La spéculation se déchaîne encore plus que précédemment, depuis le 24 février. Au point que des matières premières ont vu leurs cours s’envoler avant de s’effondrer, tandis que les obligations n’offrent plus aucun refuge.
La finance contemporaine révèle son vrai visage, mais je ne vois aucun article sur ce sujet !
Tout est instable, hors des épures, tout est faux et archi-faux, soutenu, manipulé soit par les interventions artificielles soit par la propagande. Les pertes cachées sont considérables, systémiques.
C’est le miracle de la mer de liquidités : elle masque tout. Elle permet que tout dysfonctionne, voilà ce que personne ne dit, encore une fois.
Tout (dys)fonctionne sur le mythe de la soi-disant théorie des anticipations rationnelles dans un monde gouverné… par l’incertitude radicale, l’irrationnel et l’absurde.
Pas de prime de risque
Et les primes de risque sont, en regard des normes historiques, inexistantes ou quasi ! Il suffit d’observer le montant des pertes quand elles arrivent.
Les « value at risk » qui sont la pierre angulaire du système n’ont plus de fondement dans la réalité. Elles ne sont sauvées que par les miracles de la comptabilité hédonique et les astuces des modèles.
L’instabilité aiguë est pour le moins inquiétante. Les échanges ordonnés ne peuvent plus être assurés. La spéculation est déchainée, des précipices se sont ouverts sous les pieds des opérateurs.
La semaine dernière, le baril de brut WTI s’est échangé à 130 $ lundi matin, avant de s’inverser fortement pour terminer la semaine en baisse de 5,5 % à 109,33 $.
L’aluminium a augmenté de 6%, avant de terminer la semaine en baisse de 9,5%.
Le palladium a grimpé de 14% lundi – puis a terminé la semaine en baisse de 6,8%.
Le platine a abandonné sa progression antérieure de 5% pour clôturer la semaine en baisse de 4%.
Après s’être échangé jusqu’à 2 070 $, l’or a terminé la semaine en hausse de 18 $ à 1 988 $.
Le cuivre s’est échangé avec une fourchette de 10% de haut en bas pour la semaine, tandis que le blé a connu une variation de 23%.
Quand le nickel n’a plus de prix
Mais tout cela n’était qu’une petite volatilité négligeable par rapport au nickel.
Le le Financial Times résumait le problème le jeudi 10 mars :
« Le marché mondial du nickel est en panne de prix. Le prix du nickel sur trois mois à la Bourse des métaux de Londres (LME) est suspendu à 48 048 $ la tonne, le cours de clôture de lundi et la dernière transaction ayant un semblant de légitimité.
Le chaos de mardi et la décision du LME de suspendre tous les échanges ont gelé le prix de référence de base de la chaîne d’approvisionnement mondiale qui s’étend des mineurs aux aciéries en acier inoxydable et aux fabricants de batteries de véhicules électriques.
La Chine est également en black-out. Le Shanghai Futures Exchange a suspendu ses échanges jusqu’à vendredi. Aujourd’hui, il n’y a pas de commerce mondial du nickel et pas de formation de prix. »
Les marchés des matières premières sont un gâchis absolu. Ceux qui couvraient les expositions sur dérivés ont été confrontés à la dure réalité de marchés illiquides et discontinus.
C’est un fiasco pour les livres d’histoire, le fiasco de la financiarisation – vous savez, cette imbécillité qui a consisté à tout transformer en papier, en bons de droits à écarts de cours, en vent et en bulles.
C’est exactement ce que j’avais prévu… au début des années 80 !
La bande des promoteurs français de la dérégulation m’a ri au nez.
La financiarisation repose sur une idée idiote qui est celle de la liquidité infinie, perpétuelle et donc sans limite ; la financiarisation consiste à mettre du papier et un signe sur du réel, sur du lourd, sur du rare. A remplacer les corps des choses par leur ombre.
C’est un fiasco total. Et ce n’est que le début car, même si on se relève du sinistre actuel, plus tard, lorsque les choses militaires deviendront sérieuses, que ce soit dans 1 mois, 1 an ou 10 ans, tout sautera.
Imaginez ce qui se passera sur l’or quand les monnaies fiduciaires sauteront.
Nulle part où se cacher
Pendant ce temps, le spectre d’un défaut de paiement de 40 Mds$ sur la dette russe – avec une liquidité nulle dans les instruments sous-jacents – a jeté une grosse clé à molette dans les stratégies de couverture.
Et comment les obligations souveraines dites « refuges » se sont-elles comportées dans tout ce chaos ? Ce fut sanglant. Il n’y avait nulle part où se cacher.
Les rendements des obligations à 10 ans de tous les principaux pays développés ont bondi de 25 à 32 points de base. Même les rendements des obligations suisses à 10 ans ont plus que doublé la semaine dernière, à 0,29%.
Une multitude de stratégies à effet de levier (dont celle des « parités des risques ») vacille gravement, tandis que la vulnérabilité du portefeuille conventionnel d’actions et d’obligations que vous vendent les banquiers (avec la fameuse proportion « 60-40 ») est exposée.
Si vous n’avez pas encore compris qu’en cas de vraie confrontation, tout cela ne vaudra plus rien, alors vous êtes indécrottables.
C’est écrit, sous vos yeux, vous ne voulez pas le croire et pourtant ce que vous voyez n’est qu’une petite, une minuscule alerte.
Il n’y a pas de refuge, je me tue à vous le dire et redire.
Sous vos pieds, il y a un précipice, mais les fausses liquidités le dissimulent.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]