La Chronique Agora

Objectif d’inflation de 2 % de la Fed : que du vent ?

Fed inflation

L’objectif officiel d’inflation des prix de 2 % sans cesse revendiqué par la Réserve fédérale n’est guère plus qu’un slogan politique.

Les technocrates de la Réserve fédérale aiment employer une variété de slogans et d’expressions à la mode pour donner l’impression que la Réserve fédérale est une institution apolitique, avec une approche « scientifique » de choses, guidée uniquement par la volonté de gérer l’économie en bon père de famille. Plus spécifiquement, presque à chaque fois que le président de la Fed, Jerome Powell, fait une apparition, que ce soit lors de la conférence de presse habituelle du FOMC ou devant le Congrès, il n’oublie jamais de mentionner que la Fed « agit en fonction des données » et que son objectif est « d’atteindre le plein emploi tout en maintenant une inflation de 2 % à long terme ».

Bien sûr, ce discours semble à première vue bien attentionné et donne l’impression que la Fed se soucie de maintenir l’inflation des prix à un niveau relativement « faible ». En pratique, cependant, limiter l’inflation des prix n’est pas la véritable priorité de la Réserve fédérale. En réalité, la Réserve fédérale vise principalement à utiliser toute une panoplie de mesures de relance monétaire pour maintenir la charge des intérêts de la dette du gouvernement fédéral ainsi que le taux de chômage au niveau le plus bas possible, ce qui va à l’encontre de l’objectif officiel de contrôle de l’inflation.

En effet, ces dernières années, nous avons pu constater à plusieurs reprises que l’objectif officiel d’inflation des prix de 2 % sans cesse revendiqué par la Réserve fédérale n’est guère plus qu’un slogan politique.

Une inflation de 2% « à long terme »

La manière dont la Fed a augmenté à plusieurs reprises son taux d’inflation cible au cours des trente dernières années a démontré son manque de volonté de limiter la hausse des prix sur le long terme.

Après tout, cet objectif de 2 % n’est devenu la politique officielle de la Fed que depuis 2012. Ce chiffre a été choisi arbitrairement pour imiter la politique de la Banque centrale européenne, qui avait adopté un objectif de 2 % lors de l’introduction de l’euro en 1999. Avant cela, le seul objectif officiel d’inflation des prix était de zéro, tel qu’énoncé dans la loi de 1978 pour le plein emploi et la croissance durable.

Mais dans les années 1990, certains membres du comité de la Fed, en particulier Janet Yellen, ont commencé à demander un relèvement de cet objectif à 2 %. Après le lancement de l’euro, la Fed a adopté de manière informelle un objectif de 2 %, puis l’a officialisé en 2012. Cette politique, telle qu’énoncée, impliquait que la Fed chercherait à maintenir en permanence le taux d’inflation des prix aussi proche que possible de 2 %. Il est important de noter que l’objectif n’était pas de « 2 % au maximum », mais simplement de 2 %. Ainsi, à de nombreuses reprises au cours des vingt dernières années, on a souvent entendu des économistes de la Fed se plaindre que l’inflation des prix était « trop faible ». Et la Fed a répété à plusieurs reprises qu’elle cherchait à pousser l’inflation à la hausse pour atteindre l’objectif de 2 %.

Cependant, moins d’une décennie après l’adoption formelle du nouvel objectif de 2 %, la Fed l’a de nouveau modifié, abandonnant la cible stricte de 2 % au profit d’un objectif « à long terme » de 2 %. La Fed a déclaré explicitement que le but de ce changement était de permettre la poursuite « d’un objectif plus flexible d’inflation moyenne ». La Fed a précisé que ce changement était nécessaire car l’inflation des prix avait soi-disant été trop faible pendant trop longtemps, et cette nouvelle « flexibilité » permettait de maintenir un certain temps le taux d’inflation cible au-dessus de 2 % afin d’augmenter le taux d’inflation moyen à long terme.

Ainsi, depuis 2020, la cible d’inflation de 2 % permet en réalité de maintenir une inflation au-dessus de 2 %, parfois même largement au-delà, il suffit à la Fed de décréter que l’inflation des prix a été « trop faible » pendant la période précédente.

