La Chronique Agora

Obama siffle un penalty contre les banques : Wall Street siffle Obama

 

▪ Moins de 48 heures après les autorités chinoises sifflant la fin de la récréation spéculative à crédit sur l’immobilier et les actions, c’est au tour de Barack Obama. Il a sifflé un penalty contre les banques « too big to fail » et contre le retour à des pratiques qui ont mené à l’effondrement du système — faisant siennes les recommandations de l’ancien patron de la Fed, Paul Volcker.

Le président américain déclare que « sa détermination est renforcée par le constat que de grandes firmes font obstruction aux réformes [via un intense lobbying auprès des membres du Congrès US, NDLR], et que certaines d’entre elles dégagent des profits faramineux mais prétendent parallèlement ne pas être en mesure de prêter aux petites entreprises, ni d’abaisser le taux des cartes de crédit ».

« Sans les sommes colossales prêtées par le contribuable, les banques auraient été incapables de succomber de nouveau à leurs ‘vieilles habitudes’ qui consistent à utiliser les liquidités gratuites offertes par la Fed pour ré-initier des opérations à effet de levier au lieu de les affecter au redressement de la situation de l’économie réelle ».

« Les banques devront choisir entre leurs activités de crédit et leurs activités de trading pour compte propre : très clairement, les dépôts des uns (les épargnants, les entreprises) ne pourront plus servir à financer les prises de risque des autres ».

Voilà qui va limiter considérablement leur marge de manoeuvre dans des opérations qui ne deviennent juteuses qu’à grande échelle. On pense en particulier au carry trade, qui consiste pour un institutionnel à emprunter à 0,13% auprès de la Fed pour placer temporairement ces sommes à 3,5%, 4% ou même beaucoup plus hors des Etats-Unis (ce qui induit la vente à découvert de dollars pour acheter les devises offrant la meilleure rémunération).

Si tous les investisseurs particuliers étaient autorisés à exploiter ce mécanisme d’une simplicité biblique, les fins de mois difficiles et les faillites personnelles auraient disparu depuis longtemps : tout le monde serait riche !

Nous plaisantons : le retour sur investissement est toujours proportionnel au risque encouru… A moins bien entendu que des petits malins ne s’arrangent pour monopoliser les gains au détriment d’une multitude d’agents économiques. Ces derniers assument alors — sans le savoir — le risque de contrepartie : ils restent prisonniers des caprices de la devise locale et qui plus est payent plein pot l’argent servant à financer leurs projets personnels ou industriels.

▪ Barack Obama aurait donc décidé de confisquer la corne d’abondance pour marquer le premier anniversaire de son investiture. Il en était resté au stade de la dénonciation oratoire, des effets de manches… les semaines et les mois ont passé et rien n’a bougé. Les bonus ont continué de gonfler et le marché de l’emploi américain de déprimer.

Mais qu’est-ce qui rend le président américain soudain si offensif ?

Cela n’aurait-il pas quelque chose à voir avec la défaite de la candidate démocrate, Martha Coakley ? Cet événement a été célébré mardi soir dans l’allégresse à Wall Street. L’industrie financière se félicitait de voir élu un farouche adversaire de la réforme de santé de Barack Obama — pourtant approuvée par une majorité d’Américains avant qu’une succession d’amendements ne la vide progressivement de sa substance et finisse par la rendre impopulaire.

Le soutien de Wall Street au candidat républicain Scott Brown ne pouvait être moins discret. La dénonciation présidentielle réitérée fin décembre concernant l’irresponsabilité des « banquiers gras » [dans le sens « engraissés par le contribuable », NDLR] agace les milieux d’affaires, qui ne manquent pas de fustiger l’irresponsabilité du gouvernement et du Congrès avant l’éclatement de la crise (mais les républicains n’étaient-ils pas au pouvoir ?).

Le risque de correction boursière devient d’autant plus fort que Wall Street, mis en position d’accusé, peut manifester sans ambiguïté sa mauvaise humeur. Le secteur de la finance pourrait créer un vent d’inquiétude parmi les épargnants… tout en accusant le président de réagir tardivement et au pire moment. C’est toujours le « pire moment »; lorsqu’il s’agit d’abandonner de gré — et surtout de force — de mauvaises habitudes…

Mais ce que nous redoutons par-dessus tout, c’est le fait que Wall Street sait pertinemment que la reprise servant d’alibi au gonflement vertigineux de la bulle boursière n’existe pas.

