La Chronique Agora

Le mal et la stupidité

Le bipartisme américain mène le pays vers une crise prévisible…

« Nous avons deux partis aux Etats-Unis, et uniquement deux. L’un est le parti du mal, l’autre est le parti de la stupidité… Je suis très fier de faire partie de celui de la stupidité… De temps en temps, les deux partis s’unissent, pour faire quelque chose d’à la fois mauvais, et stupide. C’est ce qu’on appelle le bipartisme. »– M.S. Evans

Hier, nous avons vu à quel point les actions sont devenues chères. Nous vivons à l’ère des bulles. 1999, 2008, 2021, et maintenant, à peine trois ans plus tard, nous voilà face à une nouvelle bulle concentrée cette fois-ci sur les Sept fantastiques, les grandes valeurs technologiques.

Mais certaines choses sont inévitables. Les bulles éclatent toujours. Et il ne faudra probablement pas attendre longtemps avant que la bulle de l’IA n’éclate. Les personnes qui espéraient s’enrichir rapidement grâce à cette nouvelle technologie de pointe pourraient tout perdre rapidement, selon le très vieux cycle de l’explosion et de la récession.

Et voici un autre phénomène qui se produit toujours : lorsque le coût du crédit augmente, les faillites augmentent également. Cette année, avec des taux d’intérêt nettement plus élevés qu’il y a quelques années, les avocats spécialisés dans les faillites d’entreprise sont à nouveau grandement sollicités. Voici ce qu’en dit le Financial Times :

« S&P révèle que le taux de défaut de paiement est à son niveau le plus élevé depuis la crise financière mondiale. 

Selon l’agence de notation, le nombre de défaillances d’entreprises s’élève cette année à 29, soit le chiffre le plus élevé depuis le début de l’année ; il était de 36 à la même période en 2009. »

Bulle, bulle, bulle

Lors de la crise financière de 2009, la Fed de Bernanke est intervenue, a fait baisser les taux d’intérêt, a sauvé de nombreux gros débiteurs – dont certaines des plus grandes banques de Wall Street – et a réduit les factures des avocats spécialisés dans les faillites. Cela n’était pas nécessaire. C’était une erreur ; Bernanke a paniqué et a préparé le terrain pour une crise encore plus grave par la suite.

Les taux d’intérêt les plus bas de l’histoire ont encouragé presque tout le monde à s’endetter davantage. Et personne ne s’est autant engouffré dans ce bourbier que le gouvernement américain, qui s’est endetté de 25 000 milliards de dollars depuis 2009.

Aujourd’hui, le gouvernement fédéral est dépassé par la situation et la Fed n’est pas en mesure de sauver les emprunteurs ou les investisseurs boursiers en les endettant davantage. Ceci est nouveau. Et c’est important. En 2000, puis en 2008, la Fed a dopé les actions en abaissant son taux directeur de 500 points de base… et en « imprimant » l’argent nécessaire pour couvrir les déficits.

Mais c’était avant que le croquemitaine de l’inflation ne soit en liberté. Aujourd’hui, la Fed ne peut plus s’en tirer avec ce genre de manoeuvre. Les acheteurs d’obligations verront venir l’inflation ; ils vendront leurs obligations, ce qui fera grimper les taux d’intérêt et rendra les emprunts de l’Etat fédéral encore plus coûteux.

Lorsque l’on est déjà endetté à hauteur de 35 000 milliards de dollars et que l’on prévoit d’ajouter 16 000 milliards de dollars à cette dette au cours des dix prochaines années, la hausse des taux d’intérêt ne représente pas une bonne nouvelle. Même à 5%, le coût des intérêts pourrait s’élever à 2 500 milliards de dollars par an. Cela obligerait les autorités fédérales à emprunter (et à imprimer) encore plus pour couvrir les frais d’intérêt.

C’est à ce moment-là que l’on assisterait à un phénomène qui se produit toujours. Lorsque vous devez emprunter de plus en plus d’argent, juste pour couvrir les paiements d’intérêts sur la dette précédente… vous êtes condamné.

La Fed sera réticente à l’idée de se retrouver dans cette situation. Elle ne voudra pas « imprimer » plus d’argent juste pour empêcher les cours boursiers ou quelques entreprises de premier plan de faire faillite.

Une crise prévisible

Jusqu’à présent, elle n’a pas eu à intervenir. Les taux d’inflation semblent se modérer et les taux d’intérêt baissent. Les justiciers (qui sont censés punir les emprunts fédéraux en exigeant des taux d’intérêt plus élevés) ont également fait une longue pause. Selon le Financial Times, ils « roupillent, alors que les obligations du Trésor se dérobent à de vastes emprunts ».

Mais le gouvernement fédéral est prêt à emprunter un montant équivalent à plus de 5% du PIB chaque année au cours des dix prochaines années. Ce n’est pas quelque chose qui doit arriver, mais c’est quelque chose qui arrivera. Et même ces chiffres dépendent d’une navigation claire, sans tempête. En cas de récession (qui est presque garantie), les autorités fédérales emprunteront et dépenseront davantage.

Oui, cher lecteur, les Etats-Unis sont confrontés à « la crise la plus prévisible de tous les temps », la dette augmentant plus rapidement que le PIB. On la voit venir à des kilomètres à la ronde. La chose la plus évidente à faire est d’éviter le désastre en réduisant le taux de croissance de la dette. Et le moyen le plus évident d’y parvenir est d’équilibrer le budget fédéral.

Mais il y a une chose sur laquelle le parti du mal et le parti de la stupidité sont d’accord : rien ne peut empêcher le rendez-vous des Etats-Unis avec la faillite.

On peut se demander comment il se fait que le pays le plus riche du monde, au sommet de sa puissance et de sa richesse, n’arrive pas à payer ses propres factures. Pourquoi doit-il en faire supporter le coût aux générations futures… qui n’ont pas leur mot à dire ?

Nous réserverons cette question pour demain. Pour l’instant, nous pouvons relier deux points importants entre eux : la quantité de dette du Trésor américain monte en flèche. Et la demande dépend du taux d’intérêt.

Et à un moment ou à un autre, les gardiens des obligations risquent d’entendre une alarme se déclencher. Torsten Slok d’Apollo Global Management : 

« Une vente aux enchères très faible pourrait les réveiller. »

Qui sait ce qui se passera, mais les taux d’intérêt réels augmenteront probablement.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile