La Chronique Agora

L’inflation est enfant de répression fiscale

▪ Que faire quand un pays croule sous les dettes ? Rembourser ? Cela fait trop mal aux porte-monnaie des électeurs. Restructurer ? On tombe dans la tragédie grecque. Faire défaut, tout simplement ? Très mauvaise publicité pour le pays.

C’est pourquoi les gouvernements préfèrent souvent la répression fiscale, pour obliger leurs banques à les aider et diminuer le poids de la dette grâce à l’inflation. Et là, mieux vaut apprendre à vous protéger…

▪ Moins de démocratie et davantage d’inflation : bienvenue dans le futur
Ce qui est bien avec la dette, c’est qu’elle permet d’enchaîner les records. La bulle Internet du début des années 2000 avait été gonflée grâce à un bel effet de levier des entreprises non financières.

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GRECE : ATTENTION DANGER !
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Le résultat (l’éclatement de la bulle) a dû plaire à l’industrie financière, puisque entre 2001 et 2007 elle a accumulé un endettement record à son tour. Bien sûr, les individus n’allaient pas rester à côté de la fête et se sont eux aussi endettés à tout-va jusqu’en 2007, à grands coups de subprime notamment.

▪ L’inflation diminue votre dette
C’est maintenant au tour du secteur public d’inscrire quelques lignes à son palmarès. Les pays les plus développés de la planète ont vécu ces 10 dernières années la plus forte augmentation de leur dette publique en temps de paix. Prochaine étape : un record d’inflation.

Pourquoi ?

Car l’inflation aide à diminuer la dette, surtout quand elle est associée à une bonne dose de coercition. En langage technique, la coercition ajoutée à l’inflation s’appelle la répression financière.

▪ L’inflation redevient à la mode
C’est l’une des pistes privilégiées par les gouvernements actuels pour réduire leur dette. La manoeuvre est à tel point dans le vent que même des économistes de haut vol s’intéressent à ses mérites. C’est ce qu’a fait Carmen Reinhart, du National Bureau of Economic Research, dans un papier publié en mars dernier et qui pourrait être titré « Vive la répression ! ».

La répression fiscale n’est rien d’autre qu’une forme dissimulée de restructuration. Certains la jugent subtile. Pour moi, l’injection d’inflation dans le système a la subtilité d’une Panzerdivision sur des pâquerettes printanières.

▪ Répression obligatoire
Pour bien réprimer et diminuer sa dette, un gouvernement doit imposer à ses banques et intermédiaires financiers (caisses de pension par exemple) de lui prêter de l’argent.

Comment ?

Plusieurs méthodes s’offrent à lui :
– en obligeant ces acteurs à détenir de la dette publique nationale, par des mécanismes de réserves par exemple ;
– en s’arrangeant pour pénaliser les autres véhicules dans lesquelles les banques aimeraient investir. Comme cette source de financement doit rester captive, il convient d’empêcher la création de nouvelles banques, qui échapperaient au contrôle étatique. De solides barrières à l’entrée s’imposent donc ;
– en contrôlant aussi les taux d’intérêt, pour imposer un plafond ;
– en installant un contrôle des changes intransigeant. Cela tombe bien : plusieurs candidats à l’élection présidentielle hexagonale proposent une telle mesure.

C’est bien beau tout cela, mais on peut faire encore mieux. En ajoutant une bonne dose d’inflation, on réduit mécaniquement la dette. Les taux d’intérêt nominaux bas réduisent le poids du service de la dette, tandis que des taux d’intérêt réels négatifs permettent d’éliminer d’un claquement de doigts une partie du principal.

▪ L’inflation, la clef des Trente Glorieuses
Cette belle stratégie a permis d’abaisser de nombreux ratios dette/PIB après la Seconde Guerre mondiale, jusque dans les années 1970. Entre 1945 et 1980, les taux d’intérêt négatifs ont permis aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne de liquider entre 3% et 4% de leur dette (par rapport au PIB) par année. Pour l’Autriche et l’Italie, l’effet a même approché les 5% par an.
D’un autre côté, l’inflation était plus forte dans ces pays.

Conclusion : « la répression financière donne les meilleurs résultats quand elle est accompagnée d’une bonne dose d’inflation », écrit Carmen Reinhart, dont le prénom rappelle le célèbre opéra de Georges Bizet.

▪ Qu’est-ce qu’on attend pour réprimer, alors ?
La question doit démanger plus d’un ministre des Finances. Surtout que dans les années 1950 et 1960, cette répression n’a pas empêché une progression fulgurante du revenu réel des ménages.

La réalité est que cet envol du revenu des ménages a surtout été provoqué par la forte croissance économique de l’après-guerre, lorsqu’il a fallu reconstruire toute l’Europe, par exemple. A partir des années 1970, la progression du revenu ralentit de manière spectaculaire.

▪ Les Etats ont déjà commencé
Il n’empêche que notre époque prépare le terrain à la répression fiscale depuis quelques années. Au-delà d’un seuil ridiculement bas, on empêche le citoyen de payer en liquide pour des métaux précieux, comme l’a fait la France.

Les autorités renforcent leur arsenal juridique, histoire de pouvoir confisquer les actifs réels de valeur lorsqu’elles le voudront. Voici le futur, il n’est pas rutilant pour ceux qui ne seront pas préparés.

Dans son fameux opéra, Georges Bizet fait dire à Don José, à propos de l’héroïne : « certainement, s’il y a des sorcières, cette fille-là en est une ». Pour le paraphraser, j’oserais : « certainement, s’il y a des sorcières de l’investissement, l’inflation en est une ».

Et si l’amour est enfant de bohème, l’inflation est enfant de répression fiscale…

Marc Mayor est expert en investissements éliminant le risque de marché. Il a récemment fait une conférence sur les conséquences du risque inflationniste pour votre patrimoine, et comment vous en protéger. Pour en savoir plus, retrouvez-le sur www.dvd-inflation.com

Première parution dans l’Edito Matières Premières & Devises du 07/02/2012.

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