La Chronique Agora

La marchandisation de la vérité

vérité, mensonge, citoyen, censure

Elle est désormais déboussolée, dépouillée de ses attributs et relativisée.

Depuis très longtemps, j’écris que le terrorisme est notre avenir.

Terrorisme intérieur et extérieur. Car il y a une similitude extrême dans notre monde entre ce qui se passe à l’intérieur de nos pays et ce qui se passe à l’extérieur, entre les pays.

Une même structure de domination explique et permet de comprendre l’isomorphisme qui existe entre ces deux espaces.

Pour simplifier et afin que vous compreniez ce que je veux signifier, cette structure est celle de la négation de la vérité et l’implantation du mensonge. Cela rejoint ce dont je vous parle souvent, à savoir le fameux « nous créons notre propre réalité et vous vous y adaptez », mais c’est plus complexe et plus riche.

A côté du réel

Je formule ainsi pour faciliter la compréhension et ne pas alourdir mon propos, mais en réalité la structure dont je parle n’est pas binaire – intérieur/extérieur des pays – non, elle est en trois parties : il y a la structuration internes des sujets, des citoyens, leur reprogrammation « fausse », il y a la structuration interne de la société et il y a la structuration des relations internationales.

Les citoyens ne sont pas laissés indemnes, intacts par la suppression du vrai et son remplacement par le mensonge ; non, ils sont modifiés dans leur Être. Nous sommes structurés par le langage, la parole, et le symbolique, aussi bien au niveau conscient qu’au niveau inconscient. Une société de mensonge produit des Êtres faux, non authentiques, des personnes qui marchent à côté de leurs pompes et à côté du réel.

Mais c’était presque une digression.

Je voudrais ajouter que cette structuration dont je parle des Êtres, des Nations, des relations internationales par la suppression du vrai et son remplacement par le mensonge, est aussi un peu plus complexe, car il y a un troisième terme entre le vrai et le mensonge ; c’est le « ni vrai ni faux ». Mais ce sera pour un autre jour.

Le terrorisme est notre avenir.

Et bien entendu, je ne me suis pas trompé, car il ne s’agissait pas d’une prévision mais d’un constat, d’une lecture de ce que je vois. On ne prévoit pas l’avenir, mais il est possible de voir le présent, de voir ce qui qui se passe aujourd’hui avec les yeux et l’intelligence de demain. De voir dans les grains de blé d’aujourd’hui le champ qui sera couvert d’épis demain. On n’échappe pas à la logique et la nécessité.

Nos sociétés ne peuvent échapper à la violence que si les divergences et les conflits peuvent être résolus de façon symbolique. Résoudre les conflits de façon symbolique, c’est reconnaître que le symbolique est au-dessus de nous, qu’il nous transcende.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que des catégories comme la vérité, la logique, le principe de non contradiction, le principe d’évidence, tout cela s’impose aux hommes et les met d’accord.

Si tout cela ne les met plus d’accord, alors il faut militariser la police, censurer, opprimer, multiplier les guerres…

Un produit de plus

La fonction de la vérité sous cet aspect est socialement centrale ; elle est de mettre tout le monde d’accord, de créer une possibilité d’accord, une possibilité de s’entendre sans se battre, au-delà des divergences d’opinion et d‘intérêt.

C’est pour cela que la recherche de la vérité et sa diffusion sont des fonctions sociales essentielles, fondatrices de nos civilisations au même titre d’ailleurs que la confiance qui l’accompagne.

Hélas, depuis que les marchands du Temple ont pris le pouvoir et ont colonisé nos systèmes et les ont transformés en régimes, la vérité est déboussolée ; elle est dépouillée de ses attributs, elle est niée, et ravalée. Les philosophes, les publicitaires, et les politiciens ont découvert que la vérité pouvait être relativisée ! Elle pouvait selon eux cesser d’être un en-soi et devenir un pour-soi, ou plutôt un pour-eux !

Ils l’ont fait descendre sur terre et même plus bas que terre. Ils ont découvert que la vérité pouvait être considérée comme un produit, un attribut du pouvoir, et qu’elle n’existait pas en soi ! Cette relativisation de la vérité devenue marchandise, commodity, est la conséquence de la chute des valeurs et des référents, qui est intervenue avec le marginalisme économique et les découvertes ou pseudo découvertes des sciences sociales.

Si la vérité est relative, la vérité est morte et alors, comme s’agissant de la mort de Dieu, tout est permis ; l’assassinat de la vérité est aussi important que la mort de Dieu.

Et si tout est permis, ceux qui n’ont pour rempart et protection dans leur vie que la vérité, le vrai, le symbolique, alors ceux-là peuvent être trompés, abusés, opprimés, sans qu’ils aient le moindre recours ; l’assassinat de la vérité avec un grand V est une opération idéologique des marchands du Temple, du Capital devenu pervers, de ses mercenaires, de ses ingénieurs sociaux, de ses médias, de ses publicitaires, et autres politiciens bien sûr.

L’assassinat de la vérité comme moyen de contrôle social empêche de mettre le monde d’accord ; il ne laisse d’autre issue que la violence, et le terrorisme. Face au mensonge, il ne reste que la rage et les armes.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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