▪ Oh comme ils ont l’air réjoui et sûrs de leur fait, ceux qui commencent à claironner que les semaines qui viennent vont épater les investisseurs.
Cela va ressembler au scénario de juillet/août 2003 ou 2009, tout simplement parce que le grand redécollage vers les 5 000 à Paris et les 15 000 points à Wall Street s’est amorcé le 29 juin dernier et que personne ne l’a encore compris.
Car il n’existe aucun placement alternatif autre que les actions, les actions ou les actions.
Les Etats-Unis viennent en effet d’émettre ce jeudi des emprunts indexés sur l’inflation à des taux négatifs. Les taux courts rapportent moins que zéro dans plusieurs pays du nord de l’Europe et même la France. Ce sont exactement les mêmes — car j’ai une bonne mémoire des visages — qui affirmaient avec leur air de crétins satisfaits que notre pays allaient subir la fureur des marchés dès le 6 mai dernier.
Pas d’inflation à l’horizon, donc une quasi-certitude en ce qui concerne le recours à la planche à billets avant les élections américaines. Et Mario Draghi finira par suivre les recommandations du FMI en matière d’injection monétaire.
▪ Les marchés sont invulnérables
Les rachats de dette souveraine vont reprendre sous les vivats du Bundestag et avec le plein assentiment des sages de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Ces derniers ne se sont jamais formellement opposés à la mise en oeuvre des mécanismes de sauvetage mis en place par l’Europe.
Oui, les permabulls ne touchent plus terre depuis quelques jours : les places asiatiques chutent, Wall Street monte. Les chiffres américains sont mauvais — encore une bonne rafale ces dernières 48 heures. Wall Street monte. L’émission d’emprunts à cinq et sept ans s’est déroulée de la pire des façons jeudi matin, le pétrole flambe à cause des tensions entre l’Iran et Israël… Wall Street monte.
Les marchés sont invulnérables… vous ne l’avez pas compris ?
Pour notre part, nous avons renoncé depuis longtemps à leur suggérer de considérer que les indices auraient pu être très légèrement manipulés à la hausse mercredi. En effet, nous avons assisté à l’expiration des contrats sur indices de volatilité VIX, ce qui a permis de maximiser les gains sur des stratégies visant à récupérer la mise de tous ceux qui ont couvert d’une manière ou d’une autre leurs positions face à la montée des périls dans le sud de la Zone euro.
▪ Des coups tordus qui n’ont rien de surréaliste
Créer de la peur, déstabiliser l’Espagne et l’Italie, faire grimper la prime des options et le prix des CDS avec l’agitation du spectre de la dislocation de l’Eurozone… puis faire croire que la crise a été miraculeusement résolue à 5h du matin un certain 29 juin et qu’un QE3 est dans les tuyaux avant mi-août pour faire s’effondrer la volatilité.
Quelles élucubrations ! Voilà le genre de stratégie tordue dont sont bien incapables ceux qui ont manipulé le Libor… les cours du pétrole en 2008… parié contre leurs propres subprime pourris dès 2007… ou qui blanchissent de l’argent sale à grande échelle !
Invulnérables, les marchés ? C’est une façon de voir les choses !
Nous dirions plutôt, en repensant à l’effondrement de l’automne 2008 ou 2011, que les scénarios directionnels sont parfaitement maîtrisés.
La remontée des indices américains vers les sommets atteints début juillet défie la logique macro-économique mais elle est parfaitement logique compte tenu de l’impulsion haussière survenue entre le 26 juin et le 5 juillet.
La décrue du VIX entre 25 et un plancher historique de 15,5 inscrit opportunément en ce premier jour de l’échéance août coïncidait avec une veille d’expiration des contrats et options sur actions et indices (séance dite des « Trois sorcières »).
