La Chronique Agora

L'ornithorynque et les investisseurs

** Vous pensez peut être que l’animal qui représente le mieux l’Australie est le kangourou, ou le koala. C’est une erreur que font beaucoup de gens. Et vous pouvez aussi barrer de la liste le diable de Tasmanie, le grand requin blanc, le crocodile, et l’infâme dingo.

– L’animal qui représente le plus parfaitement l’Australie — du moins d’un point de vue économique — est l’ornithorynque. Animal ovipare, avec un bec de canard, une queue de castor et des ergots venimeux, l’ornithorynque est un monstre de l’évolution. Il est mi-mammifère, mi-reptile et entièrement bizarre. Vous ne pourriez pas trouver meilleur animal pour illustrer la position étrange, mais privilégiée, qu’occupe l’Australie dans l’économie mondiale.

– Comme les Etats-Unis, l’Australie a une bulle de l’immobilier en cours d’effondrement. Et comme aux Etats-Unis, les consommateurs australiens se sont jetés, armés de leurs cartes de crédit, sur le textile et l’électronique à bas prix venus d’Asie. Mais contrairement aux Etats-Unis, l’outback australien, riche en matières premières, joue un rôle primordial dans la plus grande révolution industrielle jamais vue : celle de la Chine.

– BHP Billiton, l’entreprise minière multicarte basée à Melbourne, est la blue chip du secteur minier australien. La première fois que je suis tombé sur BHP, c’était en 2004, lorsque je cherchais un moyen de jouer sans risque le boom des matières premières nourri par l’expansion de la Chine. J’avais déjà vu la valeur lors d’un voyage à Perth, dans l’ouest de l’Australie, l’année précédente. Cela me semblait être un bon filon.

– Quatre ans plus tard, la valeur a augmenté de 367%. BHP reste, d’après mon humble opinion, la meilleure action du secteur des matières premières du monde entier pour la durée de ce boom. Il n’est donc pas surprenant que des rumeurs circulent, disant qu’une entreprise chinoise — Baosteel, Chinalco, ou quelque autre entreprise soutenue par l’état — souhaiterait racheter une grosse part de BHP.

– Ce ne serait pas la première fois qu’une entreprise chinoise ferait une acquisition sur le marché des matières premières australiennes en plein boom. Et je peux vous garantir que ce ne sera pas la dernière.

– Dans un raid express à Londres, la dernière nuit de janvier, le chinois Chinalco (accompagné d’Alcoa) a fait un gros coup et a acheté 9% du titan des matières premières, Rio Tinto. Et il y a seulement quelques semaines, la première OPA hostile d’une entreprise chinoise sur une entreprise australienne a provoqué un bond du cours quand l’offre de 1,26 milliards de dollars de Sinosteel a été acceptée par le conseil d’administration du producteur de minerai de fer, Mid West.

** De toutes les matières premières en pleine croissance, le minerai de fer est la plus primitive, la plus reptilienne si l’on peut dire. Vous ne pouvez pas avoir d’acier sans minerai de fer et de charbon à coke (une autre grosse exportation australienne vers la Chine). Le squelette d’une économie industrielle est fait d’acier. Et le squelette du mastodonte industriel de la Chine est de plus en plus fait de minerai de fer australien.

– Au cours des huit dernières années, la Chine a quadruplé sa production d’acier, passant ainsi de 100 millions de tonnes à 500 millions de tonnes. La Chine produit désormais cinq fois plus d’acier que les Etats-Unis. C’est le plus gros producteur et consommateur d’acier au monde. Cette demande vorace de minerai de fer a fait grimper le cours de 320% depuis 2003, plus que celui de l’or, qui a augmenté de 147% dans la même période. Qu’y a-t-il donc de surprenant à ce que les analystes appellent désormais le minerai de fer le nouvel or ?

– J’aimerais vous dire que je l’ai vu venir. Mais après avoir déménagé en Australie fin 2005 pour suivre le boom des matières premières, je pense avoir sous-estimé la longueur et la force de ce boom. A l’origine, j’ai emménagé ici parce que je pensais que le marché haussier des matières premières durerait au moins cinq ans de plus. Mais il se pourrait que le boom continue au-delà. En réalité, il semble même s’être intensifié cette année.

– En Australie, il y a plus d’actions du secteur des matières premières qu’il n’y a d’analystes. Certaines de ces entreprises ont des actions intéressantes sur leurs bilans. La valeur boursière de ces actions augmente… même s’il n’y a aucun analyste dans le coin pour le remarquer.

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