▪ J’ai beaucoup insisté lors de diverses interventions la semaine dernière — que ce soit sous forme de vidéos, d’émissions télévisées ou de brèves publiées par le biais de La Bourse au Quotidien — sur l’unanimisme sans précédent des acteurs qui tirent leurs revenus de la hausse des marchés. Un consensus haussier hégémonique, d’une ampleur sans précédent… comme si, à l’occasion d’un gigantesque cocktail réunissant tous les traders, gérants, stratèges, économistes, journalistes spécialisés, la salle avait été baignée d’un mélange protoxyde d’azote + hélium.
Tous sont en proie à des quintes de rires inextinguibles — renforcées par le fait que les assistants se retrouvent affublés d’une voix de canard qui ne fait que renforcer l’hilarité générale.
Ils n’y peuvent rien, ils ne sont pas dans leur état normal : des commentateurs évoquent l’euphorie véhiculée par le "bol de punch" des banques centrales mais ils ne décrivent qu’une partie de la réalité.
Il existe toujours un contingent de convives qui demeurent sobres envers et contre tout — soit parce qu’ils n’aiment pas le punch… soit parce que leur foie en est tellement imbibé qu’il ne peut plus en tolérer une louchée supplémentaires.
En revanche, personne ne peut s’abstenir de respirer. Il suffit de modifier le mélange de gaz qui circule dans les conduits d’aération pour endormir tout le monde en quelques secondes… ou transformer des gens sérieux et pondérés en illuminés qui se pensent capables de voler ou de rendre réel tout ce qui leur passe par la tête.
+145% au compteur ! Cette performance à trois chiffres suit d'autres gains de l'ordre de 81%, 75% ou encore 120% enregistrés ces derniers mois… … et dont vous pourriez profiter à votre tour : il suffit d'un clic… |
Les cinq semaines de hausse continue de Wall Street (et un 47ème record annuel pour le S&P 500 lundi soir) n’étaient qu’un échauffement en regard du rally de fin d’année |
Une hallucination collective en tout cas recueille tous les suffrages : c’est que les cinq semaines de hausse continue de Wall Street (et un 47ème record annuel pour le S&P 500 lundi soir) n’étaient qu’un échauffement en regard du rally de fin d’année. Ce dernier va débuter avec Thanksgiving (vendredi matin) après un début de semaine de consolidation à plat — pas question de reperdre un pouce de terrain après les 12% à 15% gagnés sans aucune consolidation intermédiaire depuis le 16 octobre dernier.
▪ Le mois de décembre va être tonitruant !
Le S&P va être littéralement aspiré vers les 2 100 points, en prélude à une année 2015 où les bénéfices vont prendre leur revanche sur l’expansion des multiples. Une progression de 15% des profits constitue une hypothèse basse compte tenu des efforts titanesques des banques centrales pour alimenter la sphère financière en surliquidité.
Or c’est la surliquidité "extraite de l’air ambiant" qui finit par remplacer notre atmosphère composée du mélange azote/oxygène/argon par ce mélange gaz hilarant + hélium auquel nul ne peut résister. C’est toute la chimie du cerveau, la gestion de nos émotions qui se retrouve chamboulée.
Ceux qui n’ont pas été invités aux festivités (99,9% de la population) observent, incrédules, les 0,1% délirer en choeur : "injectons, injectons pour terrasser la déflation, injectons, injectons pour faire grimper éternellement actions et obligations".
Sauf que la seconde proposition fonctionne si bien qu’elle exclut la matérialisation de la première. Après tout, pourquoi prendre le risque de l’économie réelle alors que ça gagne à tous les coups dans l’économie virtuelle ?
La répression financière menée par les banquiers centraux — et qui consiste à priver de rendement l’argent qui ne travaille pas — pénalise effectivement les épargnants… en particulier les Allemands.
Les banques de leur côté ont l’embarras du choix pour employer les liquidités qu’elles détiennent en excédent : prêter massivement aux hedge funds pour trader des emprunts d’Etat et des émissions obligataires corporate qui grimpent tout le temps… ou spéculer sur des dérivés de volatilité (vendre de la "valeur temps" semaine après semaine, mois après mois) car cela éponge beaucoup liquidités et produit un rendement bien supérieur à celui des actions.