▪ Wall Street fait son service minimum
Puisque l’essentiel était acquis dès mercredi soir, Wall Street s’est contenté du service minimum après avoir salué par une petite poussée de fièvre haussière le vote du plan de soutien à l’Espagne par le parlement allemand. L’annonce a eu lieu vers 17h50… mais il n’y avait aucun suspense car même l’opposition s’était ralliée à la coalition d’Angela Merkel.
Au moins c’est officiel, et cela alimentera la turbine à excuses bidon pour justifier l’apparente euphorie des indices européens depuis 48 heures.
Les bons trimestriels sont publiés aux Etats-Unis mais ce sont les places européennes qui grimpent de 2,5% en 48 heures.
Le Dow Jones a fusé à la hausse jusque vers 12 975 points vers 18h (vote du Bundestag) avant de revenir en clôture sur les niveaux observés à 17h30 (soit +0,27%).
Il convient de souligner que les 35 points gagnés au final correspondent à la contribution d’IBM avec ses 3,8% de progression. Le Nasdaq a grimpé de 0,8% dans le sillage d’eBay (8,6%), EMC (12% en 48 heures), Broadcom (6%), etc.
▪ Des statistiques qui ne remontent pas le moral
Les indices américains ont comme souvent ignoré une batterie de mauvaises statistiques aux Etats-Unis. Rien ne semble devoir entamer l’optimisme inoxydable des marchés.
Et surtout pas le bond de 34 000 demandeurs d’emplois (le total remonte à 386 000)… ni le recul de 5,4% des reventes de logements anciens… ni un score du Philly Fed proche de -13% (il était attendu autour de -6 après -16,6 en juin)… ni le recul de 0,3% des indicateurs avancés… puisque c’est le genre de chiffres propres à inviter la Fed à lancer un QE3.
Les permabulls qui voient le Dow Jones à 15 000 d’ici fin 2013 ne se demandent même pas si Ben Bernanke prendra en considération les excellents trimestriels qui ont fait flamber le Nasdaq jusqu’à 1,4% à la mi-séance ce jeudi.
Les stratégies monétaires quantitatives n’ont aucun effet mesurable sur la croissance économique ; elles font juste grimper les cours de Bourse pour entretenir un effet de richesse illusoire. Est-ce de cela dont Wall Street a besoin ?
Un assouplissement quantitatif pourrait en revanche ramener le calme — provisoirement bien entendu — sur les marchés obligataires européens. Ils en auraient bien besoin alors que l’adjudication de bons du Trésor espagnols à deux, cinq et sept ans s’est franchement mal passée.
Les taux ressortaient en forte hausse par rapport à la mi-juin. Le sept ans affiche 6,75% de rendement, le cinq ans pas moins de 6,30%… et la demande s’avérait par ailleurs très faible sur les échéances 2017 et 2019.
C’est l’une des pires émissions obligataires depuis le début de l’année. Mais cela n’a pas empêché Madrid de gagner 0,6% ni l’Euro-Stoxx 50 de renouer avec les 2 300 points. Le voici revenu à mi-chemin entre le zénith de la mi-mars (2 600 points) et le plancher de fin avril (2 000 points).
Nous voyons à l’oeuvre dans ce rebond les mêmes ressorts psychologiques qu’aux Etats-Unis avec la Fed depuis une semaine. Les permabulls sont convaincus que BCE va passer outre les objections allemandes (« moi vivante, il n’y aura jamais de mutualisation des dettes », affirme Angela) et reprendre son programme d’achat d’emprunts de pays en difficulté… au moins jusqu’à ce que le MES devienne opérationnel.
Nous savons que nombre de parlementaires et économistes allemands doutent qu’il le soit jamais. Personne ne semble d’accord sur son statut et le levier dont il pourra disposer. Dans ce cas, une intervention de la BCE ne servirait à rien.
Autant limiter les frais autant que possible… car gagner encore du temps dans ces conditions ne serait que perdre de plus d’argent (pour le contribuable germanique s’entend).