La Chronique Agora

L'Irak a trouvé son futur quarterback !

** Si le football américain finit par prendre en Irak et que le syndicat des journalistes local décide de monter une équipe professionnelle… il n’y aura aucune hésitation sur le choix du quarterback — le joueur qui fait office de lanceur et qui oriente le jeu de façon décisive. Mountazer al Zaïdi, reporter de la chaîne Al Bagdadia, vient d’accéder à la célébrité mondiale en enchaînant deux lancers de chaussure d’une précision diabolique en direction de G.W. Bush qui avait organisé une conférence de presse improvisée à Bagdad.

Le président américain, qui a assurément fréquenté les terrains de football dans sa jeunesse, a esquivé — avec le sourire — les deux projectiles de taille 43 (cousus norvégien) malgré une cadence de tir particulièrement rapprochée.

Nous sommes prêts à prendre le pari que ces quelques secondes de sport en salle vont battre le record de visionnage sur YouTube et tous les sites d’information en ligne du monde arabe. Aux Etats-Unis et en Europe, en tout cas, c’est déjà un raz-de-marée.

Ce geste de défi — très fort symboliquement au Proche-Orient — a déjà fait plus de dégâts pour l’image de W que ses bafouillages, ses déclarations absurdes, ses mensonges et autres flirts avec les milieux pétroliers et lobbies de l’armement dénoncés par Michael Moore.

Tout le monde se souvient encore, 48 ans plus tôt, de Nikita Khrouchtchev, alors leader de l’URSS, se déchaussant à la tribune de l’ONU un certain 13 octobre 1960 pour marteler son pupitre et donner plus de force à son discours anti-américain — l’anecdote était survenue deux mois jour pour jour avant l’éclatement de la crise des missiles de Cuba.

Nous gageons que si personne ne songe à baptiser une université, une prestigieuse fondation scientifique ou une grande avenue de la capitale américaine ou de Miami du nom de George W. Bush, en revanche, le 43ème président des Etats-Unis passera à la postérité grâce aux images ébouriffantes prises sur le vif à Bagdad un certain 13 décembre 2008.

** Nous supposons qu’un autre éminent personnage — également de nationalité américaine — suscite des envies de jets d’objets divers si jamais il devait faire une apparition publique. Il s’agit — vous l’aviez deviné — de Bernard Madoff, l’auteur de la plus gigantesque escroquerie pyramidale de l’histoire.

Des centaines de (très) riches clients se préparent à lui lancer tout ce qui leur tombera sous la main (carafes en cristal, cannes de golf, caves à cigares en bois précieux, miniatures en bronze, pendules pourvues d’un socle en marbre…) si jamais l’ex-milliardaire commettait la folie de rendre visite à l’un de ces clubs ultra-sélects de New York ou de Washington dont il était, jusqu’à une date très récente, membre d’honneur en tant que mécène reconnu et magicien de la finance.

Compte tenu du peu de densité de l’actualité financière lundi matin, il était beaucoup question du scandale Madoff dans les salles de marchés, avec ces interrogations lancinantes : qui s’est fourré dans le pétrin ? Quelle sera l’étendue des pertes ? Il y a-t-il d’autres Madoff encore en liberté ? Combien de financiers véreux attendent-ils d’avouer avoir tout perdu — et d’avoir ruiné leurs clients — à l’occasion du krach de 2008 ?

** Même si Wall Street avait clôturé en hausse vendredi, nous étions étonné de voir Paris gagner initialement 1% alors que BNP Paribas perdait rapidement jusqu’à 6%. Dans le même temps, Santander, HSBC ou RBS, pourtant beaucoup plus exposés que le numéro 1 tricolore, ne cédaient guère plus de 0,5% ou 1% au final… bizarre, non ?

Le CAC 40 a terminé en repli de 0,87% à 3 185 points, après avoir cédé jusqu’à 1,2% pour tester la zone des 3 170 points — tout ça dans des volumes d’échanges anecdotiques qui n’avaient rien à envier à ceux qui caractérisent la trêve des confiseurs.

