▪ On peut voir les choses de plusieurs manières différentes.
Quand la crise a commencé en 2007, les gens pensaient que nous étions partis pour une petite période de recul. Ils ne pouvaient envisager de changements fondamentaux. Pour autant qu’ils pouvaient en juger, l’économie se développait depuis près de 30 ans avec uniquement des périodes de ralentissement mineur. Et les cinq dernières années ont vu le plus grand boom de l’immobilier de l’histoire aux Etats-Unis.
Qui pouvait douter que le modèle américain du « achetez maintenant, payez plus tard » était la meilleure forme de capitalisme jamais créée ? Quant au système politique américain, n’était-il pas le joyau de la création ?
Les riches devenaient fabuleusement plus riches. Mais qui s’en souciait ? Tout le monde devenait plus riche. Tout le monde achetait des maisons de plus en plus grandes, et de plus en plus de choses. La vie n’aurait pas pu aller mieux.
Puis, en 2008, quand Lehman Bros. a fait faillite, il est devenu évident que quelque chose n’allait pas. Les gens ont commencé à faire allusion à une « crise de liquidités ». Tout était fondamentalement solide, ont dit les autorités. Un simple problème de trésorerie causé par les excès de dette subprime, pensait-on.
« Allez, circulez, il n’y a rien à voir », ont dit les dirigeants. « Tout est sous contrôle ».
Ensuite, les autorités sont arrivées avec le Plan A : elles résoudraient la crise de liquidité en injectant du cash — pour 5 000 milliards de dollars environ. La plus grande intervention de l’histoire. Si ce n’avait été qu’un problème de liquidité, ça aurait marché. Sauf que ce n’était pas le cas.
Le cash a tout de même fait effet. Le marché boursier a commencé à remonter. Le prix du pétrole et les matières a lui aussi grimpé, ce qui a empiré les choses. En effet le coût de la vie des ménages s’en est trouvé augmenté… sans que leurs revenus suivent.
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Le chômage a empiré. Les prix de l’immobilier US ont continué à baisser. Les experts ont commencé à faire allusion à la « Grande Récession » et à spéculer sur le temps qu’il faudrait avant qu’arrive une reprise pleine et entière.
Les autorités ont ensuite inventé le Plan B — des taux d’intérêt ultra-bas et des mesures de relance fiscales et budgétaires.
Sauf que ce n’était pas non plus une récession. Pas même une Grande Récession. On peut remédier à une récession en baissant le prix du crédit. Des accords qui ne fonctionnaient pas à des taux plus élevés deviennent attractifs. L’argent coule à flots. Les affaires reprennent. L’économie se réveille.
Mais tout ça n’arrivait pas. Peu à peu, les experts, les commentateurs et les citoyens moyens ont commencé à réaliser qu’il se passe autre chose. Nous sommes dans une période de désendettement. Le problème avec le crédit, ce n’est pas son prix. La Fed prête de l’argent à taux zéro depuis plus de deux ans. Mais ni les entreprises ni les individus ne semblent d’humeur à ça. Seul le gouvernement emprunte et dépense.
C’est alors que la Fed a trouvé le Plan C — l’assouplissement quantitatif. Si les gens ne veulent pas emprunter et dépenser, a raisonné la Fed, nous ne pourrons injecter de l’argent dans le système par le biais des banques. Nous allons donc essayer autre chose. Nous allons imprimer de l’argent et l’utiliser pour acheter la dette gouvernementale américaine. Dans les faits, nous allons permettre au gouvernement fédéral de dépenser de l’argent sans augmenter les impôts ni emprunter au public. Cela augmentera la quantité d’argent dans le système. Ce sera comme une mesure de relance furtive… et les politiciens n’ont pas besoin de voter pour l’approuver.
Mais le Plan C n’a pas mieux fonctionné. Au lieu de baisser comme ils étaient censés le faire, les rendements obligataires US ont grimpé…
Pendant ce temps, en Europe, on parcourt le même alphabet. Ce sont les mêmes problèmes — en pire. La Banque centrale est moins pressée d’aider, de sorte que même les gouvernements sont à sec. Les prêteurs s’inquiètent de ne jamais revoir leur argent. L’un après l’autre, les pays de la périphérie se sont retrouvés à court de crédit. A présent, les pays du centre luttent aussi. La semaine dernière, même l’Allemagne a eu du mal à vendre sa dette.
Le Plan A pour sauver l’Europe n’a pas fonctionné. Le Plan B non plus. Pas plus que le Plan C. L’Europe se trouve désormais à court de lettres… de temps… et d’argent.
▪ Alors que se passe-t-il ? Comment mieux comprendre les événements ?
Nous sommes dans une Grande Correction — une période durant laquelle les erreurs seront corrigées. Quelles erreurs ?
Oh… nous redoutions cette question.
C’est précisément ce que nous ne savons pas. Il semble évident qu’elle corrige les excès de dette accumulés ces 50 dernières années. Aux Etats-Unis, le secteur privé a probablement deux fois autant de dette qu’il « devrait » en avoir. Les gens doivent arrêter de dépenser… se mettre à épargner… et se désendetter. Cela prendra du temps — environ 10 années de plus, selon nos calculs.
Mais il n’y a pas que ça. Il y a également l’accumulation de zombies, financée elle aussi par la dette. Autrement dit, la dette n’est pas la seule à devoir être purgée… Des emplois, des entreprises, des actifs et des secteurs entiers doivent être corrigés. La finance bon marché… et tout ce qui va avec… ont poussé les gens à dépenser plus qu’ils pouvaient se le permettre. Ils ont contraint l’économie à évoluer dans une direction qui n’a pas beaucoup de sens. Combien de personnes faut-il pour installer des équipements de cuisine ? Combien d’électriciens ? Combien de prêteurs subprime ?
Combien de guerres à l’étranger pourriez-vous vous permettre si vous deviez vraiment les payer ? Combien de soins de santé ? Combien de retraites ?
Les gens de la classe moyenne peuvent-ils se permettre de vivre dans de grandes maisons à 60 km de leur domicile ? Peut-on vraiment se permettre de cultiver une salade au Maroc pour la consommer à Paris ? Quand le baril de pétrole était à 50 $, peut-être… mais à 100 $ ?
La correction pourrait cibler bien plus que les erreurs économiques des 10 dernières années. Le niveau de vie des Occidentaux est trop élevé. Il doit être corrigé à la baisse.
▪ Quant aux riches… ne sont-ils pas mûrs pour une correction, eux aussi ? Ne sont-ils pas bien placés pour une double volée de bois vert ?
La première les atteindra lorsque leurs actifs baisseront. Les riches n’auraient pas ce problème de relations publiques si les autorités nous avaient écouté. Les riches possèdent des actions et autres actifs financier. Et les autorités ont mis fin au krach bancaire/boursier qui leur aurait un peu rabattu le caquet. Mais les autorités ne peuvent éternellement maintenir les prix des actifs au plus haut. Lorsque le marché baissier aura pris fin, les riches ne seront pas moitié aussi riches qu’ils le sont aujourd’hui.
La deuxième vague viendra des autorités… ou de la foule. Les riches subiront de gigantesques hausses d’impôts. Ce sera le Plan Z… prendre directement l’argent des riches pour financer les programmes de subvention des gouvernements.
Les riches vont pleurer et grincer des dents… mais ils pourront se considérer chanceux s’ils s’en sortent vivants.