La Chronique Agora

Marchés actions : la Chine a encore beaucoup à apprendre

▪ Donald a émis un soupir de soulagement. Lui et les autres riches ont eu un répit, dans la volée de bois vert qu’ils prennent ; les actions ont rebondi.

(Un de nos lecteurs nous a corrigé. Donald Trump n’a pas fait faillite personnellement. Ses projets ont fait faillite. Et seulement quelques-uns. Il n’est pas l’arriviste irréfléchi que nous avons dépeint, mais un homme d’affaires prudent, calme et rationnel qui réagit simplement aux occasions et aux défis qui se présentent à lui).

Il n’y a pas de quoi s’inquiéter, ce n’est qu’un accès de vapeurs, non une épizootie

Le rebond de ces derniers jours confirme le point de vue général : il n’y a pas de quoi s’inquiéter, ce n’est qu’un accès de vapeurs, non une épizootie. La banque privée US Trust rassure ses clients :

"Les événements des jours derniers étaient dus à la crainte de revenir à l’environnement boursier de 1997-1998, lorsque la crise des devises asiatiques a mené à une correction significative sur les marchés boursiers mondiaux. Une seconde baisse de l’énergie, une chute durable vers des plus bas record pour de nombreuses matières premières et un plongeon sur les marchés des devises et des actions dans les pays émergents font naître la peur d’une récession mondiale. Il faut ajouter à cela que les investisseurs s’inquiètent d’un resserrement de la Réserve fédérale alors qu’a lieu un ralentissement à grande échelle — ce qui augmente la fuite vers la sécurité.

Nous ne sommes pas d’accord avec ce qu’envisagent certains — une récession précédée par une crise financière. Les caractéristiques techniques des marchés sont peu encourageantes et semblent se détériorer, mais l’environnement fondamental, l’environnement politique mondial et désormais les valorisations s’améliorent dans la majeure partie des régions économiques. La Chine et les marchés émergents sont certainement encore en ralentissement, mais le monde développé est en train de passer à la vitesse supérieure".

US Trust, tout comme Donald Trump et une bonne partie des médias, affirme que la chute est de la faute des Chinois. Les marchés émergents ralentissent, disent-ils, tandis que les Etats-Unis et les économies développées passent "à la vitesse supérieure".

"Supérieure" ? En ce qui nous concerne, nous sommes plutôt d’avis qu’ils sont passés en marche arrière.

▪ La Chine a encore du chemin à faire
Pour en revenir à la Chine, comment se fait-il qu’elle ralentisse ? Eh bien, il semblerait que les Chinois ont trop emprunté, trop construit et trop spéculé — exactement comme M. Trump. Et les Etats-Unis.

Et maintenant que M. le Marché donné une leçon aux investisseurs, les autorités chinoises cherchent désespérément à fermer les écoles — comme aux Etats-Unis.

M. Trump devrait chanter les louanges des Chinois. Au moins ont-ils encore des outils disponibles pour faire quelques plaisanteries de plus. Leur taux directeur est encore au-dessus des 4% ; aux Etats-Unis, il frôle le zéro depuis six ans. Et ils sont prêts à faire tout et n’importe quoi — aussi absurde que ce soit — pour que leur marché actions reste surévalué. Le simple fait d’en parler est devenu un délit punissable par la loi.

Mais mal évaluer les prix des actifs est une erreur élémentaire

Nous ne plaisantons pas. Nos analystes à Pékin doivent faire attention à ce qu’ils disent, sous peine de se faire arrêter. Cela montre que les Etats-Unis sont une économie avancée : lorsqu’il s’agit de tromper les investisseurs, ils ont plus recours à la fraude et moins à la force. Bon… soyons indulgents avec les Chinois ; ça ne fait pas longtemps qu’ils gèrent une économie de marché. Ils ont encore beaucoup à apprendre. Lorsqu’on manipule les cours — en manipulant les marchés –, par exemple, on n’augmente pas la valeur intrinsèque des actions. On les rend simplement moins attirantes pour les investisseurs sensés. A court terme, la hausse des cours semble être une bonne nouvelle. Les investisseurs se donnent des tapes dans le dos. Les commentateurs bavassent sur "la vigueur de l’économie américaine". Le public pense s’être enrichi. Mais mal évaluer les prix des actifs est une erreur élémentaire. Comme nous l’avons vu à la fois en Chine et aux Etats-Unis, ça pousse les ressources réelles dans des investissements idiots et de la surproduction. Aux Etats-Unis, il y a plus de centres commerciaux qu’il n’y en a besoin. En Chine, ils ont trop d’usines. (Nous ne faisons que supposer, bien entendu… Seul M. le Marché peut le savoir avec certitude. Et dans les deux pays, il a été bâillonné par le gouvernement central).

Le vrai problème, dans les deux économies, est un excès de dette et apparentés. La dette a faussé l’économie et la structure du capital, générant de la surcapacité dans certains secteurs-clé ainsi que des actifs surévalués — les actions, les obligations et l’immobilier — quasiment partout. Maintenant que M. le Marché commence à exprimer son avis, les autorités se précipitent avec plus de gaze et de ruban adhésif.

▪ Restez-en au tangible !
Récemment, à New York, des amis nous ont demandé notre avis :

"Devrions-nous investir en bourse ?"

Il s’agit de personnes qui rachètent des vieilles maisons et des propriétés commerciales dans la région de Tivoli ; ils les retapent pour les louer ensuite. Visiblement, l’endroit est de plus en plus couru les week-ends… en plus d’abriter quelques hipsters et philosophes récemment diplômés de Bard College. C’est un quartier dont la cote est en hausse, avec de bons restaurants et bars, une jolie architecture du 19ème siècle et une atmosphère détendue.

Lorsque nous leur avons demandé de préciser quelques chiffres, nos amis ont répondu :

"Eh bien, les choses par ici deviennent relativement chères. Mais on peut encore acheter une vieille maison pour 180 000 $. Nous investissons 30 000 $ environ pour les réparations [ils font les travaux eux-mêmes]… et nous louons ensuite pour 2 000 $ par mois".

Cette esquisse n’était pas assez détaillée pour calculer un rendement précis — mais les bases nous semblaient saines.

"Si j’étais vous", avons-nous dit, "je continuerais tout simplement comme ça. Votre retour sur investissement est correct. Vous ne dépendez pas autant du capitalisme de copinage que sur les marchés boursiers. Vous comprenez ce que vous faites. Vous contrôlez votre temps et votre investissement. Vous n’avez pas besoin de Janet Yellen ou de la banque centrale chinoise pour protéger votre investissement".

"Vous achetez aussi bon marché que quiconque et vous dépensez probablement moins que vos concurrents en rénovation et entretien. Vous ne ferez probablement pas mieux que ça avec les actions. Qui plus est, votre portefeuille pourrait partir en fumée. Les maisons, en revanche, resteront là".

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