Il s’agit simplement d’un « rebond de chat mort ». Un sursaut technique (phénomène de restockage), poussif et laborieux, soutenu à coups de subventions et d’exemptions fiscales qui ne font que creuser les déficits et tourner à plein régime la planche à billets… alors que le crédit se contracte à un rythme alarmant, du fait d’une pénurie d’emprunteurs solvables.

▪ Une prise de conscience semble s’opérer, ce qui expliquerait le repli de 4% du CAC 40 en moins de 72 heures (l’indice culminait mardi soir vers 4 020 points). Cela faisait longtemps qu’un tel trou d’air n’avait pas été observé : il faut remonter au 26 novembre dernier pour trouver la trace d’un recul supérieur à 100 points par rapport au zénith de la séance.

Cette chute s’est déroulée en moins de 90 minutes ; les dégagements se sont accélérés au cours de la dernière demi-heure suite à la cassure des 3 915 points (ex-zénith d’octobre 2009).

L’enfoncement des 3 900 points a ensuite déclenché une rafale de ventes stop. Elles ont durement frappé le secteur bancaire, avec des chutes de 4,75% sur Société Générale, 3,6% sur le Crédit Agricole, 3,1% sur Dexia, 2,6% sur BNP Paribas.

Le CAC 40 clôturait au plus bas du jour (-1,7% à 3 862 points). L’indice national a enfoncé au passage un support technique : la MM50, qui gravite vers 3 870 points. Le tout dans un volume de 3,4 milliards d’euros qui s’est largement amplifié au cours de la dernière heure, avec les reventes dans l’urgence de nombreux opérateurs se sont fait piéger par un rebond intraday entre 3 930 et 3 965 points.

Mis à part le facteur politique, il y avait également des raisons macroéconomiques à la correction survenue lors de la seconde partie de l’après-midi. Les opérateurs évoquent le repli plus fort que prévu de l’indice Philly Fed, qui passe de 22,5 à 15,2 (au lieu des 18 anticipés).

Les investisseurs avaient par ailleurs quelques raisons de se montrer déçus par le chiffre des inscriptions hebdomadaires au chômage. Il a en effet progressé de 36 000 à 482 000 aux Etats-Unis lors de la semaine du 16 janvier. En revanche, le nombre de personnes percevant régulièrement des indemnités a reculé de 18 000 sur la semaine précédente pour atteindre les 4,6 millions — c’est une contraction purement mécanique.

Ce sont en tout pas moins de 12 millions d’Américains qui touchent des allocations pour cause de difficultés à retrouver un travail. Parallèlement, le taux de chômeurs de longue durée ne cesse de progresser.

▪ Mais il y a aussi une raison plus technique qui perturbe l’optimisme ambiant. Il s’agit de la chute de l’euro sous les 1,4050 face au dollar.

Les cambistes évoquent la montée en flèche de la prime de couverture sur la dette grecque (plus de 310 points par rapport au Bund) mais également portugaise et espagnole (plus de 110 points), ce qui impacte la valeur intrinsèque de l’euro. Mais l’autre cause serait l’inversion du carry trade dollar/euro.

Voici la manifestation d’une soudaine aversion au risque, après que le VIX — le baromètre du stress — a atteint un plancher (vers 17%) en début de semaine.

Le consensus haussier sur les actions avait atteint ces derniers jours des niveaux historiques équivalents à décembre 1999, août 2000, juillet et octobre 2007. Les opérateurs ont occulté le repli de l’euro amorcé début décembre — de nombreux records annuels ont été battus depuis le 22 décembre. Cela constituait un pari très audacieux… et qui semble perdu d’avance si Wall Street décide de pourrir l’atmosphère économique en faisant savoir que la reprise tant espérée n’est finalement pas au rendez-vous… et qu’elle n’est au fond qu’un pur produit de l’imagination des médias et de l’incorrigible optimisme des épargnants.

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