Un invité de marque aujourd’hui dans La Chronique ! Bruno Bertez nous parle Fed, politique monétaire… et nous explique pourquoi l’argent ne signifie plus rien.
Une citation de Ben Holland, rédacteur chez Bloomberg :
« On ne sait pas comment fonctionne la politique monétaire. »
Incroyable !
Enfin une vérité, et c’est Bloomberg qui le dit. […] Les hommes ont été dépassés par leur création, elle leur a échappé – surtout depuis la montée en puissance du dollar extérieur aux Etats-Unis, eurodollar et asiadollar.
Qui sait vraiment ce qu’est un dollar numérique ? Et une promesse de dollar future ? Comment se produit la pénurie, la raréfaction de dollars, le lien avec les matières premières, avec la capacité bilancielle des banques, avec le risk-on ou le risk-off, les mystères du shadow banking ?
La vraie masse monétaire mondiale n’est pas le dollar mais le dollar plus les dollars extérieurs, or ceux-ci ne sont ni mesurés ni suivis. On a cessé de suivre les agrégats qui permettaient d’en avoir une idée.
Et puis beaucoup de choses, de créatures, font office de monnaie sans qu’on le comprenne bien.
Qu’est-ce que la mystérieuse liquidité ? Une réalité ? Une promesse ? Une anticipation ? Une ombre ? Une entité qui existe quand on ne se pose pas la question de son existence ?
De même, on ne comprend plus la nature des réserves : monnaie de base, assurances ?
Personne ne sait comment fonctionne la politique monétaire parce que l’on ne sait plus ce qu’est la monnaie, ce qui en est et ce qui n’en est pas !
Une erreur irréparable
[…] Il fut un temps ou la politique monétaire était simple et elle marchait. Quand Paul Volcker, président de la Réserve fédérale à l’époque, a voulu casser l’inflation, il a réussi simplement en fermant les robinets et en laissant les taux monter à 20% au début des années 1980.
Quand est venu le temps de la relance, il a suffi de laisser baisser les taux. L’inflation ayant baissé de 13% en 1979 à 2% à fin 1986, les taux ont chuté ; ceci a provoqué une hausse boursière quasi-mécanique, plus de 30% en 1985, plus de 22% en 1986, plus de 40% en 1987 au sommet avant la crise.
La bulle financière créée par la baisse continue des taux a provoqué un top du marché boursier en août 1987. C’est là que l’erreur fut commise : au lieu d’accepter le nettoyage, Alan Greenspan a décidé d’annoncer la mise en place du célèbre « put Greenspan ».
Ce jour-là, Greenspan a commis l’erreur de sa carrière, l’erreur qui devait instaurer l’inflationnisme, c’est-à-dire la création de liquidités monétaires comme solution à tous les problèmes. Ecoutons-le, il est solennel :
« La Réserve fédérale, conformément à ses responsabilités en tant que banque centrale, affirme qu’elle est prête à assurer tous les besoins de liquidité nécessaires pour soutenir l’économie et le système financier. »
La messe est dite – car nous sommes bien dans le « sacré », le grand prêtre a parlé… mais c’est un « sacré » bidon, une illusion. C’est un sacré qui pose un invariant, la promesse de liquidités quoi qu’il arrive ; l’erreur qu’il ne fallait pas commettre, la promesse qu’il ne fallait pas faire.
Toujours plus d’argent… toujours plus de risque
A partir de ce jour, la banque centrale est entrée dans la seringue dont elle ne sortira plus jamais : à chaque problème, à chaque cahot, il faut injecter des liquidités et avilir la monnaie. Toujours plus.
La fin des années 1980 a été une pure folie financière ; c’est de là qu’est née la conviction que l’on était entré dans une ère nouvelle et qu’à « l’économisme » succédait le « financialisme ». L’entreprise a cessé d’être au centre de l’économie et de la création de richesse, ce sont les marchés qui ont pris le relais.
Greenspan a par la suite complété son erreur.
Face à la multiplication des crises coûteuses pour les banques, il a organisé la suite : une bêtise ne reste jamais seule, n’est-ce pas…
Il a favorisé une structure financière incroyablement pentue avec des taux courts très bas et des taux longs très élevés, permettant ainsi des bénéfices considérables pour les secteurs bancaires et financiers propulsant ainsi l’usage du levier.
Pour le Maestro, ce fut l’époque de la magie.
Le ver se développait dans le fruit, cependant, car l’incitation au levier et à l’ingénierie produisirent des bénéfices considérables dont les hedge funds furent largement bénéficiaires, créant ainsi une communauté spéculative mondiale. Il n’y avait qu’à se baisser pour ramasser l’argent : se baisser, c’est bien sûr s’endetter à court terme pour chercher la performance à long terme. Il n’y avait plus que des génies dans le monde de la finance.
Hélas, la boîte de Pandore était ouverte.
C’est ainsi que se sont créées des stratégies de plus en plus risquées, sophistiquées, opaques. C’était l’époque du Far West, de l’aubaine – le filon étant non pas l’or mais le monétaire.
La nouvelle ruée vers l’or, mais sur le papier cette fois.
Les conséquences ont été tragiques, comme nous le verrons demain.