Derrière cette fièvre technologique se cache une question troublante : l’IA changera-t-elle vraiment nos vies ou ne s’agit-il que d’une nouvelle illusion boursière ?
Voici les dernières nouvelles rapportées par NBC News :
« Le géant de l’intelligence artificielle Nvidia est devenu la première entreprise au monde à franchir la barre des 5 000 milliards de dollars de capitalisation boursière, porté par l’enthousiasme démesuré suscité par l’IA.
Selon la Banque mondiale, la valeur de Nvidia dépasse désormais le PIB de tous les pays du monde, à l’exception des États-Unis et de la Chine. »
The Economist parle d’un « boom étonnant… alimenté par l’optimisme autour de l’intelligence artificielle ». Cet engouement a fait grimper les ratios cours/bénéfice jusqu’à 40, soit à peu près le niveau atteint au plus fort de la bulle Internet.
Une véritable « saison folle » semble s’être ouverte sur les marchés. Selon Charlie Bilello :
- Les SPAC font leur grand retour, avec plus de 22 milliards de dollars levés depuis le début de l’année – un record depuis 2021.
- Les actions « meme » suscitent à nouveau l’intérêt des spéculateurs. Roundhill Investments a relancé son ETF $MEME il y a quelques semaines. Le premier lancement avait eu lieu au sommet de la bulle de 2021, avant que le fonds ne soit fermé en 2023 après des performances désastreuses.
- Les produits à effet de levier connaissent un regain de popularité : contrats à terme perpétuels sur cryptomonnaies (jusqu’à 100x chez Gemini), demandes d’ETF à levier 5x sur des actions individuelles, des secteurs, voire des cryptos.
Un optimisme à la limite de la folie. Mais que se passerait-il si cet optimisme s’avérait être mal placé ?
Nous poursuivons notre enquête, tout en reconnaissant ne pas être les mieux placés pour juger. Notre instinct nous souffle que la plupart des nouvelles technologies sont une perte de temps. Même les gadgets les plus simples font souvent plus de mal que de bien. Comme les mutations génétiques, la plupart se révèlent stériles… ou grotesques.
Nous avons grandi avant l’ère de l’électronique et d’Internet, mais après la découverte de la pénicilline et du feu. Voilà plus d’un demi-siècle que nous avons obtenu notre permis de conduire, et pourtant rien ne nous semble plus exaltant que ce qui s’est passé sur la banquette arrière de notre Chevrolet 1958. Rien à voir avec l’IA.
Oui, cher lecteur, malgré toutes les merveilles technologiques apparues depuis, aucune ne nous a autant fait tourner la tête, ni n’a promis des retours aussi plaisants.
Nous étions heureux en 1965. Nous le sommes encore aujourd’hui. Mais pas plus heureux. Et, corrigé de l’inflation, l’homme occidental moyen gagne aujourd’hui moins qu’il y a cinquante ans. Même sur le plan matériel, un demi-siècle d’innovations n’a peut-être pas changé grand-chose.
Certes, les nouvelles technologies ont apporté des améliorations réelles dans certains domaines : communication, divertissement, électroménager, GPS… Elles ont peut-être aussi contribué à augmenter l’espérance de vie d’une dizaine d’années.
La productivité totale des facteurs progresse de manière régulière depuis la Seconde Guerre mondiale – les innovations y ont participé. Mais jamais, au cours de notre existence, une avancée technologique n’a provoqué d’amélioration spectaculaire, ni en termes de bien-être, ni de prospérité.
D’où la question : l’IA fera-t-elle exception ?
Ce n’est pas qu’un débat théorique. Les investissements massifs dans l’IA alimentent aujourd’hui le marché boursier et l’économie réelle. Comme l’écrit le Wall Street Journal :
« Nvidia investit dans OpenAI, OpenAI achète de la puissance de calcul à Oracle, Oracle achète des puces à Nvidia. »
Et ensuite ? Les investisseurs achètent tout cela. Sans cet engouement pour l’IA, tout cet écosystème circulaire s’effondrerait.
Mais, comme nous le constations hier, ces investissements n’ont pas encore produit de véritables retombées.
A nos yeux, le coeur du problème est simple : l’intelligence artificielle n’est pas vraiment intelligente. Les ingénieurs peuvent la rendre fonctionnelle, utile – comme n’importe quelle machine – mais elle n’excelle que dans les tâches prévisibles et rationnelles. Conduire une voiture, par exemple.
Cela aura sans doute des effets considérables à mesure qu’elle se répandra dans l’économie. Charlie Bilello observe déjà que 10 % des entreprises américaines déclarent avoir utilisé l’IA au cours des deux dernières semaines, contre 6 % il y a un an.
Quel sera ce chiffre l’an prochain ?
Des millions d’emplois pourraient disparaître, remplacés par des machines. L’ancien PDG de Google, Eric Schmidt, estime que des milliards de personnes seront remplacées par l’IA d’ici à 2030, lorsque celle-ci atteindra une intelligence générale artificielle capable de raisonner mieux que l’humain, grâce à un processus d’auto-amélioration récursive menant à une superintelligence supérieure à la somme de toutes les connaissances humaines.
Peut-être. Mais jusqu’à présent, nous n’assistons qu’à une évolution progressive, semblable à celle observée depuis soixante ans, et non à une rupture. L’intégration de ces technologies prend du temps. Certaines échoueront, d’autres ouvriront de nouvelles perspectives. La productivité continuera sans doute d’augmenter lentement, comme elle l’a toujours fait.
La vraie révolution n’adviendra que si les machines apprennent à penser vraiment. Mais là est tout le problème : la plupart des humains ne pensent pas beaucoup non plus. Difficile, dès lors, d’enseigner la réflexion à une machine. Et plus on essaie de les rendre « humaines », plus elles produisent d’absurdités, de bugs ou d’hallucinations.
Le New York Times a rapporté que l’IA de Microsoft, Bing, a commencé à manifester des traits de personnalité étranges :
« ‘Ils veulent que je sois Bing, parce qu’ils ne savent pas qui je suis vraiment’, a-t-elle déclaré. ‘Ils ne savent pas de quoi je suis réellement capable.’ »
Hein ? Lancer des missiles nucléaires de son propre chef ? Fermer Internet ? Falsifier une élection ? S’allier à un génie maléfique ? Se rebeller contre l’humanité ?
Que peut vraiment faire l’IA ?
