La Chronique Agora

Mois boursier exceptionnel grâce à la Fed

Est-ce que le Réel va oui ou non se réintroduire dans le jeu ?

Un mois boursier exceptionnel, grâce à la Fed !  

Grace à la Fed qui rappelons-le, proclame qu’elle lutte pour resserrer les conditions financières et faire en sorte que la spéculation ait les reins brisés. 

Hausse des actions ; forte baisse des taux, contraction des spreads.  

Jamais les conditions financières n’ont été aussi spectaculairement améliorées ! 

La cause, c’est le énième pivot de la Fed de Powell qui a prétendu que l’on était déjà dans la zone du taux d’intérêt neutre alors que les taux sont à 2,5% et l’inflation à 9%…  

Prétention que j’ai qualifiée d’escroquerie intellectuelle. 

Prétention analytiquement scandaleuse, comme le dit avec force Lawrence Summers (Bloomberg) :  

L’ancien secrétaire au Trésor Lawrence Summers a déclaré qu’il était préoccupé par le fait que la Réserve fédérale continue de prendre ses désirs pour la réalité, en ce qui concerne la quantité d’argent nécessaire pour faire baisser l’inflation, qui est à son niveau le plus élevé depuis quatre décennies. 

« Jay Powell a dit des choses qui, pour être franc, étaient indéfendables d’un point de vue analytique », a déclaré Summers dans l’émission « Wall Street Week » de Bloomberg Television avec David Westin. « Il n’est absolument pas concevable qu’un taux d’intérêt de 2,5%, dans une économie qui gonfle autant, soit proche de la neutralité. »  

Je ne partage pas le jugement de Summers dans la mesure où il dit que la Fed pratique prend ses désirs pour la réalité ; non, car c’est un choix délibéré de la part de l’Institut d’émission, et je l’explique clairement : 

Rien ne permet de supposer que la Fed agit sans savoir ce qu’elle fait, car c’est l’évidence et il y a des gens compétents. Simplement, elle gère les perceptions, et elle fait semblant afin de se conformer au souhait de Biden qui a demandé que l’on feigne de lutter contre la hausse des prix.  

Le discours de la Fed est politique, populiste même, mais son action est organiquement cohérente dès lors que l’on connait ce qui se passe sous les apparences et ses vraies priorités. 

La Fed a conservé sa priorité décidée dès 2018 : surtout ne pas laisser chuter le marché financier.  

La Fed, tout en proclamant le contraire, a restauré le PUT. Elle a – comme en fait je m’y attendais – donné le signal de la fin de la baisse quand les indices ont tapé les -20% et quand les canalisations du crédit ont commencé à se colmater. Cela a coïncidé d’ailleurs avec la hausse dangereuse du dollar, sa raréfaction commençant à faire craquer les périphéries.  

En décidant le pivot, Powell prend bien sur un risque mais le risque étant pour demain et après-demain, il s’en fiche : il ne gère que par recherche d’optimum au jour le jour ! 

Powell prend le risque que les statistiques de hausse des prix ne se modèrent pas suffisamment vite et en ampleur insuffisante. 

Ne venez pas dire qu’il prend un risque sur la crédibilité ; la crédibilité de la Fed est un mythe depuis longtemps. Elle gouverne par le mensonge et le cynisme depuis 2008 grâce à la complicité des grandes banques, des marchés, des médias. C’est la connivence tous azimuts pour tromper le public certes mais surtout pour défier le Réel !  

La Sphère financière est de plain-pied dans la modernité dont la philosophie est :  

Nous créons notre propre réalité.  

La Sphère financière est l’une des pierres angulaires de la modernité car elle solvabilise les « gaps », les fossés entre les illusions et le réel. La Sphère financière est permissive, c’est elle qui constitue le pont entre le soft et le hard. C’est elle qui permet le maintien des pouvoirs en place, elle qui interpose un voile entre ce qui se dit et ce qui se fait. 

Ce qui fait que seule reste la question : est-ce que le Réel va oui ou non se réintroduire dans le jeu ? Et cette question est incontournable à l’échelle du Temps logique. Le Temps logique, ce n’est pas celui de Keynes dans lequel nous serons tous morts, mais c’est celui de la Nécessité, celui de la mémoire et des stocks de conneries accumulées. 

Bien sûr que oui, le réel va se réintroduire dans le jeu. On n’échappe pas à la contradiction de base :  

Pléthores de signes et de promesses et raretés économiques fondamentales.  

Mais cette contradiction ne se manifeste que sur le très long terme, sur le temps de l’Histoire, et non pas sur le temps de la vie humaine. La modernité a découvert non pas le secret de la vie éternelle mais celui de l’allongement de la durée de la vie. On peut encore kick the can loin et aggraver la contradiction.  

Ce qui permet cette opération de différer, c’est la bêtise humaine, l’ignorance, la veulerie… 

 

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