La Chronique Agora

Le massacre des classes moyennes

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Un par un, les piliers de la richesse américaine commencent à vaciller et à céder…

Wow… Wall Street a fait un bond hier après la publication des derniers chiffres de l’inflation, à 7,7%… seulement 50 petits points de base sous le précédent chiffre publié.

Mais attention. M. le Marché est rusé. Au cours d’un long marché haussier – disons, de 1982 à 2021 – des baisses occasionnelles ont forcé la main des investisseurs, qui ont vendu des titres. Par la suite, ils ont dû racheter ces mêmes titres à des prix plus élevés. Ceux qui ont le mieux réussi sont ceux qui ont juste suivi la tendance haussière sans jamais vendre.

Et maintenant que la leçon du « buy-and-hold » a été apprise, la tendance principale semble aller dans l’autre sens. M. le Marché attire les investisseurs dans un marché en baisse avec des reprises occasionnelles. Ils achètent le creux, puis M. le Marché fait à nouveau baisser les prix. Ils perdent alors encore plus d’argent.

Mais nous ne parlerons pas des hauts et des bas du marché boursier. Oui, le ralentissement actuel touche les fonds de pension et les portefeuilles familiaux. Mais ce n’est qu’une partie d’un phénomène plus grand : le massacre de la classe moyenne.

CNBC rapporte :

« Le Dow Jones grimpe de 1 200 points, et le S&P 500 bondit de 5 % : c’est le plus grand rally depuis deux ans.

Nous avons assisté au plus plus grand rally des actions depuis 2020 : les prix à la consommation du mois d’octobre ont suscité l’espoir des investisseurs, selon qui l’inflation pourrait avoir atteint un sommet. »

La baisse de l’inflation donnera à la Fed une raison de faire une pause avant son retour à la normale – c’est du moins ce que pensent les investisseurs. Peut-être ont-ils raison ; si l’inflation continue de baisser, comme cela pourrait être le cas, la Fed baissera sa garde… et relâchera ses efforts.

Mais il se peut aussi qu’elle ne le fasse pas. Mais les investisseurs n’ont aucun souvenir récent d’un marché baissier prolongé ; il faudra un certain nombre de déceptions pour leur faire perdre le réflexe d’acheter en période de baisse.

En attendant…

Le Dow Jones condamné

Les actions et les obligations ne sont toujours pas bon marché. Les Chinois ne transforment plus des millions de paysans en main-d’œuvre bon marché. L’industrie pétrolière et gazière ne crée pas non plus de nouvelles sources d’énergie bon marché. Par ailleurs, les taux d’intérêt réels n’ont jamais été aussi bas, et il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant qu’ils ne se rapprochent de la « normale ».

Expliquons : avec un taux des fed funds de 4% et une inflation de 7,7%, la Fed prête encore de l’argent à plus de 3 points de pourcentage en dessous de l’inflation. Pour autant que nous le sachions, les hausses des prix à la consommation n’ont jamais été maîtrisées en prêtant de l’argent à des taux réels négatifs. Nous devons donc croire que soit l’inflation va persister… soit la Fed devra continuer à augmenter les taux, « jusqu’à ce que quelque chose casse ».

Dans tous les cas, le rally du marché boursier est condamné. Au mieux, il sera maigre et de courte durée… comme l’avorton d’une portée. Mais il y a autre chose qui condamne les bénéfices du Dow… le Dow lui-même… et la classe moyenne américaine.

Trois éléments déterminent la santé financière des familles de la classe moyenne : leur maison, leur emploi et la valeur de leur argent. Sur ces trois points, elle se fait tuer.

Les salaires après inflation ont commencé à baisser en avril de l’année dernière. Ils sont négatifs depuis lors. C’est pourquoi l’épargne est également en baisse – avec un taux d’épargne des ménages de 3,1%, soit moins de la moitié de ce qu’il était il y a un an.

