La Chronique Agora

Même les pays émergents ne veulent plus du dollar

** Quand les Etats-Unis éternuent, il semble que le monde entier soit contaminé.

– Ce mois-ci, les inquiétudes concernant la crise boursière américaine ont fait chuter de 12% l’indice MSCI des marchés par rapport aux bénéfices. Deux tiers des indices boursiers du monde ont officiellement enfilé leur casquette baissière.

– Les analystes étaient si excités à l’idée d’annoncer l’indépendance de leurs économies par rapport aux Etats-Unis qu’ils en ont oublié qui conduit l’économie mondiale… c’est-à-dire le consommateur américain. Sa force, ou sa faiblesse, détermine en grande partie la quantité de pétrole consommée, le nombre d’ordinateurs achetés et le nombre de hamburgers avalés.

– Si le M. Tout-le-monde américain veut une nouvelle paire de chaussettes, l’économie de M. Tout-le-monde asiatique s’enrichit du prix d’une paire de chaussettes (moins les taxes et la marge de Wal-Mart). Tant que le M. Tout-le-monde américain aura besoin d’un sèche-cheveux/lisseur/fer à friser/kit d’épilation, la chaîne mondiale d’assemblage des instruments de coiffure demeurera intacte.

– Quand les Etats-Unis décident que c’est "la saison de la conduite", ou "la saison du chauffage central" ou encore "la saison de la climatisation", les producteurs d’énergie de Russie, du Nigeria, du Venezuela et du Moyen-Orient savent qu’ils vont recevoir un gros chèque en échange de leurs ressources naturelles.

– Mais le consommateur américain ne peut pas tirer indéfiniment sur son crédit… et sa banque centrale ne le peut pas non plus. Arrivé à un certain stade, il faut remplacer ce crédit, qui a permis d’acheter tout ces produits de luxe, par de la monnaie sonnante et trébuchante. Le banquier ne va pas rallonger le crédit à l’infini…

– …et le M. Tout-le-monde asiatique ne le fera pas non plus.

– A chaque dollar produit par la Réserve fédérale américaine, les réserves en dollars des nations créditrices du monde entier perdent un peu plus de valeur. Comme vous vous en doutez, ce n’est pas du goût des nations qui travaillent dur dans les puits de pétrole ou sur les chaînes d’assemblage de fers à friser.

** Dans les pays du Golfe, l’inflation a déjà atteint un niveau record en raison d’une pénurie de logements et du lien entre les devises du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) et le dollar américain en pleine décrépitude. Dans un rapport récent, Merrill Lynch annonçait que l’inflation risquait d’atteindre les 12% dans le Golfe — le taux plus élevé de ces vingt dernières années — si les gouvernements ne faisaient rien pour libérer leurs devises des griffes d’un billet vert condamné… ou au moins pour les réévaluer.

– Mais les états du CCG (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie Saoudite et Emirats Arabes Unis) n’importent pas seulement un surplus de billets à ordres américains à l’agonie. A l’exception du Koweït, qui a désolidarisé le dinar du dollar en mai 2007, ils importent aussi une politique monétaire farfelue. Quand Bernanke est venu à la rescousse d’investisseurs irresponsables la semaine dernière, les états du Golfe ont été forcés de suivre le mouvement pour maintenir le lien.

– Dans une tentative désespérée d’éviter l’érosion inflationniste de leur fortune en pétrodollars, les fonds souverains sont allés chercher du côté des institutions financières aguerries. Heureusement pour eux, avec les hauts et les bas catastrophiques de Wall Street, il y a du choix. Désormais, quand M. et Mme Tout-le-monde chinois ou arabes veulent racheter des sociétés de prêts en difficulté, ce sont les banquiers américains qui font la queue pour répondre à la commande.

– Comment en sommes nous arrivés là ? Comment le dollar a-t-il pu perdre tant de valeur que même les marchés émergents n’en veulent pas ?

 

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