La Fed a également une flexibilité totale quant à la manière dont elle définit l’inflation des prix à long terme. Le « long terme » peut être défini comme n’importe quelle période choisie par la Fed. Actuellement, selon un document publié par la Fed de Richmond, pour « déterminer l’inflation annuelle moyenne sur une longue période de temps, nous calculons la variation annualisée de l’indice PCE des prix à la consommation entre deux dates ». Il semble d’après ce document que « le long terme » corresponde à la période de janvier 2012 à aujourd’hui.

Bien sûr, la période choisie a un impact majeur sur le taux d’inflation annuel moyen obtenu. En retenant janvier 2012 comme point de départ, l’inflation annualisée des prix ressort à 2,2 %. En revanche, si le point de départ retenu avait été août 2014 (c’est-à-dire il y a 10 ans au moment où j’écris ces lignes), alors l’inflation annualisée ressortirait à 2,4 %. Enfin, si le point de départ retenu était il y a 5 ans, l’inflation annualisée ressortirait alors à 3,5 %, soit 80 % de plus que l’objectif de 2 %. Comme par hasard, la période sélectionnée par la Fed lui permet d’afficher un taux moyen de 2,2 %, à un cheveu de la cible fixée, donnant ainsi l’impression qu’elle a magistralement dirigé l’économie américaine !

Un « équilibre » entre croissance de l’emploi et inflation des prix fondé sur des données manipulées

Cette flexibilité de la cible d’inflation des prix permet également à la Fed de faire pencher la balance en sa faveur lorsqu’il s’agit de trouver un équilibre entre les différents objectifs poursuivis dans le cadre de ce que l’on appelle son « double mandat ».

Powell et les autres technocrates à la tête de la Réserve fédérale affirment régulièrement que ce mandat oblige la Fed à s’assurer que les « objectifs d’emploi et d’inflation » sont « à peu près en équilibre ». Ces objectifs doivent être « équilibrés » car ils sont en conflit l’un avec l’autre : à court terme, une politique monétaire restrictive tend à ralentir les créations d’emplois. En revanche, si la Fed adopte une politique monétaire accommodante pour « stimuler » l’emploi, cela tendra, à court terme, à générer davantage d’inflation, que ce soit au niveau des prix des actifs ou des prix à la consommation.

Cependant, lorsque la Fed bénéficie d’une plus grande flexibilité pour ajuster elle-même la méthode de calcul de l’inflation à long terme, alors elle peut également décider plus facilement quand déclarer la victoire contre l’inflation. Cela lui permet ainsi de prétendre qu’elle peut de nouveau lancer des mesures de relance monétaire sans risquer de raviver une inflation excessive des prix.

Et il semble que ce soit exactement ce qui se passe en ce moment. Lors de la conférence de presse du FOMC au mois de septembre, le président Powell a déclaré que l’économie est en « excellente forme » et que c’est maintenant le moment pour la Fed de réduire les taux d’intérêt afin de relancer les créations d’emplois. Pourtant, comment la Fed peut-elle justifier un retour à une politique monétaire accommodante juste après que l’inflation a atteint des niveaux jamais vus depuis 40 ans ? Pour justifier cette décision, Powell a déclaré que le « Comité est maintenant confiant dans le fait que l’inflation se dirige de manière durable autour de 2 % ». Cette prétendue confiance repose toutefois sur la manière dont la Fed définit arbitrairement l’inflation des prix à long terme.

Voici le véritable mode opératoire de la Fed lorsqu’elle prétend « agir en fonction des données ». D’abord, elle adopte un objectif arbitraire d’inflation de 2 %, bien au-dessus de son précédent objectif de stabilité des prix défini par la loi. Ensuite, la Fed décide que ce nouvel objectif est trop contraignant et adopte donc un objectif plus « flexible » de 2 % en moyenne « à long terme » sur une période non spécifiée. Puis, la Fed sélectionne simplement la période qui lui permet de montrer qu’elle a presque atteint son objectif de 2 %.

Et l’étape suivante pour la Fed sera d’abaisser encore davantage ses taux d’intérêt directeur afin d’achever le seul objectif qui compte réellement pour elle : diminuer autant que possible la charge des intérêts de la dette publique afin que le Trésor puisse dépenser encore davantage et creuser de nouveau un déficit de deux mille milliards de dollars.

Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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