L’inflation ne sera pas transitoire… et les cours actuels des actions ne sont pas justifiés ; au contraire, plus rien ne tient les marchés – et l’effondrement sera proportionnel aux erreurs colossales qui ont été commises.
Je soutiens que c’est une erreur de gestion et pas seulement une erreur de « com’ » de la part de Jerome Powell que de décréter que l’inflation sera transitoire : la compétence aurait dicté la prudence et un jugement nuancé.
Au lieu du tout ou rien, Powell aurait introduit un doute gérable, il se serait laissé la possibilité de s’adapter en souplesse, et le marché aurait été dérivable ; il serait resté linéaire.
De la même façon, je soutiens qu’il faut être stupide ou incapable pour oser reconnaître que les cours actuels des actions sont justifiés par les taux bas. En effet, cela revient à reconnaître que quand les taux vont devoir monter, les cours des actions ne seront plus justifiés et qu’ils devront s’effondrer. Powell ne se laisse aucune porte de sortie.
L’erreur colossale de Powell est de préempter, c’est-à-dire de renforcer le poids des invariants.
Préempter, c’est jouer son va-tout pour être convaincant. Ce faisant, il s’interdit de piloter en souplesse et de tenter de remettre du linéaire quand la rupture intervient.
Un pas à ne pas franchir
Powell tombe dans le piège de croire aux modèles, or les modèles posent tous comme principe que l’Histoire va se répéter. Ainsi, ils disent que les QE et les injections de liquidités provoquent des achats en Bourse.
De là à penser qu’il suffit toujours de compter sur cette injection de liquidités pour contrôler la Bourse, il n’y a qu’un pas… qu’il ne faut surtout, surtout pas franchir.
Les injections de liquidités ne sont pas toujours suffisantes pour arrêter les débâcles : on l’a vu en 2000, 2008 et en mars 2020.
Il y a des moments où les opérateurs et détenteurs de portefeuilles considèrent qu’il vaut mieux détenir du cash plutôt que des actions ou des obligations. La liaison entre liquidités et soutien des cours de Bourse est tout sauf nécessaire et organique.
Comme le démontre John Hussman, le lien entre création de liquidités et cours boursiers n’est pas réel ; il est magique, il résulte d’une croyance.
Il convient de rappeler le chaos de mars 2020. Les marchés ont poursuivi leur réduction des risques/désendettement en panique, alors même que la Fed annonçait de colossales injections de liquidité. Ce n’est que lorsque la Fed a intensifié sa réponse par des injections monumentales que la dynamique du krach s’est inversée.
Combien faudra-t-il la prochaine fois ?
Car il y aura une prochaine fois : le besoin de destruction a considérablement augmenté depuis un an… et comme il ne peut pas être satisfait car le système ne supporte plus la destruction, il va falloir soutenir l’édifice, bétonner, colmater.
La structure des marchés n’est plus viable. L’exceptionnel que constituent les taux zéros, les achats de titres, les assurances et les promesses à perte de vue – cet exceptionnel doit devenir récurrent.
Le peuple est en train d’apprendre ; il a enfin compris ce que les initiés et les grands prêtres de la religion financière ont compris il y a plusieurs années. Retenez bien, l’apprentissage est une donnée dont il faut tenir compte.
Comment se comporteront les « esprits animaux » quand ils sentiront à nouveau l’odeur du bol de punch ou du coup de whisky ?
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]