires seront toujours là pour sauver le système financier international.

L’économiste et philosophe libéral américain Thomas Sowell écrivait :

"Il est difficile d’imaginer une façon plus stupide ou plus dangereuse de prendre des décisions que de mettre ces décisions entre les mains de personnes qui n’en tireront pas les conséquences en cas d’erreur".

En France, cet économiste est ignoré et certaines de ses citations de bon sens frappées d’omerta :

"Malgré une littérature aussi abondante que fervente sur la distribution de revenus, le fait est que la plupart des revenus ne sont pas distribués mais gagnés", ou encore : "la première leçon de l’économie est celle de la rareté : qu’on n’a jamais assez de tout pour satisfaire les besoins de chacun. Et en politique la première leçon est de ne pas tenir compte de la première leçon de l’économie".

L’action politique tombe sous le coup de la première citation. Il en est désormais de même pour le monde de la finance avec des décisions d’investissement prises par des responsables qui ne seront que très rarement les personnes qui auront à restructurer les actifs achetés auparavant.

Tant que les responsables ne seront pas punis de leurs échecs, il nous faudra malheureusement continuer à vivre dans un monde de crises altéré par l’inefficacité de l’action publique (surtout dans les pays les moins libéraux), les déséquilibres macroéconomiques et l’instabilité permanente des marchés financiers.

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