▪ Le CAC 40 a terminé hier sur un gain de 0,45% qui efface l’essentiel du terrain perdu la veille. Le score final en cette première séance suivant les « Quatre sorcières » n’est pas très impressionnant : en se limitant à ce constat, cette séance apparaît presque banale.
Ce fut pourtant très loin d’être le cas. Le scénario observé ce lundi a mis en lumière la toute puissance du trading algorithmique (qui ne procède que de lui-même) : il a réussi à propulser le CAC 40 vers 3 920 points — soit un gain de 1,5% — à la mi-séance, sans le moindre début de commencement de justification macro- ou micro-économique.
Compte tenu du repli de 0,85% de Tokyo et de 0,45% de Shanghai en fin de nuit, l’écart anticipé sur le CAC 40, le FTSE 100 ou le DAX 30 était nul à légèrement négatif.
Une fois la séance entamée sur ces prémices exaltantes, la manipulation indicielle s’est enclenchée sans même chercher à se faire discrète ni à surfer sur un vague prétexte haussier extrait du fil de l’actualité.
▪ Une actualité si peu porteuse et si peu favorable, par ailleurs, que l’euro continuait de s’enfoncer — d’abord sous les 1,3150 $ puis sous les 1,31 $ en fin de journée.
La monnaie unique atteint également un plus bas historique face au franc suisse sous la pression de la perspective d’un nouvel abaissement de notation des quatre principales banques grecques (Athènes a plongé de 3,5% ce lundi).
Moody’s a entériné la dégradation de la note de cinq banques irlandaises. Parallèlement, la National Asset Management Agency (NAMA) — la structure de liquidation bancaire créée par l’Etat irlandais — a annoncé ce lundi avoir racheté la bagatelle de 11 000 prêts immobiliers en déshérence pour un montant initial de 71,2 milliards d’euros auprès des principales institutions financières du pays (la décote s’élève à 58% en moyenne).
Aucune explication non plus à la hausse du CAC 40 en cherchant du côté des marchés obligataires. Le rendement sur les dettes souveraines des « PIGS » a continué de se tendre (+0,07% en moyenne) pour atteindre 12% en Grèce, 8% en Irlande et 5,6% en Espagne.
Les dégagements sur les bons du Trésor des pays « périphériques » ont favorisé une détente sur les Bunds (-0,05%) mais par sur les OAT françaises. Cette « fuite vers la qualité », c’est tout sauf le genre de phénomène qui traduit un renforcement de la confiance des marchés.
Ils sont pleinement conscients que la réunion de crise des dirigeants européens à Bruxelles jeudi et vendredi dernier n’a débouché sur aucune avancée en matière de résolution des difficultés les plus immédiates.
Les nouvelles dispositions ne concernent que 2013 et au-delà, c’est-à-dire à une lointaine époque où les deux principaux signataires (Angela Merkel et Nicolas Sarkozy) ne seront peut être plus aux commandes en fonction du sort des urnes. Imaginons par exemple que la volonté populaire exige d’ici 2012 un profond changement de politique économique pour résoudre la crise actuelle : que vaudront les engagements pris la semaine dernière ?
Jean-Claude Trichet, qui n’est pas tombé de la dernière averse de neige — et sait mieux que personne ce qu’est un calendrier politique — sent bien toute la fragilité de cette situation. Il a exhorté lundi matin les gouvernements européens à « assumer leurs responsabilités de façon collégiale » (ce qui sous-entend qu’ils ne l’ont pas fait).
Le patron de la BCE préconise le renforcement du fonds de stabilisation financière (FSEF) dont le périmètre est demeuré inchangé vendredi dernier… alors que les circonstances exigeraient qu’il soit rapidement étendu et renforcé.
▪ Aux Etats-Unis, un tel débat n’a pas lieu d’être. La Fed imprime de l’argent, toujours plus d’argent et le résultat de cette stratégie se lit dans les dernières statistiques relatives aux ventes de Noël : le luxe se porte bien, les gadgets électroniques multimédia également… et Apple demeure le grand gagnant de l’automne 2010.
Apple triomphe également en tête des vedettes du Nasdaq 100, avec un gain de 53% depuis le 1er janvier après +150% en 2009. Si la firme à la pomme a été une bénédiction pour les actionnaires, en est-il de même pour l’économie américaine ? Les iPhone, iPad et autres Mac Book Air — majoritairement fabriqués en Chine — représentent à eux seuls 1% du déficit commercial américain.
Nous n’irons pas jusqu’à prétendre qu’Apple constitue la plus parfaite métaphore du système économique américain qui a émergé au début du 21ème siècle. Mais nous avons tout de même sous les yeux un exemple éclairant du cercle vicieux dans lequel s’enferre mois après mois la croissance et le commerce extérieur des Etats-Unis.
Même conçus et commercialisés majoritairement aux Etats-Unis, la plupart des best-sellers de cette période fête enrichissent principalement les exportateurs asiatiques… et principalement le créancier chinois.
Toutefois, le phénomène des déficits liés aux achats de Noël reste encore marginal en regard de la facture pétrolière qui s’alourdit avec le renforcement des achats spéculatifs de contrats à terme, en réaction au « QE2 » de la Fed.
▪ S’y ajoute à présent une demande soutenue de la part des pays du nord de l’Europe qui se retrouvent confrontés à une vague de froid précoce et sans équivalent depuis 1987.
Mais entre la hausse de consommation d’électricité des ménages et la paralysie des transports et de certaines branches industrielles (à court de pièces détachées comme dans l’automobile), il n’est pas certain que la consommation globale d’énergie progresse si fortement sur le Vieux Continent.
En attendant que le thermomètre remonte de quelques degrés, le pouvoir d’achat des ménages décroît d’autant. Le litre de sans plomb 98 flirte avec les 1,54 euros dans de nombreuses stations service d’Ile-de-France. Cela représente tout simplement une valeur de 10 francs ; un plein de super coûte désormais entre 600 et 750 francs selon qu’il s’agisse d’une petite citadine ou d’une grosse berline familiale.
Imaginez la stupeur des contribuables si un prévisionniste fou avait pronostiqué qu’une fois adopté l’euro — présenté comme le remède absolu contre l’inflation –, chaque plein d’essence engloutirait 10% des revenus d’un salarié gagnant le SMIC et que le prix du mètre carré à Paris s’étagerait entre cinq et 15 SMIC 10 ans plus tard!
Voilà le genre de raccourci qui glace les sangs — avec ou sans 10 cm de neige au sol.