La Chronique Agora

Un antidote à l’optimisme

monnaie factice

L’euphorie domine ; pourtant la croissance économique actuelle creuse les inégalités car les gains obtenus avec de la monnaie frelatée se déconnectent du mérite.

L’heure la plus lumineuse vient toujours avant qu’on éteigne la lumière.

N’hésitez pas à nous citer, cher lecteur. Pile au moment où vous pensiez que les choses ne pourraient pas aller mieux… devinez quoi ? Elles ne vont pas mieux. Elles sont plongées dans l’obscurité.

Notre tâche, aujourd’hui et demain, est de vous démontrer que, quand bien même les choses semblent merveilleuses dans l’économie et les marchés actuels, elles ne sont peut-être pas si extraordinaires. Nous nous hasarderons même à dire… comme nous le faisons souvent… qu’elles ne vont pas tarder à empirer.

Nous nous attelons à cette tâche ingrate non par amour ou par appât du gain, mais plutôt par devoir. Si nous ne le faisons pas, qui le fera ? Et si ce n’est pas maintenant, alors quand ?

Quelqu’un doit trouver un antidote à l’optimisme qui ravage actuellement les marchés autour du monde.

Quelqu’un doit défendre la cause du cynisme, du soupçon et de la moquerie. Quelqu’un doit se mettre de l’autre côté de la transaction.

C’est ainsi que cette tâche pénible… comme ouvrir des huîtres par une journée de grand froid… nous est échue. Et nous les ouvrons… espérant trouver une perle.

Donald Trump, l’homme de Davos

« La réunion des élites [dont Donald Trump] à Davos », commence un article du Financial Times, « se déroule dans un climat d’amélioration de l’activité économique dans le monde entier ».

Selon le FMI, c’est « la hausse de croissance mondiale synchronisée la plus large depuis 2010 ».

Le Financial Times continue en disant que l’économie mondiale est censée se développer au taux vigoureux de 3,9% « cette année et l’année prochaine » grâce en partie aux réformes fiscales nouvellement mises en place aux Etats-Unis.

Eh bien, eh bien, eh bien. On dirait que nous avions tort.

Nous ne pensions pas que les mesures fiscales auraient des conséquences positives – à part nous donner plus d’argent. Quel bienfait économique pourrait découler du fait de prendre l’argent d’une poche pour le mettre dans une autre ?

A moins de réduire les dépenses du Marigot, avions-nous raisonné, il ne pourrait y avoir de gain net suite à une réduction d’impôts.

Voilà qui démontre la mesure de notre ignorance.

Dans le Wall Street Journal, parallèlement, les réductions d’impôts ont déclenché des célébrations dignes du V-Day.

Andy Puzder félicite les employeurs pour avoir partagé leur butin fiscal avec leurs employés. Il pense également que les employeurs devraient profiter de l’occasion pour endoctriner les travailleurs sur la provenance de cet argent. « Sans quoi les employés pourraient accepter leurs augmentations de salaire et leurs primes sans en attribuer le mérite au parti républicain ».

Quel mérite y a-t-il à remplacer les impôts par de la dette ? Voilà qui n’est pas clair aux yeux de votre correspondant.

Maintenant que nous savons quelle croissance incroyable ça a généré de par le monde, cependant, nous nous demandons pourquoi les républicains n’en font pas plus.

Peut-être devraient-ils réduire les impôts à zéro pour tout le monde et simplement imprimer l’argent nécessaire pour leurs escroqueries. Quelle explosion de croissance ce serait !

Un système de redistribution des richesses

Quoi qu’ils fassent… ça semble fonctionner. Oui, le marché américain n’a baissé que durant une seule séance en 2018.

Bonne ou mauvaise nouvelle ?

Tout dépend si vous êtes acheteur… ou vendeur à découvert. Mais vu que tout le monde est acheteur, ces jours-ci… Selon les dernières statistiques, on compte cinq investisseurs haussiers pour un baissier. Et ce dernier est prêt à jeter l’éponge.

Le taux de chômage est lui aussi un quasi-miracle aux Etats-Unis. A 4,1% au niveau national, il est à un plus bas de 17 ans.

Pour certains états, on touche un plancher record. Dans le Mississippi, par exemple. Et en Californie. A Hawaii, apparemment, on n’a pas trouvé une seule personne prête à dire qu’elle était sans emploi.

Bien sûr, ces chiffres du « verre à moitié plein » correspondent assez mal aux 102 millions d’adultes qui n’ont pas vraiment d’emploi… mais peut-être que dans un prochain épisode, le Bureau américain des statistiques de l’emploi expliquera pleinement cette différence… ou bien elle sera purement et simplement ignorée, comme tout le reste des chiffres du « verre à moitié vide ».

L’inflation est toujours sous les 2%… mais seulement si l’on suit les chiffres bidon du gouvernement… et si l’on ne tient pas compte de l’inflation galopante sur les marchés des actifs.

Le marché boursier n’est plus un endroit où l’on découvre combien valent vraiment les entreprises. Il est devenu un rouage du système de redistribution des richesses. Les autorités alimentent les marchés en monnaie factice. Les actifs grimpent. Et les gens qui les possèdent se retrouvent avec une part accrue de la richesse nationale.

Félicitations aux « 1% »

En chargeant la classe financière d’argent factice, les autorités ont fait passer la part des revenus nationaux des fameux « 1% » à trois fois ce qu’elle était dans les années 1970. La part revenant au bas de l’échelle devait baisser.

On trouve par exemple 2,3 millions de personnes qui gagnent plus d’un million de dollars par an aux Etats-Unis.

Les 0,1% les plus riches gagnent plus de six millions par an. Mais les 50% les plus pauvres ont un revenu moyen de 16 000 $ par an seulement. Selon Etats-Unis Today, sept Américains sur 10 ont moins de 1 000 $ d’épargne.

Un lecteur de passage pourrait bien vite nous taxer de bonne âme gémissant sur « les inégalités ». Mais nous nous soucions peu d’inégalité. Ce qui nous intéresse, c’est la vérité, la justice. C’est-à-dire que si une personne gagne son argent honnêtement, le montant devrait être une mesure approximative de ce qu’elle mérite.

Dans un monde libre, gagnant-gagnant, ce que vous obtenez est habituellement lié – sinon parfaitement égal – à ce que vous donnez.

Sauf que…

Dans les années 1970, les 0,1% les plus riches des Etats-Unis recevaient 10% des revenus de la nation. Aujourd’hui, ils touchent 20% – deux fois plus.

Que donnent les riches pour mériter deux fois leur part des revenus ? Donnent-ils deux fois plus ?

Les 90% en partant du bas de l’échelle, en revanche, obtenaient 35% des revenus nationaux en 1980 encore. Aujourd’hui, ils n’ont plus que 25%. Que s’est-il passé ? Donnent-ils beaucoup moins ? Ou bien le système est-il truqué à leur désavantage ?

Et comment est-il possible qu’une économie se porte aussi bien… alors que le sort de la plupart de ses occupants s’est en fait détérioré ?

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