Jusqu’à présent, les statistiques officielles montrent que des emplois sont encore existants. Mais Elon Musk vient de licencier la moitié du personnel de Twitter. De nombreuses autres entreprises suivent son exemple. Le magazine Fortune nous détaille cela :

« Les emplois qui ont construit la classe moyenne américaine disparaissent, intensifiant sa chute.

[…] Une récession latente menace désormais le gagne-pain des cols blancs. Les postes de mamangement à salaire élevé, qui étaient autrefois considérés comme la clé de la réalisation du rêve américain de la classe moyenne, pourraient être supprimés par vagues.

A mesure que ces emplois disparaissent au profit de cols bleus à des coûts plus raisonnables, le pipeline menant à la classe moyenne pourrait être coupé au niveau des genoux, rapporte le Financial Times. »

Mais au moins, les ménages de la classe moyenne ont toujours un toit au-dessus de leur tête, non ? Et au moins, ils ont accumulé de la richesse grâce à la hausse des prix de l’immobilier, n’est-ce pas ? Et au moins, ils peuvent retirer une partie de ces « fonds propres » s’ils en ont besoin, n’est-ce pas ?

La réponse est non ! BusinessInsider rapporte :

« Les ventes de logements aux Etats-Unis vont continuer à baisser. […]

Selon Redfin, les ventes de logements devraient continuer de baisser en 2023, alors que le groupe a licencié 13% de sa masse salariale […]. La hausse des taux hypothécaires et l’inflation élevée sont les principales pressions qui font baisser le nombre de ventes de logements. »

De nombreuses familles ont profité de la baisse des taux d’intérêt pour refinancer leur maison… souvent en « retirant de la valeur » pour acheter une nouvelle cuisine ou une nouvelle salle de bains.

Mais maintenant, elles doivent tout refinancer une fois de plus – à des taux beaucoup plus élevés… alors que les prix des maisons sont en baisse. Les paiements hypothécaires ont plus que doublé depuis juillet 2020.

Des marchés submergés

Voyons voir – les revenus baissent… les emplois disparaissent… les prix des maisons baissent… Le magazine Fortune en tire une conclusion :

« La classe moyenne est dans une situation difficile, coincée entre la disparition de la richesse que les Américains ont accumulée pendant la pandémie et les licenciements prévus dans le cadre d’une récession imminente. »

Mais attendez. C’est juste « transitoire », non ? Pas exactement ; Selon Bloomberg :

« Le boom générationnel de la richesse prend fin pour la classe moyenne américaine.

[…] En mars de cette année, la richesse réelle moyenne de la classe moyenne américaine – y compris la valeur nette de leurs maisons et autres actifs physiques, ainsi que la retraite et d’autres formes d’épargne – a atteint les 393 300 $, soit le niveau le plus élevé jamais atteint, selon les données rassemblées par les économistes de l’université de Californie à Berkeley.

La richesse de la classe moyenne a atteint un sommet en mars, après une période d’accumulation de richesse de cinq ans – durant deux présidences et rendue possible par des taux d’intérêt historiquement bas –, qui a été la plus remarquable du dernier demi-siècle.

Mais cette époque est en train de s’estomper, voire de disparaître.    

Selon les estimations des économistes de Berkeley, la richesse moyenne des adultes de ce qu’ils appellent ‘la classe moyenne’ avait, le 25 octobre, chuté d’environ 7 %, soit de plus de 27 000 $, pour atteindre 366 100 $, depuis le pic de mars. C’est la plus forte baisse enregistrée depuis la crise financière mondiale de 2007-2009. »

Transitoire ? S’il s’agit d’un marché baissier sérieux, les actions pourraient ne pas se redresser avant 15 ou 20 ans. Si Powell fait volte-face (comme nous le pensons), l’économie entrera dans une période d’inflation, de récession et de chaos qui pourrait durer de 20 à 50 ans. Et les prix de l’immobilier ? Qui sait ?

Il a fallu des décennies de dur labeur pour construire la richesse de la classe moyenne américaine. Il ne faudra que quelques années d’illusion et d’incompétence pour la détruire.

A suivre…

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