La Chronique Agora

L'Irlande, ses déficits… et son immigration

▪ Comme nous le disions hier, il y a plusieurs écoles de pensées concernant l’économie actuelle :

– il y a une reprise… (Geithner, Summers, et al) ;
– il n’y a pas de reprise… et l’inflation arrive… (Faber, Stansberry, Casey) ;
– il n’y a pas de reprise… et la déflation dure arrive… (Prechter, Shilling).

Et puis il y a la vision solitaire de la Chronique Agora :

Il n’y a pas de reprise… et la déflation douce, à la japonaise, arrive.

Qui a raison ?

Vous reconnaîtrez notre point de vue : c’est le même qu’il y a dix ans. Bien entendu, nous avons changé d’avis sur la question — plus ou moins — une ou deux fois entre-temps. Après la grande accumulation de dette au milieu des années 2000, nous ne pensions pas que les Etats-Unis puissent se permettre un désendettement long, doux et lent à la japonaise. Les Nippons avaient de l’épargne… et une balance commerciale positive. Ils pouvaient se permettre une récession par intermittences… pendant que leur gouvernement gaspillait l’épargne de toute une génération.

Mais les Etats-Unis ont une gigantesque balance commerciale négative… et peu d’épargne. Comment auraient-ils pu survivre à un ralentissement de style japonais ?

Eh bien, les choses évoluent… et notre opinion évolue avec elles. Dans le cas présent, elles ont évolué jusqu’à revenir à leur point de départ. Les taux d’épargne grimpent. La plupart des gouvernements — autres que les Etats-Unis — font des efforts pour réduire leur dépendance à l’emprunt. Cela laisse assez d’argent disponible pour financer les déficits américains — pas indéfiniment, mais peut-être pour encore un ou deux ans… voire cinq ou dix ans.

Se pourrait-il que nous nous trompions sur le sujet ? Absolument. Devriez-vous parier tout votre avenir sur notre point de vue ? Non m’sieur.

Mais nous avons probablement raison…

▪ Le paragraphe suivant va donner l’impression que nous essayons de changer le sujet. Pas du tout. On a appris dans le Globe & Mail que les Irlandais sont revenus à leur meilleure exportation — les gens.

Vous vous rappellerez que feu le boom avait complètement transformé l’Ile Emeraude. Tout à coup, les Irlandais étaient les gens les plus riches d’Europe (en se basant principalement sur la valeur de leurs maisons)… et des centaines de milliers de Polonais et autres immigrants affluaient en Irlande pour trouver du travail.

Quasiment toutes les serveuses de Dublin semblaient avoir l’accent d’Europe de l’Est. Il y avait même une chaîne télévisée en polonais.

Puis le krach est arrivé. Les Irlandais sont retombés sur terre. Les emplois ont disparu. Les prix des maisons ont chuté (quoique pas autant qu’on aurait pu le prévoir). Et les immigrants ont commencé à rentrer chez eux. De nombreux Irlandais de souche les ont suivis.

Oui, "l’exode irlandais" a repris, rapporte le Globe & Mail.

"Des centaines de milliers d’immigrants venaient autrefois en Irlande, quémandant du travail à la porte de l’économie la plus forte d’Europe. Mais après deux décennies et un effondrement stupéfiant, l’Irlande est redevenue une nation d’émigrants, cherchant des emplois ailleurs pour échapper à la triste réalité de leur pays natal".

Bah, c’était terrible tant que ça a duré. Maintenant, les Irlandais peuvent abandonner le développement immobilier et revenir à la poésie et au whisky. Le pays ne sera peut-être plus aussi prospère, mais il sera sûrement plus joli.

70 000 personnes devraient quitter l’île cette année. D’ici 2015, le total devrait atteindre les 200 000, si le chômage poursuit sa tendance.

Où vont-ils ? Au Canada. En Nouvelle-Zélande. En Australie. Les Etats-Unis n’ont pas été mentionnés.

Ce qui nous intéresse le plus, c’est l’histoire derrière l’histoire. L’Irlande n’est pas seulement le pays européen le plus à l’ouest. Elle est aussi la plus avancée dans la lutte contre les dépenses déficitaires. Tandis que les autres flânaient, l’Irlande réduisait. Elle a renfloué ses grandes banques… puis a dû protéger son propre crédit. En dépit de tous ces efforts, le déficit est resté obstinément élevé. A 11%, il est en ligne avec les Etats-Unis, qui n’ont fait aucun effort de réduction.

Que s’est-il passé ?

Il semblerait que les néo-keynésiens Krugman et Wolf ont raison sur au moins un point. Réduire les dépenses gouvernementales pendant que le secteur privé se désendette est difficile (selon nous, c’est le meilleur choix… mais on s’éloigne du sujet).

Voilà ce qui se passe : à mesure que les autorités réduisent leurs dépenses, elles réduisent les revenus du secteur privé, qui est lui-même en mode "réduction". Ce qui provoque une chute des recettes fiscales — augmentant ainsi le déficit.

On se retrouve avec un cercle vicieux : réductions de dépenses, déficits, nouvelles réductions, et ainsi de suite. Tout ça ne nous inquiète pas… mais les autorités n’apprécient pas. Et le public non plus. Mieux vaut attendre jusqu’à ce que le secteur privé ait terminé de se désendetter, déclarent la plupart des experts.

Bien entendu, on ne fait alors qu’augmenter la dette du secteur public — qui devra être remboursée à un moment ou à un autre. On gâche aussi des ressources — pour toujours — rendant les gens bien plus pauvres qu’ils le seraient autrement.

Mais passons…

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