La Chronique Agora

Malgré la crise, faut-il investir en Inde ?

** Cette pauvre Inde, terre des grands rois hindous, terrain de jeu de l’empire moghol, a vécu une année difficile en 2008. L’Inde a eu une telle croissance — cinq ans à presque 9% de croissance économique et une Bourse en pleine explosion — qu’elle avait toutes les raisons de croire qu’elle était la petite chérie du destin. Mais dans une longue vie de hauts et de bas, on vit parfois de mauvais revers de fortune. C’est ce qui est arrivé à l’Inde.

– En 2008, sa Bourse a perdu 60% de sa valeur. La roupie a perdu 20% contre le dollar. Un nombre record d’investisseurs étrangers s’est retiré. Les meilleures entreprises indiennes se sont retrouvées en difficulté. Le blocage économique mondial a mis une grande claque à l’Inde.

– La question qui se pose aujourd’hui est la suivante : faut-il acheter indien ?

** L’Inde est un pays de contradictions stupéfiantes. D’un côté, il y a le "miracle indien". Ces entreprises en plein essor et ces campus universitaires impeccables, ces millionnaires tous les jours plus nombreux. De l’autre, la pauvreté extrême. La Banque mondiale estime que 420 millions de gens vivent en dessous du seuil de pauvreté en Inde. Et ces statistiques ne montrent pas toute l’horreur de la situation.

– Je n’oublierai jamais la gare d’Agra. La masse de gens allongés sur le sol enroulés dans des couvertures, les mendiants et la misère humaine qui émanait de ce lieu. Et c’est ainsi depuis une éternité. Mark Twain a décrit les squatteurs dans son livre En suivant l’Equateur (1897), il a décrit les foules et "leurs balluchons de fortune, leurs paniers et leurs quelques biens". Twain n’aurait aucun mal à reconnaître ce lieu.

– En Inde, vous pourrez croiser un homme d’affaires en costume, en pleine conversation sur son téléphone portable, et assis à ses pieds, un charmeur de serpent. Vous verrez des éléphants sur les routes du Rajasthan, cheminant lentement à côté de bus, de scooters et de pousse-pousse. Vous verrez de magnifiques bâtiments érigés à quelques mètres des taudis les plus misérables

– Dans le nouveau livre de Paul Theroux, La Chine à petite vapeur, l’auteur retrace la route qu’il a prise 33 ans auparavant, quand il avait 33 ans. Une partie de ce voyage se déroule en Inde. Et Theroux, aujourd’hui âgé de 67 ans, est bien placé pour juger des changements survenus en Inde. Il n’est pas très impressionné. "Nous avons parcouru les rues de Mumbai, longé les taudis, les mendiants, les culs-de-jatte et les éclopés. Le miracle n’était-il, me suis-je demandé, qu’une illusion ?"

– Theroux parle dans ses écrits de l’omniprésence de la pauvreté. "Contrairement à ce que l’on peut voir en Europe, en Amérique ou même en Chine, la pauvreté est omniprésente en Inde. Dans quel autre pays les gens côtoient-ils des huttes en plastique sur les trottoirs des grandes artères — pas une, ni deux, mais tout un quartier de tentes bringuebalantes ? Ils habitent les gares, dorment sous les porches, se tapissent sous les ponts et les voies de chemin de fer".

– Le plus grand bidonville d’Asie, Dharavi, se trouve au cœur même du Manhattan indien, Bombay. Sur près de 210 hectares vivent 600 000 personnes, avec seulement une toilette publique pour 800 personnes. Cet endroit est incroyablement sale.

– Pourtant, en Inde, nombre de personnes semblent ignorer ces bidonvilles. Je me souviens avoir assisté à une représentation au cours de laquelle un personnage officiel de Bangalore a montré des diapositives de bâtiments flambants neufs et de routes parfaites — une ville moderne — tandis qu’il parlait du potentiel d’investissement dans cette ville à la croissance galopante. Pourtant, dehors, la réalité n’avait rien à voir avec ces images : des routes poussiéreuses et cabossées ; des bâtiments en ruines ; et une pauvreté extrême.

– Il y a néanmoins beaucoup de bonnes choses en Inde. Ces données ne font que rappeler tout ce qui reste à faire. Elles ne remettent pas en question les progrès accomplis. Et les promesses de l’Inde, encore aujourd’hui, sont énormes.

– Même si la croissance est tombée de 9% à 5%, l’Inde fait encore partie des économies à la croissance la plus rapide au monde. Sa population est jeune et a faim d’une vie meilleure, elle n’est pas près d’abandonner. La moitié de la population de l’Inde a moins de 25 ans. Beaucoup parlent anglais. Le taux d’épargne est proche du taux chinois, plutôt élevé. "La principale raison qui pousse à l’optimisme", déclare The Economist, "est le taux d’épargne". Contrairement aux Etats-Unis, l’Inde est une nation d’épargnants.

– Et il y a beaucoup de besoins et d’opportunités. Le réseau routier indien est le deuxième plus important du monde, mais il a besoin d’être amélioré. Les coupures d’électricité sont monnaie courante dans les villes indiennes. L’Inde prévoit de dépenser près de 500 milliards de dollars en infrastructures au cours des cinq prochaines années. La production d’électricité à elle seule devrait augmenter de 14% par an sur cette même durée.

– Au niveau micro-économique, il y a de bonnes entreprises disponibles à bas prix. Le gel économique ne durera pas éternellement. Si vous pouvez mettre des investissements indiens en fond de portefeuille pendant quelques années, j’ai dans l’idée que vous pourriez être largement récompensé.

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