La Chronique Agora

Marchés US : vers une méga-bulle sous-estimée ?

Illustrative representation of a stock market bubble collapsing, depicting a parabolic graph transitioning into a downturn and concluding its market cycle against a backdrop of a financial crisis, leaving room for text.

L’écart de performance historique avec l’Europe, combiné à des indicateurs économiques divergents, soulève des inquiétudes sur la pérennité de la surévaluation des marchés US…

Le différentiel de performance boursière entre l’Europe (représentée par l’EuroStoxx 50) et les Etats-Unis s’établit entre 17% et 26%, que l’on prenne comme référence le S&P 500 ou le Nasdaq.

Outre le fait que cet écart est sans précédent depuis 2015 (lorsque Wall Street a commencé à surperformer systématiquement les marchés du Vieux Continent), son caractère excessif alimentait fin 2024 l’espoir que la sous-valorisation des composantes du CAC 40 ou de l’EuroStoxx 50 finisse par susciter un rééquilibrage des investissements.

Espoir éteint dès les 2 et 3 janvier, à la lumière des derniers chiffres publiés de part et d’autre de l’Atlantique : le contraste est saisissant entre l’Europe et les Etats-Unis, avec des indices d’activité avancés comme les PMI ou ISM qui continuent d’évoluer aux antipodes.

En France, l’indice PMI pour l’industrie manufacturière de S&P Global pour décembre a dévissé de 43,1 en novembre vers 41,9. Il s’agit de la plus forte détérioration de la conjoncture dans le secteur manufacturier depuis mai 2020 (suite à la mise à l’arrêt de l’économie dans le cadre de la pandémie COVID). Pour l’ensemble de la zone euro, le PMI s’est légèrement replié de 45,2 en novembre à 45,1 en décembre, un écart modeste mais qui s’inscrit dans la continuité d’une dégradation de la conjoncture du secteur depuis deux ans et demi.

C’est tout l’inverse aux Etats-Unis, avec un ISM manufacturier (baromètre de l’Institute for Supply Management) plus robuste qu’attendu en décembre : il est ressorti en nette hausse à 49,3, contre 48,4 en novembre.

Petit bémol tout de même avec l’indice PMI manufacturier dévoilé la veille par S&P Global, qui s’est légèrement contracté, de 49,7 à 49,4… Mais c’était largement compensé par une chute de 9 000 (à 211 000) des nouvelles inscriptions aux allocations chômage à l’issue de la semaine du 23 décembre. Ce sont là des scores dignes du plus pur « plein emploi » de l’automne 2023…

Mais attention, les chiffres du département du Travail sont en trompe-l’œil, car un emploi à plein temps ou à mi-temps comptent indifféremment pour « un job » (c’est-à-dire, par définition, un chômeur de moins), alors que la réalité est bien moins souriante. Deux millions d’emplois à plein temps ont été perdus en 12 mois, opportunément remplacés par autant de jobs à temps partiel. Et certains Américains exercent deux ou trois jobs pour joindre les deux bouts.

Alors un job de plus ne fait pas forcément un chômeur de moins dans le « monde réel » ; mais c’est ainsi que cela fonctionne dans le monde enchanté des statistiques.

Mais aussi bien les PMI que les ISM, les derniers chiffres de l’inflation, les créations d’emplois qui demeurent (c’est incontestable) à un niveau élevé alimentent les craintes que les taux ne baissent qu’une seule fois aux Etats-Unis, la Fed ayant déjà averti le 18 décembre que l’économie demeurait très robuste, et que le risque inflationniste n’était pas totalement maîtrisé.

Il en résulte une remontée des rendements obligataires de près de 100 points sur les T-Bonds US depuis le 17 septembre dernier, le « 10 ans » flirtant avec les 4,60%, ce qui rend encore plus criant un autre différentiel : celui existant en la rémunération « sans risque » des bons du Trésor US et celui des actions du S&P 500, laquelle ne dépassait pas les 1,25% au soir du vendredi 3 janvier.

Les T-Bonds offrent un rendement 3,68 fois supérieur à celui des actions, un ratio qui n’a été observé qu’une fois au XXIe siècle, et c’était en mars 2000… A l’époque, le niveau de « concentration » (dix titres représentent 40% du S&P) n’avait pas atteint les sommets que nous observons début 2025.

Cet excès-là nous paraît autrement plus alarmant que la surperformance de Wall Street par rapport aux indices européens. La gestion algorithmique se retrouve piégée par sa propre logique de surpondération des meilleurs performers de la cote dans la zone économique réputée la plus dynamique.

Les marchés US présentent toutes les caractéristiques d’une méga-bulle, avec cette dimension trompeuse qui est l’absence de frénésie, ou de ruée sur les « BAATMMAN » en mode « FOMO » (Fear of Missing Out).

C’est comparable à un volcan qui fait éruption sous la glace : d’abord on ne voit rien, puis soudain la calotte cède sous la chaleur et l’éruption devient explosive.

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