L’activité ne cesse de décliner depuis mercredi dernier et il est difficile de parler de vague d’habillage de bilans (window dressing) avec seulement 2,7 milliards d’euros échangés sur les 40 vedettes du CAC à quatre jours seulement de la journée des "quatre sorcières".

Avec un repli moyen de 0,5% sur les places européennes (deuxième baisse consécutive), le scénario du rally de fin d’année s’éloigne encore un peu plus : certains établissements financiers et sociétés de gestion de fortune pourraient se retrouver contraints de vendre à tout prix pour pouvoir rembourser leurs clients.

La journée avait pourtant bien commencé avec des envolées de 5,5% à Tokyo ou de 4,9% à Séoul. Cependant, les opérateurs n’ont pas tardé à anticiper une consolidation de Wall Street, et leurs attentes n’ont pas été démenties cette fois-ci. Le Nasdaq a effacé en clôture tous ses gains de vendredi (la rechute atteint 2,1%) tandis que le Dow Jones perdait une soixantaine de points (soit -0,75%) dans le sillage de JP Morgan (-7,5%), de Bank of America (-5,5%), de Citigroup et de Wachovia (-3,5%).

Le séisme financier généré par l’affaire Madoff n’a pas fini d’ébranler les marchés et de susciter des interrogations sur la légèreté, l’incompétence ou la complaisance des autorités de régulation, et notamment de la SEC. La peur liée à la révélation d’autres scandales latents risque de détourner pour encore des semaines les investisseurs du compartiment actions.

** Rien n’incitait d’ailleurs à y revenir en ce lundi car les nouvelles économiques n’étaient guère encourageantes. La production industrielle des Etats-Unis a reculé de 0,6% au mois de novembre et de 5,5% en rythme annuel.

De même, l’activité manufacturière dans l’état de New York s’est encore détériorée au mois de décembre. L’indice Empire State de la Fed a inscrit un nouveau plus bas de -25,8 ce mois-ci, contre -25,4 au mois de novembre. Il s’agit d’un chiffre conforme aux estimations… mais il est suffisamment mauvais pour alimenter les spéculations sur un nouvel assouplissement de 0,5% du principal taux directeur de la Fed à l’issue de sa réunion de mardi et mercredi.

L’euro poursuivait donc sa remontée face au dollar sans rencontrer la moindre opposition ; il s’échangeait lundi soir autour de 1,3670 après avoir testé les 1,370. Cela suscitait parallèlement une forte remontée du baril de pétrole au-delà des 49 $ sur le NYMEX. Mais la fin de séance a été marquée par une brusque correction de l’or noir qui s’est repositionné à proximité de l’ex-résistance des 44 $.

** Le pétrole pourrait rebondir à tout moment au gré des rumeurs de sauvetage des constructeurs automobiles américains. George W. Bush a déclaré ce week-end (juste avant son départ pour l’Irak) qu’il envisage finalement de venir en aide à General Motors et Chrysler — Ford estimant pouvoir tenir encore quelques mois sans lever de nouveaux fonds.

La Maison Blanche pourrait ainsi octroyer huit milliards de dollars à chacun des deux groupes, des sommes qui pourraient être prélevées sur les liquidités dont dispose encore le TARP, le fonds de secours aux banques en difficulté conçu par Henry Paulson qui n’a jamais fait la preuve de son efficacité mais qui possède encore 365 milliards de dollars d’encours disponibles).

Ce sont autant de dizaines de milliards de dettes supplémentaires à émettre par le Trésor US — les 16 milliards de dollars évoqués ci-dessus ne sont qu’un premier acompte, soyez-en convaincu. En la circonstance, le Trésor US ne se comporte guère différemment de Bernard Madoff, les souscriptions actuelles servant à rembourser les emprunts émis précédemment !

Philippe Béchade,
Paris

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