La Chronique Agora

Mario Draghi aimerait-il lui aussi éteindre les incendies boursiers avec des liquidités ?

▪ Rien ne subsiste du climat psychologique de lundi dernier, sinon une simple empreinte graphique du CAC 40 au-dessus des 3 250 points à Paris.

Les opérateurs qui attendaient une fin de premier semestre dans le rouge se sont fait rincer en quelques heures (le 29 juin) ; ceux qui ont cru aux simagrées des eurocrates perdent déjà 4% en quatre séances.

Les malheureux gérants espagnols qui se sont laissés abuser par la promesse que le MES allait sauver leur système bancaire voient déjà les valeurs ibériques retomber à leur plus bas niveau depuis le 27 juin. L’IBEX a fait 7% puis -7% en moins de neuf séances, soit deux mouvements d’ampleur trimestrielle en moins de temps qu’il n’en faut pour faire de tour de l’Andalousie à vélo.

Pour les plus malins, cela représente une opportunité de cumuler 14% d’écart là où notre logique économique aurait conclu que les indices boursiers n’avaient guère de raisons de gagner ou de reperdre plus de 3% dans les deux sens au cours du même intervalle.

En une semaine nous sommes passés d’un consensus de type « l’Europe est sauvée » à un concert d’avis discordants concernant les chances de faire avancer plus ou moins rapidement le dossier de l’union bancaire européenne lors du prochain sommet de l’Eurogroupe le 20 juillet prochain.

▪ Les rendements obligataires espagnols et italiens affolent le baromètre
En ce qui concerne la mise en oeuvre d’action concrètes — via le fameux MES — plus personne ne pense sérieusement que les Européens tomberont d’accord avant la fin de l’année 2012 !

Il n’en fallait pas davantage pour faire ressurgir le même genre de questionnement qu’au début du mois de juin, lorsque les rendements obligataires ont dépassé la cote d’alerte (le cap des 6%) en Espagne et en Italie.

Maintenant que les bons du Trésor ibériques ne trouvent plus preneur à 7% — tandis que l’Allemagne et désormais la France placent des émissions à six mois à un taux négatif –, les commentateurs se remémorent avec horreur que Mario Draghi écartait jeudi dernier le scénario d’une reprise du programme d’achat de dettes souveraines par la BCE.

Si les taux se remettent à flamber, qui va éteindre l’incendie ?

Les marchés n’auront pas besoin de se poser longtemps la question parce que la BCE interviendra et que les Allemands (ou les Finlandais) n’auront pas d’autre choix que de lui laisser carte blanche.

▪ Mario Draghi se réorienterait-il en pompier ?
Lorsque nous voyons Mario Draghi répéter à l’envi, les yeux mi-clos, qu’il s’en tient à son mandat, qu’il n’a pas le droit ni la légitimité pour en faire plus, nous pouvons presque l’entendre penser.

« Je suis comme un pompier avec son extincteur à poudre devant un entrepôt de pneus en flammes, mais si vous me confiez les clés d’un grand camion rouge — comme celui de mon collègue Ben Bernanke — avec sa lance haute pression qui crache deux tonnes d’un mélange eau/mousse à la minute, je pourrais vous noyer les flammes sous un déluge de liquidités en moins de temps qu’il n’en faut pour griller une cigarette ».

Pour l’instant, c’est l’Allemagne qui garde les clés du grand camion rouge dans son coffre-fort. La Finlande a menacé jeudi dernier de déserter la caserne si quelqu’un s’avisait de composer les premiers chiffres de la combinaison.

Et ce n’est pas un tropisme purement germano-nordique puisque même à la Fed, tout le monde n’est pas d’accord sur l’efficacité de la lance à liquidités : elle étouffe certes les flammes mais n’éteint pas les braises !

▪ Il reste encore des gens lucides
Jeffrey Lacker (membre non-votant de la Fed) rappelait hier soir que le quantitative easing modifie l’inflation, pas la croissance. On croirait qu’il partage les mêmes convictions que n’importe lequel des membres de l’équipe de la Chronique Agora… mais il doit avoir un avis sur les questions monétaires beaucoup plus sophistiqué que le nôtre.

Il n’a bien sûr jamais été écouté par son boss (Helicopter Ben) et Barack Obama ne le sera pas davantage par le Congrès US lorsqu’il l’implore de mettre un terme aux cadeaux fiscaux faits aux riches tout au long de l’ère Bush.

Le Tea Party sait qu’en torpillant toutes les mesures de bon sens (ne parlons même pas de justice sociale ce qui fait beaucoup trop français et presque… communiste), l’Amérique se retrouvera plongée — temporairement — dans la tourmente économique comme au milieu de l’été 2011.

Même si la paternité de l’échec des négociations sur la réduction des déficits fut majoritairement attribuée aux ultra-libéraux républicains du Congrès américain, nombre d’Américains jugeaient quelque part leur Président responsable du mauvais état du pays et même ses supporters se disaient déçus de son bilan économique.

Pour les républicains, la plupart des sondages ont prouvé que la politique du pire était, pour eux, de loin la meilleure d’un point de vue électoral, une considération qui reste primordiale dans la perspective des présidentielles de la mi-novembre

Pourquoi changer une stratégie qui gagne ?

Wall Street regarde avec une certaine satisfaction la remontée de Mitt Romney dans les derniers sondages, mais il reste pour l’instant cantonné au rôle de challenger. Pas de quoi miser prématurément sur le succès d’un candidat classifié pro-business.

Les indices ont terminé cette première séance de la semaine sur un repli sans consistance (0,2% en moyenne, 0,28% pour le Dow Jones).

Les indices américains avaient réduit leurs pertes de plus de moitié dès la mi-séance. Ils ont grappillé quelques points supplémentaires en cours d’après-midi, reproduisant avec beaucoup de fidélité le scénario observé sur les places européennes quelques heures auparavant. En effet, l’Euro-Stoxx 50 a perdu presque 1% en milieu de matinée avant de clôturer sur un modeste repli de 0,35%.

▪ Les publications des trimestriels pointent le bout de leur nez
Très attendue depuis une semaine, la publication des trimestriels d’Alcoa s’avère être l’exemple type du non-événement.

Le numéro un de l’aluminium annonce une perte symbolique de deux millions de dollars (soit un cent par titre) contre un gain de 322 millions de dollars l’an dernier, soit 0,28$ par titre. Le chiffre d’affaires a reculé de 9,4% à 5,96 milliards de dollars, légèrement supérieur aux 5,81 milliards de dollars anticipés. Alcoa qui grappillait 0,34% avant la clôture prenait 0,15% de plus en after hour : rien à signaler !

Un autre résultat publié hier soir sera peut-être jugé plus significatif : AMD annonçait après la clôture une baisse de 11% de son chiffre d’affaires, du fait d’une baisse des ventes d’ampleur inattendue en Europe et en Chine.

AMD — qui revoit à la baisse ses prévisions pour le second semestre — plongeait de 5,8% en transactions électroniques après avoir déjà cédé 2,25% en séance.

L’occasion de rappeler que le Nasdaq Composite affiche encore 12,5% depuis le 1er janvier et le Nasdaq 100 près de 15%. Mais dès que Wall Street perd quelques pieds d’altitude, les spéculations sur une action de la Fed ressurgissent aussitôt.

Les années précédentes, Wall Street attendait d’être en manque avant de réclamer son shoot de QE3. En 2012, dès que l’euphorie retombe, les investisseurs exigent que la Fed recharge la seringue : la dépendance atteint un stade réellement critique !

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