L’année 2014 voit surtout exploser les prêts massifs aux entreprises pour racheter leurs concurrents |
L’année 2014 voit surtout exploser les prêts massifs aux entreprises pour racheter leurs concurrents (déjà 1 450 milliards de dollars de fusions-acquisitions aux Etats-Unis, 3 100 milliards dans le monde) ainsi que leurs propres titres. Cela afin de continuer à distribuer des dividendes sans rapport avec leurs profits réels… et faire baisser artificiellement les PER au passage.
J’arrête là, mais je pourrais vous citer une bonne demi-douzaine de stratégies de "finance casino" jugées pratiquement sans risques et dont la profitabilité s’avère presqu’immédiate… par rapport à des prêts à long terme qui soit ne rapportent rien (crédits immobiliers accordés à des emprunteurs "AAA"), soit sont assortis de rendements élevés mais qui présentent de gros risques car les emprunteurs jouent leur survie.
Cette réalité crève tellement les yeux que les banques centrales dissertent à perte de vue sur à peu près toutes les thématiques induites par leurs stratégies "non conventionnelles"… sauf celle décrite au paragraphe précédent.
Vous pouvez lire des essais de haute volée intellectuelle concernant la neutralisation des liquidités injectées par les banques centrales via la contraction des rendements obtenus auprès des émetteurs de dette. 1 000 milliards d’euros d’injections à 1,25% de rendement sur 10 ans crée moins d’argent à terme — par le jeu des intérêts composés — que 500 milliards d’euros à 2,50%.
▪ Coup de grâce pour la consommation et le pouvoir d’achat
Sauf que les 1 000 milliards d’euros extraits de l’air pur ne servent qu’à alimenter une gigantesque pyramide de Ponzi de dette et à perpétuer une double escroquerie : fournir du carburant à la spéculation (qui alimente la formation de bulles) tout en privant de revenus les épargnants, confrontés parallèlement à la précarisation de leur parcours professionnel.
Le sommet de l’absurdité est atteint lorsque les banques centrales décrètent la mobilisation générale contre la déflation (leur excuse pour créer indéfiniment de la fausse monnaie). Dans le même temps, gouvernements, patronat et prix Nobel d’économie sont d’avis que les salaires des contribuables/consommateurs doivent être gelés, leur statut professionnel précarisé, qu’il faut travailler plus pour gagner moins car à une heure d’avion, des millions d’ouvriers sont prêts à accomplir les mêmes tâches pour 10 fois moins cher (le salaire moyen en Ukraine est de 150 euros par mois).
Le coup de grâce est porté à la possibilité de consommer par l’accroissement du coût des études. Et on finit par entrer dans la vie active en gagnant en moyenne 20% de moins qu’avant la crise… tandis que la génération qui a cessé de travailler voit sa fiscalité s’alourdir et ses rentes passer au laminoir des taux zéro.
Le pouvoir d’achat des jeunes — qui doivent s’endetter pour étudier — et des seniors — qui subissent la répression financière — s’effondre |
Le pouvoir d’achat des jeunes — qui doivent s’endetter pour étudier — et des seniors — qui subissent la répression financière — s’effondre. Quel devient le réflexe naturel de ceux qui ont un travail (de plus en plus mal protégé) ?
Epargner pour payer de bonnes écoles à leurs descendants, épargner pour faire face à un accident professionnel (avec des indemnités chômage devenant insignifiantes), épargner pour compenser l’effondrement programmé par les banques centrales de leurs pensions de retraite.
Même le fait d’épargner devient une sorte de roulette russe. Acheter des actions et des obligations d’entreprise à haut rendement dans un contexte de fuite en avant au sein d’un schéma de Ponzi hyper-bullesque ? Trop risqué… Accumuler du cash sur son compte au risque de se le faire "chyprer" en cas de reset global de la dette gouvernementale ? Pas question.
Il ne reste guère de choix à part acheter des actifs tangibles : or, terres agricoles, forêts, diamants (des gros et des très purs).
C’est exactement ce que font leurs riches et les ultra-riches sur l’ensemble de la planète depuis cinq ans lorsqu’ils doivent réemployer les excédents de plus-values qu’ils ont engrangés grâce à la hausse inexorables des marchés financiers.
Aux Etats-Unis, ils se font également construire de plus grosses maisons, de plus gros chalets, de plus grandes tours pleines d’appartements ultra-luxueux.
Oubliez les tours mais n’oubliez pas les Napoléons : justement, nous voudrions en glisser un dans votre poche, à l’occasion — mémorable — des 15 ans de la Chronique Agora. Un peu d’or offert… juste histoire d’éprouver la sensation de détenir quelque chose d’inaltérable et que les banques centrales ne peuvent pas imprimer.
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