La Chronique Agora

A quel niveau se situe le « put Powell » ?

put Powell

Depuis des décennies, la Fed américaine intervient dès que les marchés financiers chutent jusqu’à un certain plancher. A quel niveau se situe celui de Jerome Powell ?

Fin mars, Richard Fisher, président de la Fed de Dallas entre 2005 et 2015, déclarait que « Powell va être beaucoup plus tolérant vis-à-vis de la volatilité. Il existe bien un Fed put mais le prix d’exercice a beaucoup diminué ».

Jerome Powell sera moins complaisant vis-à-vis des marchés actions que ne l’a été Janet Yellen. Mais à quel niveau se situe le put Powell ? A quel niveau de baisse le revirement de politique monétaire pour soutenir les marchés pourrait-il se faire ?

Début mars, Jim Rickards vous faisait part de ses réflexions à ce sujet. Le constat est le suivant : cela fait 20 ans que les marchés vivent dans la connivence la plus totale avec la politique monétaire des banques centrales, en particulier de la Fed. Ils ont l’assurance qu’à partir d’un certain niveau de baisse, l’Etre suprême interviendra pour les sauver. Y a-t-il une raison pour que cela cesse ? A priori aucune, et encore moins maintenant compte tenu de la situation catastrophique dans laquelle se trouve le système américain de pensions de retraites.

Jerome Powell n’a pas agi lors de la baisse intervenue au cours de la première semaine de février qui a vu le Dow Jones baisser de 10%, ce qui pose la question de savoir à partir de quel pourcentage de baisse (sur une durée donnée) la Fed interviendra pour éviter de plus lourdes pertes aux investisseurs.

Pour Jim Rickards, le chiffre qui compte aux yeux de la Fed est une correction de 15%. La Fed pourrait cependant intervenir de manière préventive dès « une baisse de 10%, voire plus, en quelques semaines, donnant l’impression de s’orienter vers les 15% en raison de la fébrilité des intervenants ».

C’est ce qu’a fait Janet Yellen en septembre 2015, lorsqu’elle a reporté le relèvement de taux après que les marchés ont « chuté de 11% en trois semaines et ne montraient aucun signe de stabilisation ».

Jim Rickards estime également que c’est non pas au vu du plus haut historique qu’il faut apprécier le niveau de la baisse que la Fed prendra en compte, mais à partir du niveau sur lequel a pris appui le rebond. Ainsi :

« Le Dow Jones ayant rebondi au-delà des 24 000 points, la Fed va entériner ce nouveau point de référence […]. A partir de là, il faudrait que le Dow Jones chute à 20 000 points rapidement (soit une baisse de 15%), pour que le put Powell soit exercé. La Fed reporterait alors le relèvement des taux prévu […] afin de voler à la rescousse des marchés. […] Si le Dow Jones renoue avec les 26 000 points, le nouveau seuil de déclenchement du put de la Fed sera relevé à 22 000 points sur le Dow, à la manière d’un stop suiveur« .

Quid si la capitalisation des marchés actions baisse sans chute brutale ? Selon Jim Rickards, encore et toujours :

« Si les marchés affichent une baisse lente et régulière s’étalant sur plusieurs mois et années, le put de la Fed ne s’appliquera pas. Dans ce contexte, la réaction de la Fed dépendra uniquement de l’inflation et de la création d’emplois : son double-mandat. Sur le marché actions, les investisseurs devront se débrouiller seuls ».

De la stratégie buy and hold à la stratégie hope and pray

Au final, nous avons l’impression qu’une grande partie des investisseurs a changé d’attitude vis-à-vis des marchés actions.

On pénètre peu à peu dans une ambiance de défiance tout en restant massivement positionné à la hausse, espérant qu’il y a encore quelques mois de performance à engranger. Mais les positions haussières semblent moins être détenues dans une optique d’investissement de long terme qu’en croisant les doigts en face de son écran entouré de cierges allumés à sainte Rita, la patronne des causes désespérées.

Si vous avez des millenials dans votre entourage, attention à ce qu’ils n’éteignent pas la flamme des bougies en votre absence parce qu’un krach ferait bien leur affaire… tout au moins si l’on en croit un sondage réalisé mi-février par Bankrate.com.

Pour 19% d’entre eux, c’est un véritable sentiment d’enthousiasme qui prédomine à l’idée de voir les marchés actions s’effondrer dans un immense fracas. Pas étonnant de la part d’investisseurs qui apprécieraient vivement d’avoir enfin une occasion dans leur vie d’acheter un marché à un prix correct pour investissement de long terme.

Bien sûr, la Génération X (née entre le milieu des années 1960 et le milieu des années 1980) est plus réticente à l’idée d’un krach financier, et celle des baby-boomers (nés entre le milieu des années 1950 et le milieu des années 1960) l’est bien plus encore.

Je profite de ce constat pour terminer sur une touche plus politique.

Les millenials, une génération de plus en plus attirée par le socialisme

Fin mai, la Fed de Saint Louis a publié un nouveau rapport sur « La démographie de la richesse ». Il s’agit d’examiner les liens qu’entretiennent l’éducation, l’origine ethnique et l’année de naissance avec le niveau de patrimoine.

Cette publication s’intéresse en particulier à ceux que la Fed craint de voir devenir une nouvelle « génération perdue ».

Voici le résumé qu’en fait le site ZeroHedge :

« Le rapport suggère que les millenials (nés entre 1981 et 1996) ne sont pas seulement fauchés, ils courent surtout le grand risque de devenir une ‘génération perdue’ en matière d’accumulation de richesse. Arriver après la Grande crise financière a été difficile. De nombreux millenials sont coincés dans la ‘gig economy’ avec des salaires stagnants.

En plus de cela, cette génération […] lutte contre une augmentation rapide des coûts de la vie couplée à l’augmentation de leur dette au travers des prêts automobiles, des cartes de crédit, des prêts à court terme et de la dette étudiante. La valeur nette d’un ménage millenial typique né dans les années 1980 est d’environ 34% inférieure à ce qui était attendu, selon le rapport. […]

‘Deux raisons permettent de rester optimisme. Les millenials ont de nombreuses années pour se remettre sur les rails et ils sont le groupe le plus éduqué, donc la génération qui a le potentiel de rémunération le plus élevé de tous les temps’, indique le rapport ».

A titre personnel, je n’allumerai pas de cierge en espérant que les marchés se maintiennent à leur niveau actuel.

En revanche, je veux bien brûler des tombereaux de bougies dans l’espoir que les gouvernements prendront un jour conscience du fait que s’ils continuent de manipuler les marchés boursiers, cette génération (dont je fais partie) pourrait finir par opter pour la pire des options.

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